Chapitre 111 : Le voyage

Sonya parvint à convaincre Cody de rejoindre son côté. Face à la majorité, Skill accepta d'abandonner le projet. Mais alors que tout était sur le point de rentrer dans l'ordre, le chef dessina un symbole de crâne de mort. Après avoir ouvert ses yeux, il s'effondra et cessa de respirer.

***


Les compagnons de Skill sont partagés entre l'incompréhension et la détresse.

« Je vais prévenir Cammy, je suis sûre qu'elle peut faire quelque chose ! » s'affole Sonya.

Elle fonce à toute allure à la recherche de la concernée. Pendant ce temps, Alex commence un massage cardiaque.

Malgré de multiples compressions contre son torse, Skill n'a aucune réaction. Alex perd de plus en plus espoir. Cody assiste, impuissant, à la scène. Soudain, ce dernier a une hypothèse :

« C'est donc pour ça qu'il a tout le temps les yeux fermés ?! »

Alex comprend immédiatement le sous-entendu.

C'est la malédiction de Skill.

À chaque fois que le blond pose son regard sur un quelconque motif, dessin, ou même objet qu'il considère comme pouvant être cause de décès, il en subit immédiatement les effets. Tout symbole représentant la mort est également un danger pour sa vie.

Sa malédiction s'était déclenchée la première fois lorsqu'il vit un couteau. Aussitôt, son corps fut tranché de toute part jusqu'à ce qu'il ferme les yeux. Un jour, après avoir posé ses yeux sur un oreiller, il commença à s'asphyxier. Une autre fois, lorsqu'il aperçut une voiture, ses os furent écrasés comme si le véhicule lui avait roulé dessus.

Terrifié par ces incidents, Skill se mit à tout craindre autour de lui, même le dessin le plus inoffensif. Alors, il décida de fermer ses paupières en permanence.

***


Marshall ouvre ses yeux. Il fait tellement sombre qu'il ne peut même pas voir sa propre main. Il a l'impression que c'est le vide complet dans cette zone inconnue. Toute matière est dévorée par les abysses.

« Je suis donc mort... constate-t-il, soulagé.

— Non, pas encore. »

Le blond écarquille ses yeux. Cette voix, jamais il ne pourrait l'oublier.

Ally, sa petite sœur.

Une lueur éblouissante éclaire aussitôt les lieux. Ally apparaît, dégageant la même lumière dorée que la dernière fois.

« Alors, ce n'était pas un rêve... » constate-t-il, ému.

Il se jette sur elle afin de lui faire un câlin. Ally le repousse aussitôt.

Elle fronce les sourcils, visiblement très mécontente. Marshall est troublé.

Qu'a-t-il fait pour susciter une telle réaction ?

Il regarde autour de lui. L'endroit dans lequel ils se trouvent ne ressemble en rien au paysage sublime de leur précédente rencontre. Il n'y a rien de plus qu'un épais brouillard à perte de vue.

Deux autres lueurs se forment. Les parents de Marshall, aussi rayonnants que sa sœur, se montrent.

Le blond a les yeux exorbités. Bloom et son mari ont également un regard sévère.

« Marshall... nous sommes très déçus de ton comportement, commence le père.

— Mais... pourquoi ? demande son fils.

— Tu as causé beaucoup de mal. Nous ne t'avons jamais élevé de cette manière ! gronde Bloom.

— Je crois que tu as mal interprété mon message de la dernière fois », se désole Ally.

Abasourdi, Marshall est perdu.

« Mais enfin, Ally, c'est toi qui m'as dit que j'avais quelque chose à accomplir ! se justifie le blond. Je n'ai fait que marcher sur les traces de maman !

— Pardon ?! s'offusque Bloom. Peux-tu me dire quand est-ce que je me suis attaquée à des innocents ?

— Oui. C'est vrai, je voulais que tu trouves une raison de vivre. Mais je ne souhaitais pas que tu t'en prennes à des gens qui n'ont rien fait, explique Ally.

— Tu es très intelligent, Marshall renchérit son père. Mais sur ce coup, tu as vraiment été à côté de la plaque. En plus, à cause de toi, des gens biens sont morts. »

Le père de Marshall secoue la tête, contrarié. Le blond se remémore le meurtre d'Annie. Il ferme ses yeux et contracte sa mâchoire, assailli par de terribles remords.

Marshall ressent un pincement au cœur en voyant les êtres qui lui sont le plus chers, déçus de lui.

Ce dernier poursuit :

« Mais alors, pourquoi n'avez-vous pas essayé de m'arrêter avant que j'aille aussi loin ?

— C'est parce que les morts prennent un risque insensé en communiquant avec les vivants, affirme son père. Les deux mondes ne doivent interagir sous aucun prétexte. Tout simplement car si le contact dure trop longtemps ou se fait à répétition, les âmes vivantes se perdent dans l'au-delà. Et étant donné qu'elles n'y ont pas leur place, elles finissent par disparaître à tout jamais. Tu as eu beaucoup de chance d'avoir pu t'en sortir la première fois. Mais je peux t'assurer que s'il y en avait eu une deuxième, tu aurais cessé d'exister, purement et simplement.

— Maman et papa étaient très fâchés quand ils ont appris ce que j'ai fait et ils m'ont interdit de recommencer. »

Marshall se sent encore plus mal d'avoir gâché la seule chance qu'avait sa sœur de le guider.

« Mais alors, pourquoi me contactez-vous maintenant ? Mon âme ne va pas se perdre ?

— Aucun risque, assure le père. Tu as tenté de te suicider et ton cœur a arrêté de battre. Tu es entre la vie et la mort. Autrement dit, cet endroit est le chemin qu'empruntent toutes les âmes avant de rejoindre l'au-delà. Tu as donc ta place dans les deux mondes en ce moment. Il suffit que tu renonces définitivement à l'envie de survivre afin de rejoindre les défunts.

— Alors... je n'ai pas à hésiter. Je vais vous rejoindre... décide le blond, peu motivé à l'idée de retourner parmi les vivants.

— Je crois que tu n'as pas bien saisi la situation, rétorque froidement Ally. Si tu meurs maintenant, c'est en enfer que tu vas aller. On sera séparés pour toujours. »

Marshall déglutit, soudain terrorisé.

Suite à ces remontrances, les visages de ses proches s'adoucissent. Bloom lui sourit :

« Il n'est pas trop tard, Marshall. Retourne auprès de tes compagnons. Ils ont besoin de toi.

— Et arrête avec tes plans diaboliques, Ok ? plaisante Ally.

— Change de voie. Vis longtemps et sans regret. Et rejoins-nous quand tu auras une longue barbe blanche », ordonne le père en lui faisant un clin d'œil.

Les lèvres de Marshall s'étirent. Une expression de joie s'affiche sur son visage.

« Oui... merci pour tout... et désolé pour mon comportement odieux quand j'étais adolescent. »

Chaque membre de sa famille lui fait un sourire radieux. Ils le prennent dans leurs bras. Cette étreinte collective lui fait un bien fou. Cette chaleur, ce réconfort, lui avaient tant manqué.

Petit à petit, les rayons lumineux perdent en intensité. Les défunts retournent dans leur demeure, laissant des étincelles derrière eux. Ally, la dernière à le quitter, lui fait un au revoir de la main, avant de rejoindre ses parents.

***


Skill, les yeux toujours fermés, recommence à respirer. Son cœur, plus léger, bat de nouveau. Il se redresse comme si de rien n'était. Alex, qui comprimait inlassablement son thorax, a les yeux exorbités. Lui et Cody poussent un long soupir de soulagement.

« Merde, mec, ne nous refais plus peur comme ça ! le blâme Alex, au comble de l'euphorie.

— Sonya, reviens, il s'est réveillé ! » s'exclame Cody, fou de joie.

Sonya réapparaît dans la chambre. Elle est tellement ravie qu'elle se jette au cou de Skill, les yeux mouillés.

« Je suis désolé, tout le monde... bafouille le blond, gêné.

— Tu vas bien ? Qu'est-ce qu'il t'était arrivé ?! Tu veux manger quelque chose ?? s'enquit-elle.

— Tout va bien, je t'assure » dit simplement Skill.

Le blond fixe tour à tour ses compagnons.

Il lui reste encore une famille.

Il ne l'avait pas réalisé. Sa raison de vivre n'est pas de se raccrocher au passé, mais de protéger ce qui lui reste.

Le chef leur explique sa malédiction afin de les rassurer.

« Alors, tu vas toujours abandonner le projet ? interroge Alex, redevenu grognon.

— Oui. Je suis désolé. Je sais que ça te tenait très à cœur. Mais en agissant ainsi, nous ne valons peut-être pas mieux que les criminels que nous chassons, compare le blond.

— Qu'est-ce que... »

Skill, visiblement accablé par le poids de ses actes, interrompt Alex :

« Réponds-moi sincèrement : Alice, Sonya, Cody et moi, nous sommes des nigh, n'est-ce pas ? Aurais-tu accepté de nous infecter ? »

Un blanc s'installe. Alex finit par répondre en balbutiant :

« Bah, oui, pourquoi pas...

— Alex, sois honnête », insiste son chef.

Le subordonné mord sa lèvre. Il hésite. Serait-il réellement prêt à faire ça ?

« J'en aurais pas trop envie... avoue Alex.

— De la même manière que tu tiens à nous, il y a d'autres personnes qui tiennent également à leur famille, leurs amis... En les privant de ces liens, ne sommes-nous pas également des criminels ? »

Alex en reste bouche bée. Certes, il savait que ce qu'ils faisaient n'était pas moralement correct. Mais il ne s'était jamais vu lui-même comme un criminel.

Le compagnon de Skill, en pleine introspection, finit par prendre sa décision :

« Vous avez raison... Là, on est pareils que les gens qu'on combat... C'est pas du tout badass de notre part... On peut les supprimer sans s'abaisser à leur niveau. »

Sonya sourit, satisfaite. Skill et Cody hochent simplement la tête.

Alex évite leurs regards et se dirige vers la fenêtre, embarrassé d'avoir voulu persister inutilement.

Le blond s'adresse à la jeune femme :

« Appelle-les, s'il te plaît. Il est temps que je leur donne les informations sur Floyd qu'ils réclamaient tant. »

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