Chapitre 120 : Battle royale

Oggy s'entraînait, quand une autre prisonnière, Juliette, essaya de sympathiser avec lui. Voyant des ennemis partout, il la rembarra.

L'heure de la bataille arriva. Avant d'annoncer la liste des participants, Jack demanda s'il y avait des volontaires. Un des détenus se manifesta.

***


« On devient libre si on remporte dix batailles successives, non ? Alors, je participe aussi. »

Les autres détenus fixent le téméraire, stupéfaits.

Jack sourit, satisfait :

« Tu veux également participer, Sheldon ? Ton courage est louable. En moyenne, seuls 27% des prisonniers se lancent volontairement dans la bataille.

- Je suis sûr que tu vas nous montrer une merveilleuse prestation, Sheldon », approuve Steve, admiratif.

Luck et Randy acquiescent, tout aussi enthousiastes. Le fameux Sheldon, un grand blond aux yeux bleus, ignore leurs remarques et reste stoïque.

Le chef de l'organisation se racle la gorge et annonce la liste des combattants avec fermeté :

« James Eagle. Yun Su... »

Telle une machine, le bourreau prononce les noms sans émotion. Sa voix est d'une froideur à glacer le sang.

Au fur et à mesure que les sélectionnés sont interpellés, les visages sombrent dans la terreur. Jamais de son existence, Oggy n'a connu de moment plus angoissant. Son souffle devient de plus en plus lourd. Ses membres tremblent. Il sue tellement qu'il a l'impression d'être dans une fournaise.

Treize participants ont été appelés.

Plus que deux.

« Juliette Handy » dit Jack, implacable.

Médusé, Oggy tourne son visage vers la jeune femme aux longs cheveux bruns qui avait tenté de discuter plus tôt avec lui. Cette dernière écarquille ses yeux marron, horrifiée au point où elle ne réussit même pas à bouger d'un centimètre, ni à émettre le moindre son.

Le ventru se sent désolé pour elle, cependant, il n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Il découvre le dernier participant :

« Oggy Kin. »

Ce dernier est si choqué qu'il est persuadé que ses oreilles lui mentent. Il est pris de vertiges et sa tête tourne tellement qu'il en a la nausée.

« C'est tout, affirme Jack. Les prochaines minutes seront probablement les dernières de votre vie. Toutefois, la survie n'est pas impossible. La balle est dans votre camp. »

Steve, Luck et Randy sont éblouis par le discours motivant de leur leader.

- A... a-attends une seconde !!! » bégaie une voix affolée.

Jack se tourne vers Oggy.

« Qu'y a-t-il ? interroge le chef.

- Vous êtes sûrs qu'on a été sélectionnés au hasard... ? Pourquoi Juliette et moi, on doit combattre en même temps ?! Je... c'est... c'est trop gros comme coïncidence ! » articule le ventru.

Bien que Jack fût impassible à l'image d'un automate, il lève le voile sur ses émotions. Un sourire effroyablement pervers se dessine sur son visage.

« Tous les autres ont été choisis au hasard. Mais j'avoue que pour vous deux, ce n'était pas une coïncidence. Nous avions juste envie de vous voir vous entretuer, Juliette et toi.

- L'idée vient de moi, s'empresse d'ajouter Steve. Luck m'a raconté ce qui s'est passé entre vous. Je me suis dit qu'un affrontement vous opposant serait magnifique. »

Le chef, le beau jeune homme, Luck et Randy ont tous ce rictus diabolique, se délectant d'avance du spectacle.

Oggy serre ses poings de rage. Cependant, que peut-il faire ?

Steve ouvre les cages des participants et tout le monde se met en route. Ceux épargnés sont temporairement soulagés. Néanmoins, ils le savent : chacun d'eux sera appelé un jour.

***


Au bord du ring, Jack et ses acolytes sont installés sur des chaises aussi confortables que le trône d'un empereur. Steve, équipé d'un micro, s'amuse à jouer au commentateur.

« Alors, à ton avis, qui va gagner ? demande Luck, indolent.

- Les autres n'ont pas eu de chance, aujourd'hui. Selon leurs statistiques, il n'y a que trois gagnants possibles. Le reste ne servira que de chair à canon. Par contre, il y a un gros outsider qui pourrait nous surprendre.

- Un gros outsider, hein ? répète Randy, amusé. Ce n'est pas beau de se moquer du physique des autres. Tant qu'il est bien dans sa peau, c'est tout ce qui compte. »

Les autres ignorent sa leçon de vie.

Comme les organisateurs leur ont ordonné, les participants entrent un à un dans l'arène carrelée, en forme de cercle et de la taille d'un terrain de football. Ils sont immédiatement aveuglés par la lumière des projecteurs. Dans les gradins, plusieurs centaines de spectateurs dont la richesse se reflète à travers leurs habillements luxueux les accueillent.

Les oreilles des combattants sont agressées par les hurlements de la foule excitée, impatiente d'assister au massacre.

Chaque participant se positionne dans un coin du stade, attendant le signal. Tous sont en proie à un stress insoutenable. Même Sheldon, qui avait l'air sûr de lui, n'est pas épargné. Leurs cœurs tambourinent à l'unisson pour jouer une mélodie sinistre.

Après avoir salué les spectateurs et annoncé la liste des combattants, Steve enchaîne gaiement :

« Donc, exceptionnellement, nous aurons seize participants, au lieu de quinze ! Je vous rappelle les règles ! Chaque adversaire supprimé rapporte un point. Pour sortir vainqueur, le dernier survivant doit avoir le nombre de points le plus élevé ! Sinon, il subira la plus belle des sanctions : la mort ! Alors, prêts ? Combattez !! »

Malgré le signal, les ennemis restent immobiles et se toisent. Certains, car ils n'ont pas envie de tuer, d'autres, par crainte d'être éliminés s'ils se précipitent.

Sheldon repense au contexte dans lequel il a atterri ici pour se donner du courage :

« Ma nièce de seulement dix ans n'a pas eu de chance. Ses parents sont morts lors d'une attaque terroriste, il y a deux mois. Elle est toujours inconsolable. C'est moi qui suis son tuteur légal. Même si je ne peux ni remplacer ses géniteurs, ni lui faire complètement oublier ce qui s'est passé, je me suis juré qu'avec moi, elle ne manquerait de rien, que je ferais tout pour qu'elle retrouve le sourire. Malheureusement, le sort en a décidé autrement. Elle n'a même pas le droit de rester auprès de son oncle ? Je refuse que ça finisse comme ça... Je n'ai aucune envie de tuer ces gars... mais si c'est le prix pour sortir d'ici, je n'hésiterai pas à me salir les mains !!! »

Armé d'une détermination inflexible, Sheldon frappe le sol avec sa paume. Aussitôt, le carrelage de l'arène se recouvre de grands dessins étranges, telles les cases d'un jeu de société en grandeur nature.

« Ah, il ouvre les hostilités !! s'exclame Steve. Le début de ce combat s'annonce compliqué pour les autres participants ! Ils ont intérêt à faire attention à l'endroit où ils mettent les pieds !! Le concept de Sheldon est celui des jeux. Pour l'utiliser, il doit imposer des règles, et sa malédiction fait qu'il est également obligé de les respecter. Alors, lui non plus n'est pas à l'abri des gages en cas d'erreur ! »

L'organisateur de la partie et les autres participants sont chacun sur une zone d'environ deux mètres de long et de large marquée par la lettre D, sans effet pour les joueurs. Tout le reste du ring est envahi par des cases aux dessins variés, de la même taille que l'emplacement sécurisé. Personne n'est assez stupide pour faire un pas de plus.

Le créateur du jeu produit des dés géants, qu'il propulse sur ses ennemis. Ceux-ci, ne pouvant se déplacer, sont obligés d'encaisser les objets en bois étonnement solides. Oggy croise ses avant-bras afin de parer. Le choc est si douloureux qu'il a l'impression de s'être fait briser un os. Malgré tout, il ne bouge pas d'un centimètre.

Seul un homme n'est pas visé par les attaques à distance. Il reste tranquillement, les bras croisés, dans la zone de sécurité.

Tandis que les autres participants résistent du mieux qu'ils peuvent aux projectiles et souffrent le martyr, un combattant est propulsé par un dé géant. Il tombe sur une case sur laquelle est marquée un éclair.

Aussitôt, une odeur de chair brûlée se faire sentir. Personne n'a rien vu, ni entendu. Le malheureux, comme s'il avait été frappé par la foudre, s'effondre et meurt sur le coup, les yeux grands ouverts et de la bave coulant de sa bouche.

« Et un point pour Sheldon ! s'écrie Steve, euphorique. Une technique aussi puissante que véloce ! Quel pouvoir fantastique ! »

La foule, extasiée, rugit face à ce départ en force.

« Hmph. Pas mal, mais tu ne m'auras pas avec ton tour de passe-passe, maugrée un homme chétif et grincheux, aux cheveux noirs coiffés en une longue queue de cheval et dont les minuscules yeux rouges reflètent sa soif d'en découdre.

- Oh, regardez, Yun prépare quelque chose ! » avertit le commentateur, plongé dans la bataille.

Le petit homme esquive un dé lancé par Sheldon. D'un bond vif, Yun fonce sur un participant qui se croyait à l'abri dans la case sécurisée.

Yun plante ses doigts, telles les canines d'un lion affamé, dans la gorge de son adversaire. Un mouvement si véloce que sa proie meurt sans rien comprendre. Le sang jaillit comme l'eau d'un tuyau d'arrosage.

Les spectateurs, impressionnés, hurlent comme des fous. Sheldon assiste à la scène, en alerte maximum.

« Un point pour Yun ! Quelle grâce, quelle agilité !! C'est un humain, il ne possède pas de pouvoir ! Mais il a une arme plus que redoutable : ses doigts ! N'est-ce pas sublime ?!

- Oh, c'est qui, lui ? demande Luck en baillant.

- Yun faisait partie d'un groupe de tueurs à gage, introduit Jack, telle une encyclopédie vivante. Un jour, toute son équipe a été décimée lors d'une mission. Il tenait à ses compagnons, et leur mort lui a fait comprendre la peine de perdre un proche. Depuis, il s'est juré qu'il n'assassinerait plus jamais personne. Pourtant, aujourd'hui, il n'a même pas hésité à massacrer son adversaire. Nous sommes ainsi. Neuf dixième des gens ne tiennent jamais leurs résolutions jusqu'au bout. »

Pendant ce temps, un homme gigantesque aux yeux noirs et courts cheveux orange, ébouriffés comme des touffes d'herbes, se tient dans sa zone de sécurité. Les bras croisés depuis le début, il est le seul que Sheldon n'ait pas osé attaquer. Armé de dagues, il fixe avec envie les deux femmes présentes dans l'arène. Soudain, l'une d'elles se jette dans sa case et lui donne un puissant coup d'épée au ventre.

L'homme, toujours immobile, ne ressent rien, tandis que la femme crache du sang. Elle saigne à l'abdomen et s'écroule, rongée par une douleur atroce.

« Qu'est-ce que c'est que ça ?! crie le commentateur, faisant semblant d'être étonné, alors qu'il a très bien compris ce qui s'est passé. James a encaissé un coup, mais il est intact et c'est son adversaire qui gémit au sol ! Quelle est cette technique étrange ?! »

La femme se relève lentement. Terrorisée par cet ennemi intouchable, elle essaie de prendre la fuite. Toutefois, James l'attrape par les cheveux. Il plante sa dague dans son bras. La concurrente hurle et le sadique se délecte de sa souffrance. Il continue de la mutiler, encore et encore.

La foule, prenant également plaisir devant ce spectacle atroce, encourage le tortionnaire avec des exclamations.

« Et lui, il sort d'où ? s'enquiert à nouveau Luck, qui suit pour une fois les combats avec intérêt.

- James était un tueur en série qui ne commettait que des féminicides, commence Jack, comme s'il faisait un rapport de police. Quand il était enfant, il se faisait maltraiter par sa mère. Alors, il est devenu misogyne. Il n'a jamais participé de son plein gré à une bataille depuis qu'il est ici. Il torturait, tuait et dévorait des femmes. Pourtant, quand son tour est venu de se confronter à la mort, il a préféré fuir. Plus de la moitié des individus font aux autres ce qu'ils n'aimeraient pas qu'on leur fasse. Et j'en fais partie.

- Au moins, tu es honnête », s'amuse Randy.

Après avoir totalement démembré son adversaire et s'être amusé à ouvrir son estomac et ses intestins, James l'achève en plantant sa dague dans son crâne.

« Un point pour James ! Quel sadisme ! Non ! À ce stade, ce n'est plus du sadisme ! C'est de l'art macabre ! Quelle œuvre somptueuse ! » s'égosille Steve, béat.

Couvert de liquide rouge et acclamé par la foule, James sourit de toutes ses dents et d'un grand saut, atterrit dans la case sécurisée d'où Juliette n'a pas bougé.

« Je sais que je n'ai aucune chance de sortir vivant d'ici, avoue-t-il. Mais avant de clamser, je vais bien m'amuser avec toi. Les mecs ne m'intéressent pas. »

Juliette est paralysée par la peur.

De son côté, Yun tente de sauter sur Sheldon. Toutefois, ce premier est bloqué par un dé géant qu'il pare dans la souffrance. Malgré sa vitesse incomparable, Yun est restreint dans ses déplacements à cause des cases aux effets inconnus crées par son adversaires. La trajectoire de ses mouvements est plus que prévisible. L'ex tueur à gages grince des dents, furieux et perdant de plus en plus patience.

Sheldon observe calmement autour de lui pour évaluer la situation :

« James ne semble pas intéressé par moi. Est-ce une ruse pour tromper ma vigilance ? En tout cas, dès le début du combat, j'ai su qu'il ne fallait pas l'attaquer. Sa posture désinvolte était bien trop louche. Je le garderai quand-même à l'œil. Pour l'instant, il faut absolument que je me débarrasse de Yun. C'est moi qu'il vise en priorité. »

Pendant ce temps, Oggy assiste à tous ces massacres sans rien faire. Déjà trois morts. Trois points perdus. Ses chances de victoire ne cessent de diminuer. Pourtant, il ne peut se résoudre à tuer. Il n'en sera jamais capable. Il se mord la lèvre, frustré par son impuissance.

Brusquement, un adversaire se jette dans sa case sécurisée. Un ricanement mauvais s'ensuit :

« Je ne peux rien faire face à ces monstres. Mais je peux survire en accumulant beaucoup de points si je me débarrasse des plus faibles. Et je vais commencer par toi, gros lard ! »

L'ennemi harcèle Oggy de coups de poings. Le ventru esquive du mieux qu'il peut tout en faisant attention à ne pas sortir de sa case.

Oggy crée un oreiller afin de se protéger. L'assaut de son adversaire pourfend l'objet mou sans difficulté et le ventru l'évite de justesse.

« Oh, regardez, ça y est ! Il utilise son pouvoir ! Montre-nous de quoi tu es capable, Oggy !! » encourage le commentateur.

Le concept du ventru est celui du lit. Il peut manipuler tout ce qui est en rapport avec les matelas.

« C'est quoi cette capacité ridicule ?! Tu crois pouvoir faire peur à qui avec ça ? » se moque l'adversaire.

Le ventru, le moral au plus bas, se fait marteler de coups tous aussi destructeurs les uns que les autres. Le visage couvert de boursouflures, il voit sa dernière heure arriver.

« Stella, Chelsea... désolé... »

En repensant à sa femme et à sa fille, un déclic se produit. Pris d'un second souffle, Oggy crée un nouvel oreiller.

« Non... je ne peux pas... Je ne peux pas vous abandonner maintenant... ! » crie-t-il intérieurement.

Le père de famille et son ennemi se frappent simultanément. Chacun encaisse le coup de l'autre au visage.

Toutefois, le coussin produit par Oggy est si dévastateur que la tête de son adversaire explose littéralement.

Le sang de son adversaire se répand partout comme le jus d'une pastèque éclatée.

La foule est en délire.

« N'oubliez jamais ! Peu importe la forme d'une technique, sa puissance dépend de la quantité de Drive qu'elle utilise et de la volonté de l'utilisateur ! Les oreillers ne servent pas qu'à dormir ! Un magnifique point pour Oggy !!! » s'époumone Steve, la voix emplie de passion.

Le ventru halète, taché d'hémoglobine, les yeux écarquillés. Il réalise ce qui vient de se passer.

Il a tué un homme.

La gorge nouée, il renifle et essuie une larme qui tentait de s'échapper. Il abandonne tous ses principes et embrasse l'art de l'assassinat :

« Je... je retournerai auprès de vous, quoi qu'il arrive ! »

Jack, Luck et Randy se retiennent d'applaudir. Ils sont aussi captivés que les autres spectateurs.

« Alors... Sheldon, Yun, James... ou Oggy... lequel l'emportera ? » murmure le maître de l'organisation pour lui-même.

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