Chapitre 99 : La solution

Alors que Daisy tentait désespérément de sauver Agiel, grièvement blessée, John fit son apparition. Kerry intervint avant qu'il ne soit trop tard, et grâce à sa ruse, parvint à faire soigner la blonde. Suite à un affrontement rapide, l'humaine le vainquit et partit à la recherche des autres, accompagnée des deux nigh.

Il ne reste plus qu'Alex et Skill à vaincre.

***

Lorsqu'il était adolescent, Alex détestait le lycée. Ce n'étaient pas les cours qui l'ennuyaient, mais plutôt le spectacle écœurant auquel il assistait tous les jours.

Beaucoup d'élèves étaient sous le joug d'une bande de voyous. Ces derniers, en terminale, brimaient et rackettaient les lycéens les plus faibles. Heureusement pour lui, même s'il n'était qu'en seconde, Alex savait très bien se défendre et ne faisait pas partie des victimes. Il préférait ne pas s'y mêler, pour ne pas être entraîné dans des problèmes qui ne le concernaient pas.

Toutefois, il ne put rester les bras croisés bien longtemps. Un matin, il marchait avec Bruno, son meilleur ami, dans la cour de l'établissement.

« Et si on formait un gang ? » proposa Alex, extrêmement sérieux.

Bruno le dévisagea, perplexe et amusé.

« Un gang, sérieux ? Tu veux qu'on devienne des criminels ? »

Alex se tapa le front et souffla.

« Mais non, idiot ! Un gang ne veut pas forcément dire qu'on est des criminels ! Ça se voit que t'as jamais lu Tokyo Revengers ou Jojo's Bizarre Adventure, toi. »

Bruno comprit que les héros de ces mangas étaient membres de gangs, tout en étant du côté de la justice.

« Ok, mais pourquoi tu veux appeler ça un gang ? se moqua-t-il.

— Parce que ça sonne badass. Pour inspirer le respect, il faut avant tout être craint », répliqua Alex, se voulant charismatique.

Bruno comprit où son meilleur ami voulait en venir, et prit à son tour un air sérieux.

« Tu veux... t'attaquer à eux ?

— Ouais, confirma Alex. Je veux donner une raclée à ces voyous qui se croient tout permis. Une fois qu'on leur aura réglé leur compte, ils vont se tenir à carreau. Après, tu n'es pas obligé de me suivre, si tu n'as pas envie d'avoir des problèmes.

— Tu plaisantes ? Moi aussi, ça me démange de leur refaire le portrait », affirma son acolyte, plus que motivé.

Sourire aux lèvres, les deux amis se saluèrent avec le poing pour sceller leur accord.

« Ces enfoirés utilisent leur force pour s'en prendre aux plus faibles... ce ne sont pas de vrais hommes » déclara Alex, grandement déterminé.

Les deux amis recrutèrent d'autres lycéens qui partageaient les mêmes idéaux qu'eux. Ensemble, ils partirent défier le groupe de délinquants qui contrôlait leur établissement.

Après une rude bataille, le gang l'emporta sur les malfaiteurs. Cette victoire eut pour effet de dissuader les voyous de martyriser d'autres victimes.

Gonflés à bloc par leur réussite, Alex et ses compagnons ne s'arrêtèrent pas là. Ils partirent en guerre contre d'autres groupes de jeunes malfrats. Leur objectif : éradiquer la délinquance juvénile.

Enchaînant les victoires, le gang d'Alex gagna très vite en réputation. Beaucoup de voyous se tenaient tranquilles, de peur de devoir se confronter à eux. Tandis qu'ils étaient vus comme des justiciers par les victimes, d'autres les voyaient comme des cibles à abattre.

Ce qui devait arriver arriva.

Un soir, alors qu'Alex se promenait avec sa grande sœur, Alice, un groupe de délinquants d'une cinquantaine de membres leur tendit une embuscade. Ces derniers s'étaient alliés pour faire tomber son gang.

L'adolescent, séparé de ses compagnons, se défendit du mieux qu'il pouvait. Néanmoins, il n'avait aucune chance et fut défait.

Bien décidés à lui faire regretter de les avoir défiés, les malfaiteurs se vengèrent également sur Alice. Ils la battirent brutalement sous les yeux de son petit frère pour le briser mentalement.

Alex et sa sœur étaient gravement blessés et auraient dû en mourir. Ils éveillèrent leurs pouvoirs à ce moment-là, et s'en sortirent grâce à leur capacité de régénération.

Toutefois, ce qui s'était passé était inacceptable pour l'adolescent. Ils avaient osé lever la main sur Alice. Ils s'en étaient pris à celle qu'il considérait comme sa seconde mère.

Décimé par la rage, il apprit en quelques semaines à se servir de son Drive. Il partit défier l'alliance de malfrats tout seul. Ce fut un massacre. Grâce à ses nouveaux pouvoirs, il les assassina jusqu'au dernier.

Lorsqu'il réalisa ce qu'il avait fait, Alex fut pris de remords. Non à cause de la mort de ces déchets, mais plutôt car sa famille risquait d'avoir des ennuis s'il se faisait arrêter. Les humains auraient découvert qu'ils étaient des nigh, et la brigade les aurait tous éliminés.

Alors, pour leur bien, l'adolescent décida de disparaître dans la nature.

***

Quelques années plus tard, Alex avait dix-huit ans. Il se demandait ce qu'étaient devenus les membres de son gang, après qu'ils eussent quitté le lycée.

Un après-midi, alors qu'il traînait près d'une ruelle sombre, il assista à un spectacle glaçant.

Bruno se tenait face à un adolescent gringalet.

« Alors, tu as amené le fric ? demanda le chef du gang, l'air menaçant.

— N... non... je... où voulez-vous que je trouve autant d'argent... ? » bafouilla l'adolescent.

Le garçon tremblait de tout son corps, tandis que Bruno le fusillait d'un regard noir.

« Je veux que tu apportes l'oseille demain, c'est clair ?! Sinon t'es mort ! »

Les lèvres de l'adolescent frémissaient. Il n'arrivait pas à répondre, tant il était tétanisé. Alex pénétra dans le coin sombre, furieux. Les yeux de Bruno s'écarquillèrent de stupéfaction.

« Hey, gamin, tu lui as emprunté du pognon ? demanda le fugitif.

— N... non... balbutia le garçon.

— Alors, il veut juste que tu le paies sans raison, c'est ça ?! »

La victime hocha timidement la tête.

« Tu peux partir, et oublie cette histoire d'argent » ordonna Alex.

Le garçon acquiesça. Sans se faire prier, il s'enfuit à toutes jambes.

Les deux amis se firent face. Bruno était toujours ébahi de revoir son ancien leader. Alex le dévisageait de son regard courroucé. Son sang bouillait. Il prit le racketteur par le col.

« Tu te rends compte que ce que t'étais en train de faire à ce gamin, c'est le genre de trucs qu'on combattait à l'époque ?! » rugit le fugitif.

Sa surprise passée, Bruno fixa son ex camarade sans le moindre regret. Un rictus mauvais se dessina sur son visage.

« Écoute, mec, on n'est plus des gamins. T'as cru quoi ? Qu'on était des héros ? Gros, tout le monde a peur de nous, nous respecte. À chaque fois qu'on passe dans la rue, les autres s'écrasent. Pourquoi ne pas en profiter ? C'est ça, un vrai gang. On va entrer dans la mafia. Qu'est-ce que tu dirais de nous rejoindre ? Après tout, tu as déjà les mains sales... »

Bruno lui tendit sa main. Son sourire arrogant donnait la nausée à Alex.

« T'as raison, j'ai déjà les mains sales... alors, ça ne fait rien si je les tache à nouveau... »

Sans même que son ancien ami n'eût le temps de comprendre ce qui s'était passé, Alex lui brisa la nuque.

« T'es pas un vrai homme... » marmonna-t-il.

Triste et déçu, il s'en alla.

Le jeune homme fut tenté d'éliminer les autres membres corrompus, mais il se ravisa. De toute façon, à quoi ça servirait ? Malgré tous ses efforts lorsqu'il était au lycée, la délinquance juvénile était loin d'avoir été éradiquée. De plus, même après le massacre qu'il avait commis, d'autres groupes de malfrats s'étaient formés. Il aurait beau se battre encore et encore, ce serait un combat sans fin.

***

Des mois passèrent. Alex trainait un après-midi dans une décharge, lorsqu'un jeune homme l'interpella :

« Alex Lock... je t'ai enfin retrouvé. »

Étonné, le fugitif se retourna pour faire face à un blond et s'enquit, méfiant :

« T'es qui ? Qu'est-ce que tu me veux ? »

Le blond prit un ton rassurant :

« Je ne te veux aucun mal. C'est ta grande sœur, Alice, qui m'a chargé de te retrouver. Ta famille te cherche depuis le jour où tu as disparu. »

Troublé, Alex plissa ses yeux. Il répondit, hostile :

« Il vaut mieux que je reste éloigné d'eux. Je ne veux pas qu'ils aient des problèmes à cause de moi.

— Parce que tu as peur d'être arrêté et qu'on découvre ta nature ? Ne t'en fais plus pour ça. Tu n'as jamais été un fugitif. »

La bouche en O, Alex le fusilla du regard, incrédule.

« Qu'est-ce que tu me chantes ?! C'est évident qu'ils vont faire le lien avec le conflit entre nos groupes, ma disparition et les assassinats !

— La police n'est pas au courant de ton conflit avec ces voyous, puisque tu as éliminé tous ceux qui pouvaient témoigner contre toi. Ne te souviens-tu pas que les victimes t'admiraient ? Tout le monde t'a couvert... »

Alex attrapa sa tête, aussi médusé que perdu. Les yeux exorbités, il s'écria :

« Tu veux dire que j'ai passé trois ans de ma vie à fuir pour rien ?!!

— En effet » confirma simplement le blond.

Alex fut pris d'un fou rire, tellement la situation était absurde pour lui. Trois années perdues inutilement. Il regarda autour de lui : un grand trou, entouré de déchets, dans une odeur nauséabonde.

« Qu'est-ce que je fous ici, moi... ? » divagua-t-il.

Alex reprit ses esprits et pointa le blond du doigt :

« Et comment tu m'as retrouvé, au juste ?!

— J'ai beaucoup de relations, expliqua-t-il calmement.

— Et qu'est-ce qui me prouve que c'est Alice qui t'envoie, que c'est pas un piège ?! »

Le blond sortit une lettre d'Alice de sa poche. Alex la saisit et lut son contenu :

« Chère tête brûlée,

Depuis que tu es partie, ce n'est plus pareil à la maison. C'est vrai, tu étais un idiot qui ne pensait qu'à se battre et qui s'attirait sans cesse des ennuis. Mais on t'aimait tel que tu étais. Ta joie de vivre réchauffait nos cœurs. Sans toi, on ressent tous comme un vide en nous.

Alors, s'il te plaît, reviens vite.

Alice. »

Ému, Alex se dépêcha de sécher une larme qui tentait de s'échapper.

« Ok, reprit le petit frère, toujours suspicieux. Je vois que tu as tout prévu. Et qu'est-ce qui me fait croire que ton concept n'est pas celui de l'imitation ? Tu es capable de copier les écritures des gens et leurs souvenirs, n'est-ce pas ?! »

Le blond soupira, agacé. Alex lui frappa l'épaule, avant de rire à gorge déployée.

« C'est bon, je rigole, mec. Et c'est quoi ton nom ?

— Appelle-moi Skill, dit-il, neutre.

— J'adore, trop badass.

— Dépêche-toi, l'ignora Skill. Alice t'attend avec impatience. »

Les jeunes hommes retournèrent auprès de la famille d'Alex. Les retrouvailles furent chaleureuses.

Ce fut le début d'une amitié entre l'ancien fugitif et le blond.

***

Plusieurs mois après, un matin, Alex surprit Alice et Skill marcher main dans la main dans la rue. Ils semblaient s'entendre très bien. Un peu trop bien.

« Il se passe quoi entre vous deux ? maugréa le cadet.

— Oh... je comptais te le dire, Alex » commença Alice.

En voyant le bonheur sur le visage des deux tourtereaux, le petit frère n'eut même pas besoin qu'elle en dise plus.

« Marshall et moi, on sort ensemble, déclara-t-elle.

— Ouais, j'avais compris. Je suis content pour vous deux... »

Alex cachait très mal ses émotions. Son souffle fort et ses sourcils froncés trahissaient sa colère. Il s'en alla sans attendre leur réaction.

« Skill... pensa-t-il, je croyais qu'on était potes, mais tu t'es bien moqué de moi ! Je n'étais qu'un instrument pour que tu puisses gérer ma sœur. Ça ne va pas se passer comme ça. Je vais lui prouver que t'es un fumier... »

Alex demanda au blond s'il pouvait rejoindre son groupe. Il était à la recherche d'un emploi ; c'était un bon prétexte pour infiltrer l'équipe. Son but : faire tomber le masque.

Il était incrédule à toutes les qualités que lui vantait sa sœur. Tôt ou tard, Skill commettrait une erreur qui lui donnerait raison, que ce soit en usant de sa puissance ou de son argent à des fins égoïstes. Alex était prêt à tout découvrir sur lui. Il le soupçonnait même de tromper Alice ou d'utiliser les membres de son équipe comme de vulgaires pions.

Le petit frère espionnait son chef sans relâche.

Pourtant, malgré sa longue investigation, Alex ne trouva rien de compromettant sur Skill. Au contraire, plus il passait du temps en sa compagnie, plus il l'admirait.

Évidemment, le blond n'était pas parfait. Cependant, l'espion fut obligé de le reconnaître : il était un bon leader et Alice était heureuse à ses côtés.

L'espion oublia sa mission et l'accepta en tant que chef et futur beau-frère.

***

Cammy et Alex se font face.

« Skill... pense son second, malgré ta puissance, tu es resté fidèle à tes idéaux. Je connais peu de gens qui seraient capables de faire pareil. Tu es un vrai homme. Je suis entièrement d'accord avec toi. Peu importe ce qu'on peut essayer, que ce soient en créant des lois, en menaçant, en sanctionnant, ou même en tuant, c'est impossible de dissuader tout le monde de commettre des crimes. Les gens ont chacun des désirs, et souvent, c'est sombre, très sombre. Beaucoup de gens cèdent à la tentation en toute connaissance de cause. Malheureusement, la plupart des nigh font partie de cette catégorie, parce que rares sont ceux qui sont capables de résister à leurs pulsions. Tu as apporté ta solution pour mettre fin à tout ça. Même si je pense que c'est pas moralement correct, au final, je suis sûr que c'est la meilleure... »

Sur le pied de guerre, Cammy brandit ses poings et est prête à attaquer sans hésitation. Alex lève ses mains en l'air, ce qui surprend la jeune femme.

« Attends un peu... depuis que cette guerre a commencé, on n'a fait que castagner, mais on n'a pas vraiment pris le temps de discuter sérieusement, pas vrai ? » tente-t-il calmement.

La nigh hésite à engager le combat. Décontenancée, elle baisse sa garde.

« Tu... tu veux discuter ? répète-t-elle, perplexe.

— Ouais. Depuis notre dernier combat, j'ai un peu cogité. Vous voulez arrêter Skill, parce que vous pensez que priver les nigh de leurs émotions, c'est mal. Et je suis d'accord avec vous. Par contre, est-ce que vous êtes capables de trouver une meilleure solution ?

— Tu veux dire que si je trouve une meilleure solution...

— Ouais. Si tu trouves un meilleur moyen d'empêcher les nigh de commettre des crimes, je pars retrouver Skill tout de suite, et je lui dis d'arrêter », annonce très sérieusement le jeune homme.

Cammy a les yeux ronds, tellement elle est estomaquée par la proposition de son adversaire.

Néanmoins...

Elle n'a pas cette « meilleure solution » que son adversaire lui demande. Elle pourrait mûrement réfléchir afin de lui donner une réponse satisfaisante. Toutefois, le temps est contre elle. Elle ne peut s'offrir le luxe de songer à des questions existentielles, pendant que ses compagnons sont en danger de mort.

Le regard navré, elle fixe son interlocuteur, qui lui tend pourtant la main. Une réponse amère s'ensuit :

« Je n'ai pas de meilleure solution... Tout ce que je veux, c'est sauver mes amis. Alors, s'il te plaît, laisse-moi passer.

— Tu vois ? grommelle Alex. Vous cherchez à nous barrer la route, alors que vous n'êtes pas capables de donner de vrais arguments, quand on vous en demande. C'est pour ça que je suis du côté de Skill. Quitte à se salir les mains, lui au moins, il propose du concret.

— On n'est pas en salle de réunion, ici. Je suis pas là pour débattre. Alors, écarte-toi de mon chemin, sinon, je te casse la bouche !! » vocifère-t-elle, décidée à forcer le passage.

Cammy a à peine terminé sa phrase, qu'elle perd soudain l'équilibre. Impossible pour elle de se relever. Alex lui jette un regard froid, celui qui précède un meurtre.

« Crève » balance-t-il, avant de lâcher un coup de pied dévastateur.

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