Chapitre 83 : Le face à face

Le duel eut finalement lieu. Bien qu'ayant eu des difficultés, Miranda parvint à vaincre Annie. Le visage de Daisy se décomposa par la suite d'effroi.

***


« Miranda, qu'est-ce que tu fais, enfin ?! » s'écrie la spectatrice, affolée.

La gagnante du duel a déterré un immense bloc de ciment, doublant sa taille. Elle s'apprête à le balancer sur Annie.

« Je lui ai bien dit que j'allais la défigurer. T'as cru que c'était une blague ?! » s'exclame Miranda, vraiment déterminée.

Daisy accourt dans sa direction à toute vitesse, cependant, c'est trop tard. Totalement impitoyable, Miranda catapulte le projectile monstrueux sur Annie.

Ayant perdu connaissance, l'humaine n'a aucun moyen de se protéger et se fera complètement écraser si elle est touchée. Atterrée, Daisy ne peut qu'observer la chute du mastodonte sur celle qu'elle a échoué à protéger.

Subitement, un poing sorti de nulle part frappe vigoureusement le bloc de ciment qui se désintègre. Un nuage de poussière envahit la pièce. Les minuscules fragments du projectile, tel un feu d'artifice, sont propulsés dans les airs, avant de retomber au milieu du sous-sol.

Kerry observe attentivement Annie pour s'assurer qu'elle va bien. Couverte de bandages et de pansements, son bras fracturé immobilisé grâce à une écharpe, le moindre mouvement fait souffrir la brigadière. Ses blessures la brûlent à chaque instant. Néanmoins, elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait se permettre d'être absente lors de l'affrontement des deux adolescentes, au risque qu'un nouveau drame ne se produise.

Daisy souffle longuement de soulagement. Agacée, Miranda marche de manière effrontée en direction de la sauveuse.

« T'es pas censée être blessée, toi ? Personne ne t'a rien deman... »

La nigh s'interrompt lorsque Kerry se tourne vers elle. La brigadière l'agresse d'un regard empli de rage. Effarée, Miranda recule sur-le-champ.

« Si j'étais toi, je déguerpirais tout de suite », rétorque Kerry.

Face à sa furie, Miranda en perd la voix. Elle avale difficilement sa salive, terrifiée. Même Daisy est impressionnée.

La brigadière n'en ajoute pas plus et s'en va en portant Annie sur son épaule. Elle soigne la blessure de la vaincue, avant de retourner dans sa chambre pour se reposer.

***


Quelques minutes plus tard, Annie reprend connaissance. Un bandage autour du front, allongée sur un sofa dans le salon, elle fixe le plafond avec un immense dépit. Elle se sent stupide d'être tombée aussi facilement dans le piège de son adversaire.

Miranda se présente face à elle.

L'humaine se redresse lentement. Elle pose une main sur sa tête, toujours étourdie. La dernière chose dont elle a envie est d'entendre la voix de la nigh. Alors, elle lui lance un regard empli de véhémence pour lui faire comprendre qu'elle a intérêt à la laisser tranquille.

Toutefois, Miranda lui tend la main et lui adresse un sourire bienveillant.

« J'ai ouvert les yeux. Je suis désolée pour mon comportement, tout à l'heure. Tu t'es bien battue, bravo à toi. »

Perturbée, Annie papillonne des yeux. Elle se pince la joue pour savoir si elle rêve. Apparemment, c'est réel.

Convaincue qu'il faut enterrer la hache de guerre, elle tend innocemment son bras. Néanmoins, au moment de se serrer la main, Miranda retire aussitôt la sienne, laissant Annie saluer le vide.

« Tu y as cru, hein ?! Pauvre looseuse ! »

S'ensuit un ricanement humiliant, avant que la gagnante ne s'éloigne, les chevilles plus enflées que jamais.

Elle ne peut pas accepter ça. Annie grince des dents de fureur. Elle serre ses poings. Les manches de son t-shirt se transforment en scies, prêtes à déchiqueter son ennemie jurée dans le dos.

« Du calme. »

Annie regarde dans la direction d'Al. Le sommeil de ce dernier a été perturbé par leur échange intempestif. Il s'étire longuement et baille comme un crocodile. Il se gratte la nuque et parle de manière posée :

« Tu dois être super frustrée d'avoir perdu... Malheureusement, rassurer les gens, c'est pas mon fort. Par contre, cette défaite doit te servir de leçon. Berthold a dit que t'es pas très endurante, ni douée au corps-à-corps. Alors, il faut travailler ça. On va s'entraîner, du coup ? »

Malgré le fait que la colère bouillonne toujours en elle, elle se laisse convaincre par les paroles d'Al. Elle hoche la tête, bien déterminée à progresser.

Le jeune homme continue, légèrement soucieux :

« Il faut qu'on règle cette histoire au plus vite. On ne va pas s'éterniser ici. Vos parents doivent être morts d'inquiétude. »

En réalité, le père de Trash n'en a que faire de lui.

Cependant, Annie écarquille ses yeux. Elle fonce dans la chambre qu'elle partage avec Kerry et branche son téléphone, complètement déchargé. Elle l'allume et remarque alors qu'elle a reçu deux messages venants de sa mère.

Avant-hier à vingt-trois heures dix-sept :

« Ma chérie... je sais que nous nous étions convenues du fait que je devais te laisser plus de liberté, mais je n'en peux plus. Tu reviens tous les soirs à minuit passé sans me donner la moindre explication. Tu dois comprendre que je m'inquiète beaucoup pour toi. Je ne veux pas t'imposer quoi que ce soit, mais cette ville est dangereuse. S'il te plaît, fais attention à toi. »

Ce matin, à minuit cinquante-deux :

« Annie, ça fait plus de 24h que tu n'es pas rentrée. Où es-tu ? Que fais-tu ? Pourquoi passes-tu de moins en moins de temps à la maison ? S'il te plaît, rentre... Sais-tu à quel point je t'aime ? »

Le cœur de la jeune fille se fend en lisant ces messages. Elle se rend compte combien elle a été égoïste pendant tout ce temps. Elle a passé des années à s'éloigner de sa mère, faisant de l'angoisse son quotidien.

Elle s'empresse de répondre :

« Bonjour, maman. Je vais bien, ne t'en fais pas. J'ai décidé de passer quelques jours chez une amie. J'ai oublié de t'en parler, je suis désolée. Je te promets de revenir dès que possible. Moi aussi je t'aime beaucoup. »

Elle se promet qu'à son retour, elle lui dira toute la vérité et passera plus de temps avec elle.

Elle retrouve Al, redoublant de motivation. Ce dernier non plus ne manque pas de volonté. Ils retournent au sous-sol. Ils passent la journée à exercer la résistance et les aptitudes au corps-à-corps d'Annie. La première étape est de renforcer sa défense grâce aux esquives et parades. Al ne se retient pas et lui fait perdre connaissance plusieurs fois. Elle se blesse superficiellement à de nombreuses reprises, mais se relève inlassablement.

Entre les pauses, elle va voir comment se porte Trash et constate avec joie qu'il commence à aller mieux. De son côté, Daisy passe tout son temps en compagnie d'Agiel. Miranda, quant à elle, ne voit pas la nécessité de s'entraîner.

Al constate qu'Annie a fait des progrès et esquive un peu mieux. Toutefois, son amélioration est infime, voire négligeable. Il leur reste encore beaucoup de travail.

L'obscurité du soir s'installe progressivement. Éreintée, l'adolescente va prendre une douche et récupère des habits propres. À sa sortie, elle décide de retourner auprès de Trash. C'est avec surprise qu'elle constate qu'il n'est plus dans sa chambre. Soucieuse, elle se précipite à sa recherche.

Elle le trouve très facilement. Il se lave les dents avec une brosse que Kerry lui a prêtée dans la salle de bain. Malgré le fait que sa tête tourne toujours et qu'il soit un peu engourdi, tous les symptômes de la maladie se sont volatilisés.

Après avoir fait sa toilette, il est accueilli dans le couloir par Annie qui lui fait une grimace enfantine. Il tressaute, avant de se ressaisir aussitôt.

Pour ne pas perdre la face, il racle sa gorge et enchaîne :

« Je savais que tu étais là. J'ai fait exprès de sursauter pour ne pas que tu sois déçue et... »

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'elle dépose tendrement ses lèvres sur les siennes.

Pris de court, il écarquille vivement ses yeux. Puis, il ferme ses paupières et profite de chaque seconde qui passe.

Enlacés l'un à l'autre, ils aimeraient que cet instant dure pour l'éternité.

Elle finit par s'éloigner et lui fait un sourire radieux, heureuse qu'il s'en soit remis aussi vite. Sa volonté de guérir est prodigieuse.

Tout aussi ravi, les joues rougies, il bafouille quelques mots :

« Euh... c'est pas comme si je m'étais brossé les dents spécialement pour ce moment... tu vois ? »

Annie glousse et il rigole à son tour. Rien ne peut effacer leur euphorie.

« Alors, comment s'est passé ton duel ? Avec quelle attaque tu as réglé le compte de l'autre prétentieuse ? » continue-t-il.

L'expression de joie sur le visage d'Annie disparaît sur-le-champ. Remarquant le dégoût dans son regard, Trash lui prend la main sans ajouter un mot et ils vont dans sa chambre pour qu'elle lui explique plus clairement ce qui s'est passé.

***


Au même moment, Al profite d'une sieste bien méritée. Daisy et Agiel discutent toujours dans leur chambre. Miranda et Kerry se retrouvent seules dans le jardin aux plantes mourantes.

Malgré la douleur grandissante de ses blessures, l'humaine ne laisse rien paraître.

La nigh est extrêmement crispée. Elle ronge inconsciemment ses ongles.

« Que... pourquoi tu voulais me voir ? » demande l'adolescente.

Kerry lui adresse un sourire sans la moindre trace d'hostilité et la rassure :

« C'est vrai que tu m'as énervée tout à l'heure, mais je ne t'en veux plus. Nous sommes dans le même camp. Je suis ton amie, pas vrai ?

— Euh... oui, oui... » balbutie-t-elle en détournant le regard.

L'adolescente ment ouvertement, se disant qu'elle n'a absolument pas intérêt à la contredire. Malgré le sourire rayonnant de Kerry, une ambiance tendue règne. Le cœur de la nigh ne cesse de bondir dans sa poitrine.

« J'ai une petite question à te poser, poursuit sereinement la brigadière. Tu te rappelles d'un type... il avait des cheveux bleus, des yeux rouges et coiffé comme une méduse ? Tu sais, cet humain svelte au visage fin...

— Hum... oui...

— C'est toi qui l'as tué, n'est-ce pas ? »

Un silence survient. Si l'atmosphère était lourde, elle devient suffocante. Miranda recule instinctivement. Ses battements de cœur résonnent jusque dans son oreille. Elle hésite à répondre.

De toute façon, à quoi bon nier ? Autant être honnête.

« Oui, c'est m-m-moi... bégaie la nigh.

— Et, du coup, tu regrettes ? »

Miranda s'écroule et se tient à quatre pattes. De grosses gouttes de sueur perlent de son front.

« Oui... oui ! Je le regrette ! »

Leurs yeux se croisent. Les pupilles de Miranda tremblent.

« C'est bien d'avouer ses fautes. C'est très courageux de ta part. Ne t'inquiète pas, c'est pardonné. Relève-toi, affirme tranquillement Kerry.

— Vrai... vraiment ? »

Kerry lui adresse un rictus amical. Une lueur d'espoir dans les yeux, l'adolescente se redresse lentement.

Brusquement, un coup de poing déployé à une vitesse horrifiante fend l'air. Le sourire chaleureux de Kerry se transforme en un visage dont la froideur glacerait le sang de n'importe qui.

Un poing chargé de haine, de rancœur et de tristesse s'abat sur la nigh. Elle voit la mort à quelques millimètres d'elle.

« Crève. »

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