Chapitre 118 : Explications

Cammy adorait son travail. Elle s'entendait bien avec Tom, le bébé, et tout se passait à merveille. Néanmoins, elle refusa plusieurs fois de dîner avec Rose, à cause de son cannibalisme. Cette dernière finit par découvrir son secret, puis affirma qu'elle connaissait Jack.

De son côté, Oggy, un homme ventru, fut kidnappé par un des employés de Jack et jeté dans une prison souterraine.

***


« Pourquoi m'avoir caché le fait que tu es cannibale, Cammy ? »

Al et son amie écarquillent leurs yeux, abasourdis. Cammy, blême, fuit le regard furibond de sa patronne.

« Co-comment tu as su ?! bégaie-t-elle.

— C'est moi qui ai posé une question en premier, et je te prie de me répondre ! » tempête Rose.

La nourrice, penaude, baisse les yeux. Elle s'explique d'une petite voix :

« Je suis désolée... j'étais sûre que tu m'engagerais jamais en sachant ça. Et j'aime tellement ce job que j'ai eu peur de me faire virer si tu l'apprenais... »

Rose croise ses bras, toujours aussi contrariée.

« Agiel et toi me décevez. J'avais besoin d'une personne sur qui je pouvais vraiment compter. Comment voulez-vous que je te fasse confiance, alors que vous m'avez caché quelque chose d'aussi important ? »

Cammy perd l'usage de la parole. Ses lèvres tremblent et tout mot qu'elle essaie de prononcer meurt dans sa gorge.

« Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te renvoyer » gronde la mère.

Aucune réponse. De plus en plus livide, l'accusée n'imagine aucune pitié de la part de sa patronne.

Al, qui assiste à la scène depuis plusieurs minutes, agacé par les attaques de Rose, prend enfin la parole :

« Qu'est-ce qui t'arrive ? D'habitude, tu es une sacrée pipelette. Et là, tu perds ta langue ? Je sais. C'est ta patronne, alors, tu as peur qu'elle te vire si ton argument ne lui plaît pas. Mais pourquoi se casser la tête ? Tu as déjà la réponse à sa question. »

Cammy relève sa tête. Elle et Al échangent un regard complice. La jeune femme reprend confiance et fixe Rose droit dans les yeux.

« C'est vrai que je t'ai caché quelque chose d'ultra important, et ça ne se reproduira plus. Je suis peut-être cannibale, mais je ne représente aucun danger pour personne. Pour survivre, je me graille moi-même. Si je mangeais vraiment les gens, ni Agiel, ni Tom, ni toi ne seriez en vie en ce moment. Je sais, tu vas me dire que même si je me retiens, un jour je pourrais craquer. Mais ça n'arrivera jamais. Parce que je préfère crever plutôt que de m'attaquer à qui que ce soit ! »

Al hoche la tête, satisfait. Néanmoins, le monologue empli de conviction de Cammy n'atteint pas vraiment Rose, toujours méfiante.

« C'est bien beau tout ça, mais qu'est-ce qui me garantit que tu dis vrai ? Ta seule parole ne me suffit pas ! » insiste la mère.

L'accusée s'avance vers elle, fortement déterminée.

« Je n'ai pas de garantie. Mais je sais qui je suis. Même dans mille milliards de millénaires, je ne changerai pas. Agiel et tous mes amis savent ça, et c'est pourquoi ils me font entièrement confiance.

— Je confirme, même si ton tic de langage rend ta réplique beaucoup moins stylée », soutient Al en levant son pouce.

Cammy lui sourit. Même si elle perd son travail, au moins, elle a pu se défendre du mieux qu'elle pouvait.

« Hum... c'est donc ça, ton meilleur argument ? Pas très convaincant, souffle Rose. Néanmoins... je ne vais pas te renvoyer. »

La surprise se mêle à l'euphorie. Avant même de s'en rendre compte, Cammy se jette sur Al. Ce dernier fronce ses sourcils et soupire, se demandant ce qu'il a fait pour encore lui servir de peluche.

« Vraiment ? C'est pas une blague sadique ? » s'enquiert la nourrice.

Rose lui sourit. Son air hostile s'efface.

« Pour être honnête... je pense qu'à ta place, je l'aurais également caché. Et puis, tu as raison. Si tu étais réellement une menace, Agiel serait déjà au fond de ton estomac. Ça ne serait pas logique que tu t'en prennes à mon bébé ou moi, car si l'un de nous disparaît, tu n'as plus de travail. Enfin, ton cannibalisme, n'est plus un problème, puisque j'ai une solution. »

Cammy se décolle d'Al, aussi stupéfaite que ce dernier, avant de s'écrier :

« Une solution ? Impossible !!

— C'est ce que tu penses ? Suis-moi donc. »

Al, bien qu'intrigué, comprend que Rose souhaite s'entretenir seule avec Cammy. Les deux amis se font au revoir d'un signe de main, avant que le jeune homme disparaisse dans la pénombre.

Les deux femmes retournent à l'intérieur. Rose s'explique pendant qu'elles marchent dans le couloir :

« Tu m'as demandé comment j'ai découvert ton secret, n'est-ce pas ? C'est très simple. Mon concept est celui des organes. Quand tu as refusé à plusieurs reprises de dîner avec moi, je me suis dit que tu me cachais peut-être quelque chose. Alors, j'ai visualisé ton appareil digestif et remarqué une anomalie... Après une analyse rapide, j'ai compris quel était ton régime alimentaire.

— Donc je suis passée au scanner ? Il est trop génial, ton pouvoir ! s'écrie Cammy, admirative.

— Alors, tu imagines la solution, non ?

— Tu vas transformer mes organes pour qu'ils redeviennent ceux d'une nigh normale ? J'ai déjà essayé de régler le problème avec mon pouvoir, mais ça n'a jamais marché... Alors, je sais pas si le tien peut changer les choses... »

Rose, curieuse, lui demande comment son estomac a fini dans cet état. Cammy lui explique très brièvement l'intervention de Floyd dans sa vie.

Elles arrivent dans la salle à manger. Rose, compatissante, se concentre, pose sa main sur le ventre de Cammy et l'invite à s'asseoir.

Elle sert la cannibale d'un gros morceau de viande crue juteuse. Celle-ci, sceptique, fixe son assiette. L'odeur attise son appétit.

Pour une fois, la chair animal semble délicieuse.

La nourrice, bavant d'envie, saisit sa fourchette et son couteau. Elle engloutit sans attendre une belle tranche.

La sensation est inégalable. La chair si tendre qui se fend aisément entre ses dents, le sang arrosant son palais. Un doux mélange entre le solide et le liquide. La fusion parfaite glisse au fond de sa gorge.

Aux anges, Cammy ferme ses yeux et profite de chaque instant.

« Alors ? interroge gentiment Rose.

— Avant, la viande animale avait le goût d'une vieille crotte de cheval... Mais maintenant, c'est le paradis ! Je... je ne sais pas comment ça a pu marcher, mais c'est juste... waw ! »

À court de mots pour décrire son extase, Cammy se sert d'une nouvelle bouchée tout aussi sensationnelle.

« Cha fait chi longtemps... Ze chais pas comment tu as fait, mais merchi... Merchi infiniment... » prononce la nourrice, la bouche pleine, avant de se goinfrer à une vitesse folle.

— Ça se voit que tu avais vraiment faim ! Vas-y doucement, sinon, tu vas t'étouffer... » s'amuse Rose.

Après avoir terminé son festin, Cammy peut commencer son interrogatoire.

« Si tu avais déjà la solution, pourquoi m'avoir mis la pression quand on était dehors ?

— J'étais tellement contrariée que j'ai oublié de prendre du recul. Il faut dire que ma découverte m'a beaucoup désarçonnée, affirme simplement la patronne.

— Je comprends. Alors, tu as dit que tu connais Jack. Tu sais quoi de lui ? »

Le visage de Rose s'assombrit. Cammy déglutit en lisant autant de rancœur dans un regard.

« Euh, tu n'es pas obligée de me raconter. Je comprends que tu n'aies pas envie de déballer ta vie à une inconnue....

— Tu n'es pas une inconnue pour moi, Cammy. Je te l'ai déjà dit, je ne veux plus de formalités entre toi et moi. En plus, tu m'as raconté un peu de ton passé, alors, il serait naturel que j'en fasse de même. »

Cammy acquiesce, puis, un silence s'installe.

Rose se décide à parler, tandis qu'une boule se forme au fond de sa gorge :

« Jack est l'assassin de mon mari, Jerry. »

L'interlocutrice a les yeux exorbités d'ébahissement. La veuve poursuit son récit :

« Je n'ai pas de réelles preuves que c'est bien lui qui l'a tué, mais c'est évident, quand on connait leur histoire. Jack n'est pas un simple usurier. À ton avis, où a-t-il trouvé tout cet argent à prêter ? Son véritable business est l'organisation de combats.

— Des combats ?!

— Oui. Lui et ses sbires capturent toutes sortes de personnes. Humains et nigh, peu importent leur âge et leur genre, du moment qu'ils savent se battre. Ils les forcent à s'entretuer, et des riches assoiffés de sang paient une fortune pour assister à ces boucheries. »

Cammy est si horrifiée qu'elle en reste sans voix. Rose poursuit :

« Mon époux travaillait pour Jack. Malgré tout, il avait un bon fond, et c'est pour ça que je suis tombée amoureuse de lui. Lorsque nous nous sommes fiancés, il m'a avoué tous ses crimes avec beaucoup de regrets. Même si je lui en voulais de m'avoir caché quelque chose d'aussi horrible, je l'ai rapidement pardonné. Jack a affirmé qu'il avait le droit de quitter leur groupe quand il le souhait. Alors, Jerry a démissionné. Des mois plus tard, on vivait le bonheur parfait. Notre bébé allait bientôt naître et on se réjouissait de l'élever ensemble. Malheureusement, c'était trop beau pour que ça dure... Un jour, j'ai retrouvé le cadavre de Jerry dans notre jardin... »

Rose essuie une petite larme et renifle, avant de trouver le courage de continuer :

« C'était il y a à peu près un an. Pendant cette période, le virus qui supprimait les émotions se propageait en moi. Alors, je ne ressentais pratiquement rien. Mais lorsque j'ai guéri, le retour de mes sentiments a été brutal. Je ne sais pas ce qui s'est passé exactement entre lui et Jerry, mais qui d'autre que lui aurait pu faire ça ?! Je hais et maudis Jack !! »

La mère, qui jusque-là, tentait de se contrôler, vocifère au point de faire pleurer son bébé qui dormait paisiblement dans la pièce d'à côté.

Elle va vite le chercher et revient avec lui. Tom s'est déjà calmé et se blottit contre les mains chaleureuses de Rose.

Cammy, affligée, ne parvient à rien dire face à la cruauté de son histoire.

Après des secondes interminables de silence, cette dernière pose doucement sa main sur l'épaule de sa nouvelle amie. La nourrice s'adresse à elle avec beaucoup d'empathie :

« Je voulais négocier avec Jack pour qu'il me file des infos sur Floyd, mais j'ai changé d'objectif. »

Rose et Cammy se fixent intensément. Les flammes de la détermination brûlent aussi ardemment que mille soleils dans les yeux de celle-ci.

« On va lui régler son compte à cette pourriture. »

***


Trois jours plus tôt...

Oggy reprend connaissance dans le sous-sol éclairé de lanternes. Affalé seul dans sa cellule, il fait face à d'autres personnes entassées dans des cages, l'air désespéré.

Il pense à sa femme et à sa fille, qui doivent terriblement s'inquiéter pour lui. Il paierait cher pour trouver un moyen de sortir d'ici et les retrouver.

Soudain, des bruits de pas se font entendre. L'homme imposant qui traverse l'allée sombre attire tous les regards. Des yeux emplis de haine et de résignation le fixent. Pourtant, personne n'ose émettre le moindre son.

Jack s'arrête face à la cellule d'Oggy. Ses prunelles sombres toisent le ventru d'un air glacial. Enfin, il lui lance un rictus mauvais.

« Bienvenue dans la prison somptueuse, introduit le maître des lieux d'un ton théâtral. Tu dois sans doute te demander ce que tu fais ici. »

Jack se racle la gorge et pointe le nouveau venu du doigt, autoritaire :

« Désormais, tu devras te battre. Nous organisons une bataille toutes les semaines. Quinze personnes sont tirées au sort, et s'affrontent dans une arène. Le but est simple, supprimer tous les autres et être le dernier survivant. »

Oggy déglutit, atterré. Il n'est cependant pas au bout de ses surprises. Jack continue :

« En revanche, être le dernier debout ne garantit pas la victoire. N'importe qui peut fuir les combats et attendre la toute fin pour porter le coup de grâce. C'est pourquoi j'ai mis en place un système de points, afin d'être sûr de faire participer tout le monde activement. Chaque adversaire éliminé rapporte un point. Et le véritable gagnant est celui qui réussit à survivre tout en accumulant plus de points que les autres. »

Le ventru sue à grosses gouttes et se pince les lèvres, épouvanté par ces règles sadiques. L'organisateur, d'un sourire malfaisant, poursuit :

« Tu te demandes sûrement ce qui se passe lorsqu'un combattant est le dernier survivant, mais que son nombre de points est inférieur à celui des autres. Il subira une sanction : la mort. Tu l'auras donc compris, il est possible qu'à l'issue d'une bataille, tout le monde périsse. Pour être honnête, ça arrive lors de 80% des batailles. »

Terrifié, Oggy sent son cœur tambouriner dans sa poitrine. Il n'y a aucun espoir dans cette prison infernale. Le bourreau, toujours le sourire aux lèvres, laisse l'effroi le meurtrir encore un bon moment, avant de lui révéler :

« Lorsqu'un combattant sort vainqueur d'une rencontre, il a l'obligation de participer aux suivantes, jusqu'à ce qu'il succombe. Mais rassure-toi, je ne suis pas sadique à ce point. Il est possible de retrouver sa liberté. »

À l'évocation de ce mot, le prisonnier écarquille ses yeux, estomaqué. Le chef complète :

« Lorsqu'un combattant réussit à survivre lors de dix affrontements successifs, il a le droit de regagner sa liberté. Il peut retourner à son ancienne vie, oublier ce qui s'est passé... ou même chercher à m'éliminer. Bien que seulement une personne sur cent parvienne à accomplir cet exploit, ce n'est pas impossible. »

Partagé entre espoir, craintes et rage, Oggy serre ses poings. Il regarde autour de lui. Son regard pour ces gens envers qui il éprouvait de l'empathie change radicalement. Chacun est un ennemi. Tous se dévisagent, leurs yeux reflétant leur soif de vivre par tous les moyens. Une animosité sans précédent règne dans le nid de la prochaine bataille.

Jack conclut cérémoniellement :

« À présent, Oggy Kin, si tu veux retourner auprès de ta famille... tu sais ce qu'il te reste à faire. »

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