Chapitre 110 : Négociations

Grâce à leurs pouvoirs combinés, Al et Cammy explosèrent les jambes de Skill de l'intérieur. Kerry profita de l'ouverture pour l'assommer. Les protagonistes remportèrent la bataille au prix de nombreux sacrifices.

***


Du sang coule des oreilles de Cammy. Épuisée, elle regarde autour d'elle. Il y a eu tellement de dégâts dans leur camp qu'elle se demande s'il y a vraiment un vainqueur.

Daisy a retrouvé assez de forces pour pouvoir marcher. Cette dernière, Cammy et Kerry récupèrent les combattants inconscients et le corps d'Annie. L'humaine, portant Skill et Sonya, les conduit jusqu'à Cody et Alex.

Ceux-ci sont évanouis, empilés l'un sur l'autre. La brigadière balance sans ménagement leur chef sur eux.

« Daisy a contaminé Cody avec une maladie qui scelle les pouvoirs, explique l'humaine. Elle a fait en sorte que le virus soit contagieux, donc un seul contact suffit pour infecter. Mais bien sûr, notre team est immunisée. »

Kerry s'apprête à jeter également le corps de Sonya sur le tas, quand Cammy l'interrompt. Cette dernière garantit qu'elle n'est plus une ennemie. Bien que dubitative, l'humaine finit par se laisser convaincre.

Soudain, Kerry lève son poing afin d'achever Skill. Les deux nigh écarquillent leurs yeux, alarmées.

« Arrête !! » hurlent Cammy et Daisy à l'unisson.

L'humaine stoppe son attaque. L'utilisatrice de virus la supplie du regard d'épargner son frère spirituel. Cammy s'interpose entre Kerry et le jeune homme en écartant ses bras, puis hurle :

« Ne fais pas ça ! À quoi ça va servir de le tuer, maintenant qu'on a gagné ? Il a perdu ses pouvoirs, il ne représente plus aucune menace !

- Il faut qu'il paie pour tout ce qu'il a fait. Si toi, tu es capable de lui pardonner, c'est pas mon cas. D'ailleurs, tu crois réellement qu'il va accepter d'abandonner ses idées de détraqué ?

- Mais je... ça reste quelqu'un d'important pour moi... balbutie Daisy en toussant.

- Et puis, on peut toujours essayer de le convaincre, renchérit la jeune nigh. On ne perd rien à essayer. »

Kerry soupire d'agacement. Elle bouscule Cammy comme une poupée de chiffon.

« Pousse-toi ! Vous êtes trop naïves !! »

L'humaine s'apprête à porter le coup fatal. Brusquement, elle reste figée. La brigadière fixe Cammy.

Celle-ci, qui jusque-là contenait ses émotions, se lâche. Une rivière de larmes coule le long de ses joues. Un nœud au fond de la gorge, la nigh se confie en reniflant :

« J'en ai marre de tous ces morts... Il n'y a pas qu'Annie... En venant, je suis aussi tombée sur le corps de Miranda... Je... je n'ai rien pu faire pour les protéger... Alors, s'il te plaît, ça suffit comme ça... »

Les yeux exorbités, Daisy est atterrée par cette nouvelle. Kerry est tout aussi abasourdie. Bien que la disparition de Miranda ne l'attriste pas spécialement, l'humaine est touchée par les sanglots de son interlocutrice.

Kerry prend Cammy dans ses bras et caresse doucement son dos pour la consoler.

« Ma petite Camille... c'est fini, maintenant. »

Celle-ci ne répond pas, tandis que le liquide salé s'échappe incessamment de ses yeux.

« C'est d'accord. Je veux bien l'épargner, cède la brigadière.

- C'est... c'est vrai ? demande Cammy, entrecoupée de reniflements.

- Bien sûr. Mais à une condition. Une fois qu'il sera réveillé, il n'aura droit qu'à trente minutes pour changer d'avis. Après ça, je l'étriperai de mes propres mains. Et c'est pas négociable. »

Bien que Kerry essaie de le dire avec autant de tact que possible, Daisy et sa semblable déglutissent.

« Trente minutes, c'est pas peu... ? tente Cammy.

- Ce n'est pas négociable, j'ai dit. »

Les deux nigh s'échangent un regard communicatif. Connaissant Kerry, c'est un privilège qu'elle leur accorde. Elles acquiescent alors, la boule au ventre.

Les trois femmes déchirent des bouts de vêtements des blessés pour comprimer leurs plaies.

« Alors... où est-ce que tu as trouvé le corps de Miranda ? » s'enquit l'humaine.

Cammy les conduit près de la dépouille de l'adolescente.

Elles l'enterrent dans un jardin, près d'un grand arbre qui perpétuera le cycle de la vie. Elles déposent une grosse pierre sur sa tombe et chacune offre à la défunte des roses sauvages blanches.

« Alors... tu lui as pardonnée... ? » questionne Daisy, interrompue par des toussotements.

Kerry fixe respectueusement la tombe quelques secondes, avant de répondre :

« Je suis sûre qu'elle a fait de son mieux et qu'elle a contribué à sa manière à notre victoire. Je n'ai plus aucune raison de lui en vouloir. »

Les trois femmes offrent une minute de silence en l'honneur des jeunes filles qui ont péri durant la bataille.

Puis, elles retournent dans la demeure de l'humaine.

***


Peu après le coucher du soleil, Al reprend connaissance dans un sofa du salon. Ses blessures entièrement régénérées, il constate la présence de tous ses compagnons, eux aussi complètement guéris et éveillés. Sonya est également là.

Assis dans un coin de la pièce, Trash est solidement attaché grâce à une corde chargée du Drive de Kerry. Il se débat comme un fou en jurant.

« Où est Miranda ? » interroge Al.

C'est le silence complet. En voyant les mines affligées de chacun, l'humain comprend. Il se lève et fracasse le mur d'un coup de poing enragé. Le jeune homme avale difficilement sa salive et expire lourdement.

« Skill et ses acolytes sont où ? tonne Al.

- Enfermés dans une chambre, informe Agiel. Ils doivent avoir repris connaissance, maintenant. »

L'humain est tenté d'aller les voir. Tous ses membres en tremblent d'envie. Il se retient et revient s'asseoir sur le canapé en tapant frénétiquement le sol avec son pied.

Une ambiance des plus maussades règne dans la salle.

« Kerry, toi et moi on se comprend, non ? rugit Trash, isolé. Tu attends quoi pour me détacher ?!

- Je t'ai déjà dit que ça ne sert à rien d'insister, s'exaspère Kerry. Camille ne supporte pas les morts et tu le sais très bien. Mets-toi un peu à sa place. Ces derniers jours ont été atroces pour elle. Elle a été harcelée, kidnappée plusieurs fois, torturée par ce déchet de John et elle a vu plusieurs de ses compagnons mourir. Tu veux en rajouter une couche ?!

- Le monde se portera mieux si Skill crève, tu ne crois pas ?! »

Kerry roule des yeux et finit par l'ignorer.

Sonya est restée muette depuis son réveil, rongée par la culpabilité. Elle prend timidement la parole :

« Je suis désolée... Si on n'avait pas encouragé Skill dans cette voie, rien de tout ça ne serait arrivé...

- T'inquiète, vaut mieux tard que jamais. Et puis, c'était sympa d'avoir essayé de le raisonner, répond Cammy, sans rancune.

- Tu as reconnu tes erreurs, c'est le plus important », continue Agiel.

Après que chacune ait exprimé sa tolérance, Al prend la parole, aigri comme à son habitude :

« C'est pas demain qu'on sera amis. Mais tant qu'on arrête de se foutre sur la gueule, ça me va.

- Je ne t'en veux pas. C'est la tête de Skill que je veux ! » poursuit Trash.

Sonya ne se sent pas mieux. Au contraire, elle croule sous le poids de ses remords.

Al et Agiel s'échangent un regard communicatif. Ils hochent la tête, comme s'ils avaient la même idée. L'humain s'adresse à Sonya, prenant sur lui pour s'exprimer le plus calmement possible.

« On a un service à te demander. Tu te doutes sûrement que Skill n'a pas intérêt à ce que je le revoie maintenant, sinon, il va bouffer mon poing. Tu pourrais aller leur parler seule ?

- Ils nous détestent. Notre présence ne fera qu'envenimer la situation. Il n'y a que toi qui puisses leur faire changer d'avis, enchaîne Agiel.

- D'accord, comptez sur moi, accepte Sonya.

- Tu n'as droit qu'à trente minutes, dit froidement Kerry en lui tendant les clés de la prison. C'est trop risqué de les laisser partir tranquillement, et je n'ai pas l'intention de les héberger pour l'éternité. Il suffirait que Daisy perde connaissance un jour pour qu'ils retrouvent leurs pouvoirs. Et je n'ai aucune envie de castagner une nouvelle fois avec eux. »

Bien que cette idée n'enchante pas Al, il ne proteste guère. Lui aussi en a assez de ce conflit sans fin.

« Désolée... je n'ai pas réussi à lui faire changer d'avis... balbutie Cammy, embarrassée.

- Pas de souci... je comprends... »

Sur ces dernières paroles, Sonya, déterminée, va voir ses compagnons.

Elle déverrouille la porte et entre dans la chambre, où Skill et Cody sont assis sur le lit. Privés de leurs pouvoirs, ces derniers sont toujours blessés, couverts de pansements. Les jambes amputées du blond sont soigneusement enroulées de bandages.

Alex fait les cent pas. Ils arborent tous une mine déconfite, surtout le chef, vivant sans doute une autre crise de dépression.

« Tiens donc, regardez qui voilà ? attaque Alex. Tu fais ami-ami avec les ennemis, maintenant ?

- Les gars... on a perdu. Et si on laissait tomber le projet ? propose-t-elle avec douceur.

- Même pas en rêve, microbe ! rejette immédiatement Cody, tout aussi agressif que son collègue.

- De toute façon, dans votre état, vous ne pouvez rien faire. Alors, vous pensez gagner quoi en jouant les têtes de mule ? Kerry va vous transformer en merguez si vous vous obstinez ! » menace-t-elle.

Cody et Alex lui lancent un sourire narquois.

« Ils te font confiance. Il suffit que tu tues Daisy en douce et c'est dans la poche, propose malicieusement Cody.

- Oui, je peux faire ça. Mais je refuse !

- Donc tu nous trahis, c'est ça ?! s'offusque Alex.

- Ce n'est pas de la trahison. J'essaie juste de négocier pour que tout le monde fasse la paix », se justifie-t-elle.

Alex et Cody continuent encore et encore de mettre la pression à Sonya pour qu'elle les libère. Celle-ci se défend du mieux qu'elle peut. Malgré le vacarme de cette conversation agitée, Skill reste silencieux, englouti par le chagrin de son échec.

« Cody, suis-moi, s'il te plaît, fait-elle tout à coup.

- Pourquoi ? Tu ne peux pas me parler devant les autres ? réplique-t-il sèchement.

- S'il te plaît... j'aimerais qu'on soit seuls... souffle-t-elle.

- Ne l'écoute pas. Elle va tenter un truc louche, suspecte Alex.

- C'est bon, de toute façon, elle ne me fera pas changer d'avis » rétorque fermement le concerné.

Cody et Sonya vont dans une autre chambre, à l'étage, loin de l'ouïe de leurs compagnons.

« Cody... chuchote-t-elle. Je ne vais pas tourner autour du pot. Je te connais bien. Je sais que la morale, la justice, le bien, le mal, tu t'en tamponnes comme ta dernière miette de pain !

- Où tu veux en venir, moucheronne ?

- Tu ne veux pas qu'on arrête le projet parce que tu t'es juré de toujours être loyal envers Skill. Et donc, tu vois ça comme une trahison de ne plus le soutenir.

- Oui, et ? » s'impatiente-il.

Elle lève les yeux au ciel et murmure :

« Bah le fait de lui demander d'arrêter n'est pas une trahison, gros malin ! Skill lui-même a dit qu'il écouterait toujours notre avis. Alors, on a le droit de ne pas être d'accord ! »

Cody caresse son menton, comprenant l'idée. Sonya continue pour mettre fin à son hésitation :

« Si tu te ranges de mon côté, il arrêtera sûrement le projet, vu qu'on sera la majorité. Comme ça, y aura aucune trahison. Et surtout, ça me fera trèèèèèèès plaisir... »

Elle joint ses mains pour le supplier tout en lui faisant les yeux doux. Les joues rouges, Cody craque sur-le-champ.

« Je comprends mieux. Ok, faisons ça.

- Super !! s'écrie-t-elle, sautillant de joie. Pour te remercier, je t'offre le dîner de ce soir.

- Hmph, t'as intérêt, moustique. »

Il se racle la gorge, faisant mine d'être indifférent.

Les deux complices retournent dans la pièce. Cody reprend immédiatement le débat, faisant preuve d'une grande motivation :

« Skill. J'ai bien réfléchi. Sonya a raison. »

Le blond ne répond pas. Alex s'énerve :

« Tu retournes ta veste ?! Tu oses trahir tes bros pour une fille ?! Où est passée ta badassitude ?!

- Tu n'as jamais été mon bros, morpion ! rouspète Cody. Skill, je pense qu'il faut écouter Sonya. »

Le chef ne dit rien. Cody commence une argumentation improvisée :

« Je sais que ce projet te tient à cœur. Mais il faut quand-même avouer que c'est injuste. Sur toutes les personnes contaminées, peut-être que 60% ne commettront jamais de crimes. Et puis, si tu veux combattre le mal, il nous reste toujours notre business. On continuera de supprimer les criminels qui le méritent. »

Après un court silence, Skill prononce enfin quelques mots :

« Si c'est réellement ce que vous souhaitez, alors, c'est d'accord. Abandonnons le projet. »

Cody a un petit rictus victorieux, tandis qu'un large sourire illumine le visage de Sonya. Alex explose de rage :

« Quoi, c'est une blague ?! Skill, tu ne peux pas abandonner aussi facilement !!!

- Je suis désolé, Alex... dit simplement le blond.

- Après tout le temps et l'énergie que tu as consacrés à ce plan, tu arrêtes comme ça ?! Ne les écoute pas !! C'est le projet de toute une vie !!

- Alex... j'ai toujours eu pour principe d'écouter ce que mes subordonnés ont à dire. La majorité s'est exprimée. Comment pourrais-je prétendre être un bon leader si j'ignore l'avis de mes compagnons ? »

Alex serre ses poings frémissants. Il grince des dents et expire tel un taureau enragé.

« Si c'est comme ça, JE QUITTE LE GROUPE !!! s'époumone-t-il.

- Tu es libre de partir » concède le chef.

Alex brise la vitre en se déchirant le poing pour montrer sa frustration. Ça a pour effet de détourner l'attention des autres un instant.

D'un air profondément triste, Skill se blesse l'index en se mordant, sans que personne ne le remarque. Le blond utilise le sang afin de dessiner un crâne de mort sur le drap.

Finalement, le blond ouvre ses yeux. Ses pupilles vertes contemplent le dessin.

Brusquement, Skill s'effondre lourdement et reste inerte.

Affolés, ses compagnons se précipitent vers lui.

Dans l'incompréhension totale, ils le secouent désespérément.

« Il... il ne respire plus... » constate Sonya, au bord des larmes.

La panique, la détresse et la mort deviennent maîtresses des lieux.

Chapitre Suivant

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chapitre 80 : Le retour

Chapitre 113 : Nouvelles promesses (Épilogue 2)

Chapitre 81 : Le réveil