Chapitre 85 : Chacun ses problèmes

Quelques heures plus tôt...

Skill se retrouve seul dans le terrain vague. Alors qu'il était sur le point de se débarrasser d'Al, Kerry et Agiel, ceux-ci ont subitement disparu. Malgré sa stratégie mûrement réfléchie et les efforts de ses subordonnés, il ne peut que constater leur échec.

Il frappe le sol, profondément déçu, mais surtout abattu. Ce n'est pas la fuite de leurs ennemis qui le chagrine le plus, mais la trahison de ses compagnons. Il retourne près de son habitation, où il trouve Sonya, grièvement blessée, Cody, avec quelques plaies superficielles, et Alex, évanoui et la main tranchée.

Skill regarde autour de lui, constatant les bâtiments détruits suite à l'affrontement de ses subordonnés, et les quelques civils qui ont fini en victimes collatérales.

Des vies perdues inutilement...

Le blond se mord la lèvre de dégoût envers lui-même. Il est le seul responsable de ce drame. Il utilise un symbole en forme de « plus » pour guérir complètement les blessures de ses compagnons, et dépose son motif d'anti-virus afin de détruire les germes qui maintiennent Alex dans un profond sommeil. Ce dernier se réveille instantanément.

Une fois les soins terminés, complètement épuisé, le chef rentre chez lui sans dire un mot à ses compagnons. Les autres le regardent partir en silence. Tous penauds, ils baissent la tête et n'osent pas lui adresser la parole.

Seul le son des grillons se fait entendre dans les environs. C'est avec le moral au plus bas que les membres de l'équipe se séparent.

***


Le matin, peu après le lever du soleil, la team se réunit chez Skill. Ce dernier, toujours démoralisé, les accueille dans une atmosphère des plus maussades. Ils s'installent dans les canapés du salon, sauf Alex qui reste debout.

Les subordonnés sont vraiment tracassés par l'état de leur chef. Bien que ce soit fréquent qu'il fasse des crises de dépression, ça n'a jamais duré aussi longtemps.

Un autre silence pesant s'installe.

Toutefois, c'est Skill qui finit par le briser :

« Alex, Sonya, Cody... Je ne vais pas tourner autour du pot. Suis-je un bon leader ? »

Ses interlocuteurs écarquillent leurs yeux, surpris. En réalité, Sonya et ses compagnons ne se sont jamais interrogés là-dessus. Pour eux, il n'y a rien à reprocher à leur chef.

Le blond continue d'un ton calme :

« Il m'arrive souvent de me remettre en question. Cependant, je ne dispose pas d'assez de recul pour juger correctement mes compétences en tant que chef. Vous êtes les plus à même d'avoir un avis objectif sur ma manière de diriger. Alors, je ne me répèterai plus. Suis-je un bon leader ? »

Les compagnons de Skill sont pris de court, Sonya la première. Les paroles de Cammy lors de leur duel lui reviennent en tête :

« Skill n'est pas parfaitement parfait. Tu n'as jamais remis en cause ses décisions ? Ne l'idéalise pas aveuglément ! »

Sonya ferme alors ses yeux, essaie de prendre du recul et commence à réfléchir sérieusement. En tentant de répondre à la question de son chef, les souvenirs de rencontres fatidiques lui reviennent en tête.

***


Sonya Carlton était née dans une famille très aisée. Son père était le PDG d'une des plus grandes sociétés du pays, et sa mère, actionnaire majoritaire d'une entreprise aux performances ahurissantes.

La petite fille avait toujours vécu dans le luxe. Néanmoins, son père passait très peu de temps avec elle. Heureusement, sa mère était très présente et comblait son absence.

Quand elle avait neuf ans, sa génitrice mourut lors d'un braquage de banque qui avait mal tourné. Le monde de Sonya s'écroula. Elle fut abruptement confrontée à ce qu'elle redoutait le plus : la solitude.

La jeune nigh pouvait obtenir toutes sortes de choses d'un claquement de doigts. Néanmoins, peu importe à quel point leur valeur pouvait être élevée, aucun de ces biens matériels ne l'intéressait. Tout ce dont elle avait besoin était de compagnie.

L'absence de son père la préoccupait tellement qu'elle était souvent dans la lune et obtenait des résultats scolaires médiocres. C'est de justesse qu'elle ne redoublait pas.

À l'école, Sonya connaissait deux types de personnes : ceux qui se collaient à elle par intérêt, et ceux qui ne cachaient pas leur mépris. Le dernier groupe d'individus ne manquait pas de la traiter de fille de riche écervelée.

La seule personne dont l'amitié semblait sincère était une fille du nom de Lily. Contrairement aux autres, cette dernière ne s'intéressait pas qu'aux biens matériels et l'appréciait pour ce qu'elle était. Que ce soient au primaire, au collège ou lycée, elles étaient inséparables. Elles s'amusaient ensemble, discutaient, se confiaient leurs problèmes.

Néanmoins, malgré leur proximité, Sonya restait méfiante à l'égard de cette « amie ». Qu'est-ce qui lui prouvait qu'elle ne jouait pas simplement la comédie ?

La paranoïa, cette peur d'être trahie par son amie hantait la jeune nigh jour et nuit.

Le soir, lorsqu'elle rentrait chez elle, Sonya retrouvait sa vieille amie : la solitude. Elle avait l'impression d'être enfermée dans une cage dorée. Cet enfer psychologique lui fit éveiller ses pouvoirs à quinze ans. Sa malédiction s'en suivit.

Lorsqu'elle était soumise à des émotions négatives, son corps se faisait déchiqueter. Que ce soient les injures de ses camarades, sa crainte obsessionnelle de découvrir le vrai visage de Lily, ou encore la solitude, elle n'arrivait pas à contrôler ses sentiments et se faisait charcuter en permanence.

Elle était obligée de tout le temps porter un manteau à capuche, des gants, un pantalon et un masque, pour ne pas que ses blessures soient visibles et éviter que ses camarades se questionnent sur sa nature.

Au fil du temps, grâce à sa volonté et sa persévérance, elle parvint à se concentrer pendant les cours et obtint la note de quinze sur vingt lors d'un contrôle.

Lorsque le professeur lui remit sa copie, elle était folle de joie. Cependant, son euphorie ne dura pas longtemps. Pendant la pause, elle entendait des murmures dans la classe :

« Sérieux ? Comment elle a fait, cette cruche ? »

« Je suis sûre qu'elle a acheté sa note. Pour une fois qu'elle utilise intelligemment son argent... »

« C'est pas juste. J'ai bossé comme un malade, et elle me dépasse en sortant du fric. »

« Ah, la salope. »

Sous ses vêtements, Sonya se faisait charcuter. Les paroles de ses camarades la blessaient aussi bien physiquement que mentalement.

Cependant, brusquement, Lily frappa sa table et se leva, attirant l'attention de tout le monde. Cette dernière, outrée, vociféra :

« Non mais je rêve !! Vous croyez quoi ? Que Sonya est une merde qui corrompt les profs ? Vous la connaissez mal !! C'est quelqu'un de formidable, et elle a bossé comme une dingue pour la mériter, sa note. J'étais là quand elle révisait. Et si vous pensez qu'elle a acheté quelqu'un, c'est vous les merdes !!! »

Lily adressa ensuite un magnifique sourire à son amie et ajouta :

« Bien joué, Sonya. Tu vois ? Je t'avais bien dit qu'au fond, t'es super intelligente. »

Émue, la nigh se jeta dans les bras de Lily. Elle se sentait chanceuse d'être son amie et stupide d'avoir douté d'elle.

Sonya avait veillé ce soir-là, attendant avec impatience le retour de son père. C'était sa détermination à attirer son attention qui l'avait poussée à travailler dur. Un simple « bravo », c'est tout ce dont elle rêvait.

Lorsque l'homme d'affaires rentra, très tard chez lui, sa fille lui montra sa note, fière d'elle. Il y jeta un bref coup d'œil, et se contenta de prononcer :

« À ton âge, c'était ma note la plus faible. »

Exténué, le père souffla et lui remit sa copie sans montrer la moindre once d'émotion. Les yeux exorbités, Sonya resta immobile pendant une trentaine de secondes. Après ces efforts, c'était tout ce à quoi elle avait droit ?

Dévastée, elle retourna dans sa chambre et se recroquevilla contre sa couette, le corps charcuté et le cœur saignant.

Le lendemain, Lily l'écouta et la réconforta. Elle était un vrai pansement pour ses blessures psychologiques.

Puis, vint ce jour, quand Sonya avait seize ans et demi.

La nigh eut une indigestion après avoir mangé trop de viande. Pendant la pause, elle fonça dans les toilettes du lycée. Quelques minutes plus tard, Lily, accompagnée d'une camarade de classe, entrèrent.

« Où est-ce qu'elle est passée, cette conne ? grogna Lily, fumant une cigarette.

- Quoi ? sursauta sa camarade.

- On était censé combiner nos recherches pendant la pause pour préparer notre exposé de demain. Mais elle a oublié ses notes chez elle et ne se souvient même pas des sites qu'elle a consultés. Décidemment, cette cruche ne changera jamais. Ah... elle m'énerve, souffla l'amie de Sonya.

- Attends, je croyais que vous étiez potes ? s'étonna la camarade.

- Elle, mon amie ? rouspéta Lily. C'est juste un porte-monnaie sur pattes pour moi. »

Lily soupira, exaspérée. Pensant que Sonya était absente, elle se lâcha :

« Elle se plaint tout le temps de trucs osef, franchement je comprendrai jamais les riches. Ce qui me met vraiment en rogne, c'est qu'elle va nager dans le fric toute sa vie, sans faire aucun effort. Tout ce qu'elle sait faire, c'est jouer la victime et bouffer. Si tu la vois se goinfrer, tu vas te plier de rire, on dirait un phacochère.

- Sérieux ? »

Elles se mirent à ricaner.

Sonya était interloquée par ce qu'elle venait d'entendre. Elle était détruite de l'intérieur. Ce qu'elle redoutait le plus se produisit d'une manière si brutale qu'elle était persuadée qu'il s'agissait d'un mauvais rêve.

Néanmoins, elle était obligée d'accepter la réalité implacable. En silence, le cœur en miettes, elle fondit en larmes. Mais cette fois, personne n'était là pour la réconforter.

Le soir, le lit de la jeune fille était imbibé de sang. Les déchirures sur son corps étaient incessantes. La douleur physique, couplée à la souffrance émotionnelle, entraînaient un supplice invivable.

L'idée de se suicider lui effleura l'esprit.

Non, ce n'était pas la solution.

Toutefois, Sonya refusait catégoriquement de retourner au lycée.

Elle prit la décision de fuguer.

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