Chapitre 82 : Règlement de comptes

Après son réveil, Miranda se montra méprisante à l'égard des autres. Elle provoqua Annie en duel pour qu'Al la laisse participer à la bataille. Il accepta, seulement à condition qu'elles règlent leurs comptes plus tard.

***

Miranda se mord la lèvre. Elle est incapable de se contrôler plus longtemps, elle fonce.

La nigh se rue telle une fusée aux toilettes.

Annie papillonne des yeux, déconcertée.

« Qu'est-ce qui t'étonne ? l'interpelle Al. C'est même l'exploit du siècle qu'elle ait pu se retenir aussi longtemps. »

Après s'être soulagée, Miranda retourne au salon. La nigh est accueillie par un amas de vêtements mouillés que l'adolescente lui balance à la figure.

D'un air provoquant, Annie pointe du doigt les habits au sol, ordonnant à son ennemie de l'aider à les transporter.

« Tu peux rêver, la mu... ! »

Agacé, Al interrompt la vocifération de Miranda d'un signe de la main. Celle-ci grogne et s'exécute.

« Toi aussi, Annie, arrête de chercher la bagarre ! » rouspète-t-il.

Annie ne réagit pas, elle ne regrette rien.

La pluie diminue. Ils se mettent en route.

Arrivés chez Kerry, ils jettent leurs habits sales dans le lave-linge et prennent chacun une douche. La brigadière leur prête des vêtements de rechange, qui vont comme un gant à Al et Agiel, mais bien trop larges pour les adolescents et Daisy.

Puis, tout le monde va se coucher, sauf Al. Armé de piments, il lit un roman en ligne dans le salon pour faire le guet.

***

Le matin, lorsque le soleil se lève, Agiel est toujours malade. Allongée dans un lit, sa fièvre n'a pas baissé. Bien que Daisy soit en meilleure forme, l'état de son amie l'inquiète beaucoup.

Daisy lui tend un grand bol de sang frais pour qu'elle récupère des forces. La souffrante saisit l'aliment et balbutie :

« Comment vont les autres... ?

- Cammy est toujours inconsciente, répond son amie en toussant. Berthold se trouve dans le même état que toi. Les blessures de Kerry ne sont pas mortelles, mais elle est grièvement blessée. Dès qu'elle est rentrée, elle a prévenu le chef de la brigade qu'elle ne pourrait pas assurer son service et elle n'a pas quitté son lit. Le reste se porte bien... »

Agiel acquiesce. Pour ne pas préoccuper davantage son amie, elle attaque immédiatement sa boisson.

Bien qu'elle adore le sang, l'aliment a un goût fade dans sa bouche. Agiel fait une grimace de dégoût et avale difficilement. La simple gorgée a l'effet d'intensifier son mal de ventre. Elle ne peut s'empêcher d'afficher une expression de douleur.

Chaque cuillérée est un calvaire, aussi bien pour ses papilles gustatives que son estomac. Après avoir tout bu, elle vide un verre d'eau et se couche.

La douleur s'amplifie considérablement, comme si une masse impitoyable broyait ses entrailles. Elle se redresse et saisit son abdomen. La nausée devient incontrôlable.

Elle croise le regard fort tracassé de Daisy.

Déterminée, Agiel résiste à l'envie de vomir. Elle sent presque la nourriture remonter jusqu'à son œsophage. Elle lutte de toutes ses forces.

Petit à petit, l'envie s'estompe, jusqu'à disparaître totalement. La blonde s'affale à nouveau, soulagée.

« Ne t'inquiète pas pour moi... je vais très vite me rétablir... » assure Agiel.

Quelque peu rassurée, Daisy acquiesce et la laisse se reposer.

***

Dans la chambre d'à côté, Trash est également affalé sur le matelas et agonise. Angoissée, Annie lui tend le bol de sang. Il n'a aucune envie d'avaler quoi que ce soit. Rester allongé, c'est la seule chose qu'il désire. L'humaine insiste, sans résultat. Il ne donne en guise de réponse qu'un rictus écœuré. Elle réfléchit très rapidement à un moyen de le motiver.

Une idée lui vient en tête. D'un air espiègle, elle indique ses lèvres du doigt. Il écarquille vivement ses yeux, soudain intéressé.

« Si je bois... tu voudras bien m'embrasser... ? »

Elle hoche la tête en lui souriant. Dans un effort titanesque, Trash se redresse. Il retrouve sa volonté.

D'habitude, il se nourrit par plaisir, mais aujourd'hui, c'est de la torture. Après avoir terminé son repas et résisté à l'envie de vomir, il s'étale de tout son long.

Annie tient sa promesse. Leurs lèvres se rapprochent lentement. Trash rougit et ferme ses yeux. Les battements de cœur du garçon s'accélèrent. Il sent la respiration de la jeune fille contre sa peau.

Elle l'embrasse.

Trash ouvre ses paupières, très désagréablement surpris. Voyant le sourire malicieux d'Annie, il s'indigne :

« On ne parlait pas d'un baiser sur la joue... ! Pourquoi... ?! »

Elle souffle dans sa paume pour lui faire comprendre qu'il ne s'est pas brossé les dents et que ça la répugne.

Il soupire, dépité, pendant qu'Annie le recouvre de sa couette.

Elle fait des gestes pour lui expliquer son conflit avec Miranda.

« T'inquiète... tu vas lui rabattre son caquet... Est-ce qu'il y a même à en douter... ? »

Elle sourit et opine du chef. Elle lui fait signe d'au revoir et il se blottit dans sa couverture.

***

Installé sur un sofa dans le salon, Al boit un café et est concentré sur sa lecture. Il a des cernes suite à sa nuit blanche et semble de très mauvaise humeur. Miranda, les cheveux ébouriffés, se présente face à lui. Elle le toise narquoisement.

« T'as mangé ? soupire-t-il, nonchalant.

- Non, pas faim. Tu ne m'encourages pas pour mon duel ? Pas que je risque de perdre, mais bon... »

Le ventre qui gargouille de la jeune fille la trahit.

Al détache ses yeux de l'écran. L'air suffisant de Miranda l'agace. Toutefois, il lève son pouce et prononce d'un ton se voulant sympathique :

« Casse-toi une jambe... »

Miranda sourit, ravie, avant qu'il n'ajoute plus sèchement :

« ... Littéralement. »

Son expression de joie s'efface et elle le fixe d'un air fortement contrarié.

« Et puis, c'est quoi cette tignasse ? Rassure-moi, tu sais qu'il y a des objets qu'on appelle les brosses à cheveux ? bougonne-t-il.

- Pff, c'est ma coiffure naturelle, j'aime mes cheveux comme ça, grommelle-t-elle.

- Si t'aimes ressembler à un yéti, c'est comme tu veux. D'ailleurs, t'es la seule à ne pas avoir graillé. Fonce.

- J'ai pas f...

- C'était pas une suggestion. »

Face à son air très exaspéré, Miranda se laisse intimider. Elle n'insiste pas et prend son petit déjeuner. Mal à l'aise, elle mange peu et se dépêche de quitter la cuisine.

***

Une heure plus tard, Annie et Miranda se font face au sous-sol. Daisy les observe, pendant qu'Al rattrape ses heures de sommeil sur le canapé.

Les deux adversaires se fixent d'un air extrêmement agressif. Un désir de carnage se lit dans leurs yeux.

Daisy est vraiment préoccupée par la tournure que risque de prendre l'affrontement. Elle toussote, avant de tenter courtoisement de faire baisser la tension :

« Je sais que vous ne vous appréciez pas. Cependant, n'oubliez pas que vous êtes des alliées. Veuillez vous battre dans la bienveillance et évitez de vous blesser...

- La ferme, pauvre binoclarde ! peste Miranda. Et toi, la muette, je vais tellement abimer ton joli petit visage qu'Al ne te reconnaitra pas quand il va se réveiller ! »

Interdite, Daisy reste bouche bée.

Bien que furieuse, Annie reste pleinement concentrée et ne répond pas à la provocation. Miranda arbore un rictus condescendant.

La nigh projette sur son adversaire une sphère d'un noir pur. Aussitôt, l'humaine étire ses manches et crée une spirale autour d'elle pour se protéger. Toutefois, la boule s'agrandit subitement et dévore la moitié du sous-sol. Annie, déstabilisée, se retrouve engloutie dans une obscurité abyssale.

Miranda a la capacité de manipuler la luminosité d'un espace déterminé, grâce aux sphères qui définissent son champ d'action. De plus, elle peut sentir tous les mouvements qui s'effectuent à l'intérieur de sa technique.

Annie perd ses repères. Afin de se défendre, elle utilise ses manches pour fouetter dans toutes les directions imaginables. Cependant, elle ne fait que brasser l'air.

Miranda a tout simplement quitté le périmètre où règnent les ténèbres, et a laissé Annie seule dans le noir. Elle ne savait pas si l'humaine avait un pouvoir, et a décidé de jauger sa réaction. La nigh s'arrête près de Daisy et glousse, attendant que son ennemie s'épuise.

Comprenant sa ruse, Annie cesse d'attaquer dans le vide. Elle gonfle son t-shirt, recouvrant tout son corps et se déplace pour quitter le périmètre obscur. Alertée par son déplacement, Miranda se jette à sa rencontre pour l'empêcher de sortir.

Annie a anticipé le fait que la nigh viendrait à elle. Dès que son adversaire s'approche, la manche de l'humaine se transforme en une paume colossale et Miranda encaisse une gifle aussi fulgurante qu'écrasante.

Tout son corps vibre. La nigh est sauvagement propulsée contre une paroi qui se craquelle. Elle crache du sang et son visage se déforme de douleur. Elle arrache un minuscule morceau de béton, avant de s'écrouler.

Soudain, la sphère ténébreuse disparaît. L'humaine constate que Miranda a perdu connaissance. Ses vêtements reprennent leur taille normale.

La gagnante est Annie.

Abruptement, un petit bloc de ciment, projeté à une vitesse effarante, se heurte contre le crâne de l'humaine. Cette dernière a été totalement prise au dépourvu. Un son strident résonne. Une horrible douleur agresse son visage. À son tour, Annie se fait catapulter à l'autre bout du terrain. Une grosse fissure se trace sur le mur. Le front en sang, elle perd conscience.

Miranda se relève, fière.

« Elle a utilisé le fait que les effets d'un pouvoir se dissipent lorsque l'utilisateur perd connaissance pour faire croire à Annie qu'elle s'est évanouie, déduit Daisy. Lorsque l'obscurité a disparu, Annie est tombée dans le piège et a baissé sa garde. Avant de simuler sa perte de conscience, Miranda a envoyé le projectile sur elle. Elle est plutôt maligne, en fin de compte. »

Daisy reste complètement impartiale et affiche un air impassible.

Miranda émet son ricanement le plus arrogant et fixe Annie, totalement sans défense.

Soudain, l'expression de Daisy se décompose d'effroi.

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