Chapitre 119 : Poubelle

Oggy fut capturé par Steve. Jack expliqua au prisonnier qu'il devrait participer à des battles royales de gré ou de force. Cependant, il pourrait redevenir libre et retrouver sa famille s'il survivait au bout de dix batailles successives.

***


Toujours bouleversé par le discours de Jack, Oggy se recroqueville sur lui-même dans le lit de sa cellule.

Il n'a aucune envie de se battre, et encore moins d'ôter la vie de gens qu'il ne connaît même pas. Il se demande s'il en sera capable.

Soudain, une nouvelle silhouette se montre face à lui. Steve lui lance un sourire sympathique et lui adresse la parole :

« Je pensais que le speech de Jack te motiverait, mais tu n'as pas une bonne mine. Enfin, peu importe. Que tu sois galvanisé ou déprimé, tout me convient. Après tout, même un homme abattu peut être redoutable, s'il est contraint à se défendre. De mon point de vue, les combats mélancoliques sont les plus magnifiques.

— Tu n'en as pas marre de dire tout le temps des trucs bizarres ?! Si tu es venu juste pour ça, tu peux débarrasser le plancher. J'ai vraiment l'air de quelqu'un qui veut discuter ? » grommelle Oggy.

L'expression de joie du beau jeune homme reste intacte.

« En réalité, je suis venu pour te faire visiter un peu notre somptueux repère. Tenté ? demande Steve.

— Je n'ai pas envie de jouer au touris... »

Soudain, l'homme ventru se ravise. Ce serait peut-être l'occasion d'attaquer Steve par surprise et tenter de s'enfuir.

« Finalement, je veux bien... »

Bien que Steve ne soit pas dupe à son jeu d'acteur, il affiche un grand sourire.

« Excellente décision. C'est beaucoup mieux pour toi que de rester isolé ici. »

Le gardien sort une clé de sa poche et déverrouille la cellule d'Oggy, sous les regards assassins des autres prisonniers.

Le ventru marche furtivement derrière son bourreau. Il est très étonné de la désinvolture de sa cible. Ses arrières sont totalement à découvert.

Oggy patiente encore quelques secondes afin d'être sûr que Steve a totalement baissé sa garde.

Le prisonnier lève son poing massif afin de broyer la nuque du magnifique jeune homme. Pourtant, dès que l'assaillant tente de porter son coup, son bras ne bouge plus.

Oggy grince des dents et utilise toute sa puissance pour essayer de mouvoir son membre ne serait-ce que d'un millimètre. Ses veines saillantes parcourent ses muscles. Cependant, ses efforts sont vains.

Steve fait volte-face et lance un regard espiègle à Oggy, comme une personne s'amusant avec son animal de compagnie.

« Tu penses être le seul à avoir tenté de nous attaquer ? J'ai oublié de t'expliquer quelque chose que tous les prisonniers savent ici. Dès l'instant où je vous ai croisés, vous étiez sous l'emprise de mon pouvoir. Tenter de vous en prendre à moi, Jack ou n'importe lequel de mes collègues est inutile, que je sois là ou pas. Alors, ne gaspille pas ton énergie inutilement. »

Après que Steve ait terminé sa mise en garde, Oggy retrouve l'usage de son membre. Ce dernier halète, atterré.

« Il n'y a donc absolument rien que je puisse faire... ? »

Le prisonnier mord sa lèvre jusqu'au sang et se résigne. Il suit machinalement son hôte.

Les deux hommes arrivent dans une cantine éclairée par des ampoules. Comme d'habitude, le sol est si propre qu'ils peuvent voir leur reflet dessus. Une dizaine de tables rondes couvertes de tissus aux motifs de fleurs roses se trouve au centre. Au fond de la salle, ils aperçoivent un grand réfrigérateur et un homme derrière un plan de travail, au milieu d'ustensiles de cuisine, dont une énorme marmite.

Steve explique jovialement :

« On commence par le plus important. Un combattant doit avant tout se nourrir, s'il veut être apte à se battre efficacement. Pas, vrai Randy ? »

L'attention d'Oggy se porte sur le cuisinier, un trentenaire au crâne rasé, très grand de taille et au corps sculpté. Ce dernier toise le ventru avec ses pupilles marron et rehausse ses lunettes. Il écarte sa mâchoire carrée afin de prendre la parole :

« Effectivement. La vie est un cycle infini d'absorptions. Chaque être vivant tire son énergie vitale de ce qui l'entoure. Un combattant qui sait tirer profit de ce système augmente ses chances de victoires. Autrement dit, si vous voulez gagner, régalez-vous avec ma cuisine !

— Alors, Oggy, ça t'a donné envie de manger un bout ? s'extasie Steve.

— Toute cette mise en scène ridicule juste pour me demander de manger ? Vous pouvez pas parler comme des gens normaux ? Et non, merci. Est-ce que je ressemble à quelqu'un qui a faim ?! » crache le ventru avec mépris.

Déçu, Randy dépose son couteau en soupirant et les deux individus s'éclipsent. Steve n'a toujours pas perdu sa bonne humeur.

Il conduit le prisonnier dans une immense salle aux parois grises et carrelées. À l'entrée se tient un jeune homme, en train de se curer le nez sans gêne. Oggy grimace de dégoût.

« Salut, Luck ! Toujours aussi charmant, à ce que je vois, rigole Steve.

— Relax, mec, mon nez me grattait juste un peu », se défend Luck en baillant.

Celui-ci, chétif, maigre et aux joues creuses, ressemble à un adolescent malgré ses dix-huit ans. Ses courts cheveux verts sont tellement en bataille qu'il donne l'impression de tout juste être sorti du lit. Juste en dessous de deux billes violettes comme des aubergines se dessinent des taches de rousseur.

Steve s'adresse à Oggy :

« Cette fois, je vais être concis. Inutile de t'expliquer l'importance de l'entraînement, pas vrai ? Tu as le droit de venir t'exercer ici à chaque fois que tu en as envie. Devenez de plus en plus forts pour nous offrir de magnifiques combats ! »

Le ventru serre son poing sous l'effet de la frustration. Il ne peut plus se retenir et explose. Des flots de paroles enragées se déversent comme du magma :

« Arrête avec tes faux airs du mec sympa !!! Tu souris tout le temps, t'as l'air gentil, mais t'es qu'un monstre ! Pourquoi forcer les gens à s'entretuer ? Si vous voulez voir de la baston, pourquoi ne pas inscrire les gens qui ont envie de se foutre sur la gueule et laisser les autres tranquilles ?! Et pourquoi faut-il forcément qu'une seule personne survive ?! On ne peut pas juste gagner par K.O ?! Vous êtes des monstres. Vous m'entendez ? De sales monstres !!! »

Indifférent, Luck baille longuement au point d'avoir une petite larme à l'œil.

« Reste cool, mec, commence le garçon nonchalant. Tu veux pas te détendre un peu ?

— La ferme, sale mollasson ! » s'écrie Oggy.

Steve, toujours gai, apporte des réponses au prisonnier :

« C'est vrai qu'on aurait pu faire ce que tu demandes, mais tu oublies quelque chose de très important. En n'inscrivant que ceux qui veulent se battre, on se prive de combattants qui pourraient être encore plus forts. Pourquoi faut-il qu'un seul survive à la fin ? Parce que c'est ce qu'il y a de plus beau.

— Pardon ?! s'indigne le détenu.

— Il n'y a rien de mieux qu'un combat à mort. Les participants, sachant que leur vie est en jeu, se surpassent et offrent la meilleure prestation possible. Voir le gagnant mettre un terme à l'existence du perdant, tout ce sang qui abonde dans l'arène... C'est magnifique. »

Steve, béat, fixe le plafond en se remémorant tous les moments sensationnels auxquels il a assisté.

« Perso, je m'en fiche un peu de vos fantasmes chelous. Mais tant que Jack est content, c'est cool, balance Luck en baillant une énième fois.

— Tu es très simple d'esprit, Luck. Mais j'aime ta façon de voir les choses », minaude son compagnon en lui faisant un clin d'œil.

Oggy, déconfit, abandonne le débat face à ces énergumènes diaboliques.

Le ventru et l'incarnation de la beauté font ensuite un tour à l'armurerie, dans laquelle les détenus peuvent choisir toutes sortes d'armes pour les batailles. Ils finissent leur visite aux toilettes.

« Vous n'êtes pas des animaux. Vous avez le droit de vous laver et de faire vos besoins quand vous le souhaitez ici. Des questions ?

— Vous pouvez rendre cet endroit aussi beau et luxueux que vous voulez, vous êtes des pourritures et votre havre n'est rien d'autre qu'une poubelle. »

Steve répond avec un rictus amusé. Il tapote gentiment l'épaule du prisonnier et le conduit de nouveau à sa cellule.

***


Trois jours plus tard, Oggy s'entraîne intensément, sous le regard de Luck, aussi atone qu'un ours en hibernation. Il reste une dizaine d'heures avant le moment tant redouté. La bataille aura lieu ce soir.

Bizarrement, aussi puissantes soient les techniques du prisonnier, aucune paroi de la salle ne reçoit de dégât.

Soudain, une jeune femme entre dans la pièce. Oggy cesse immédiatement ses exercices. Hors de question de montrer ses capacités à une potentielle ennemie. Il lui tourne le dos.

« Salut, ça fait plusieurs jours que tu es ici, et on n'a pas eu l'occasion de se présenter, commence-t-elle poliment. Je m'appelle Juliette, et toi ? »

Aucune réponse.

Après un silence gênant, Juliette essaie d'un air plus plaisantin :

« Je suis ici depuis bientôt un an, et je n'ai jamais combattu. Peut-être que j'ai l'air tellement faible qu'ils ne veulent pas me voir à l'action... »

Oggy ne réagit pas. Un autre blanc s'installe dans la salle.

La jeune femme n'abandonne pas. Elle reprend doucement :

« Mais ça me va, c'est pas comme si j'avais envie de me battre. Et puis, j'ai bénéficié de beaucoup de temps pour m'améliorer. Même si je participe aujourd'hui, je pense que j'aurai plus de chances de m'en sortir. »

Le ventru l'ignore une nouvelle fois. Juliette affiche un regard triste face à la froideur d'Oggy. Malgré tout, elle engage encore la conversation :

« La nourriture de la cantine est vraiment délicieuse ! Dommage qu'elle soit préparée par des enflu...

— Mais tu vas la fermer, oui ?! » hurle Oggy.

Il serre les poings, exaspéré. Il a pu constater que Juliette s'entend bien avec plusieurs détenus, ce qui l'énerve encore plus.

« Est-ce que c'est écrit sur mon front que je veux me faire des compagnons ? T'en as pas marre de faire ami-ami avec tout le monde ?! C'est quoi ton plan ? Les amadouer pour pouvoir les tuer plus facilement ?! Ou alors, tu es juste stupide ?! Laisse-moi te donner un conseil : ne t'attache à personne ici ou tu vas le regretter. Maintenant, fiche-moi la paix !! »

Juliette baisse son regard, affligée. Elle s'en va sans dire un mot. Luck assiste à tout, ébahi.

« Reste zen, mec. Qu'est-ce qui te prend ? »

Oggy ne daigne même pas ouvrir sa bouche et poursuit son entrainement.

***


C'est l'heure.

Jack, Steve, Randy et Luck apparaissent face aux prisonniers, tous rayonnants.

Le chef tient une feuille et prend autoritairement la parole :

« Je vais vous annoncer la liste des quinze sélectionnés. Mais avant, comme vous le savez, chacun peut s'ajouter aux participants, même s'il n'a pas été choisi. Des volontaires ? »

Oggy se demande quel genre de malade voudrait participer de son plein gré à ce jeu mortel.

Brusquement, une voix grave attire l'attention de tout le monde :

« On devient libre si on remporte dix batailles successives, non ? Alors, je participe aussi. »

Les autres détenus fixent le téméraire, stupéfaits.

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