Chapitre 69 : Le marché

Trash (Berthold) et Annie ne parvinrent pas à vaincre John, malgré tous leurs efforts. Beaucoup trop endurant, le colosse fut le dernier debout.

***


John avait quatorze ans. Un soir, il revint maussade du collège. Alice avait remarqué que son humeur devenait de plus en plus morose depuis plusieurs mois. John était en surpoids, car il était accro à une viande peu chère, mais mauvaise pour la santé, surtout pour un nigh. Il tombait très souvent malade, mais il continuait d'en consommer dès qu'il était remis sur pied.

Elle frappa avant d'entrer dans sa chambre et prit la parole :

« John... tu veux en parler ? »

John était assis sur son lit. Il se recroquevilla sur lui-même et ne dit rien. Elle s'installa alors à côté de lui et continua avec délicatesse :

« Je suis là pour t'aider. On peut en discuter quand tu veux... »

John baissa la tête et hésita à répondre. Lorsqu'il la releva, il vit le sourire bienveillant de sa grande sœur. Il se sentit réconforté. Elle lui caressa les cheveux et reprit :

« Je n'insiste pas. Mais n'oublie pas que tu as une famille. Nous sommes là pour ça. »

Elle se leva et s'apprêta à partir, quand l'adolescent prononça finalement :

« Ma vie, c'est de la merde... je suis trop gros. Tout le monde se moque de moi, mais j'arrive pas à arrêter. À chaque fois, j'achète de la malbouffe. Je fais sortir la viande et je me goinfre en cachette... Tu dois avoir honte de moi. »

Penaud, il blottit sa tête entre ses jambes et cacha son visage.

« John, je t'ai déjà dit d'arrêter avec les gros mots... soupira-t-elle. Mais c'est déjà bien de reconnaître qu'il y a un problème. Non, je ne suis pas déçue. Tu sais, on a chacun des défauts et c'est ce qui fait de nous des personnes comme les autres. La première étape est de se remettre en question, et c'est ce que tu as fait. Je suis fière de toi. Alors, maintenant, il ne reste plus qu'à faire plus d'efforts... Je crois en toi. »

Touché par le monologue de son aînée, John la regarda dans les yeux. Elle avait toujours ce sourire chaleureux.

« Tu crois en moi... ? répéta-t-il, incrédule.

- Bien-sûr ! assura-t-elle. Avec de la volonté, on peut arriver à tout. Il te suffit d'avoir un objectif clair et précis. »

Elle fit une recherche rapide avec son téléphone et lui montra la photo d'un homme en très bonne condition physique.

« Avec assez de détermination, tu peux devenir comme lui, promit-elle.

- Tu... tu crois vraiment que je peux devenir aussi costaud ?

- Évidemment ! » sourit-elle.

Persuadé, John se jura d'avoir une vie plus saine. Ce fut difficile, mais petit à petit, il arrêta de manger la viande néfaste et se mit au sport. La tendresse de sa sœur était pour lui une source inépuisable de motivation.

***


Il doit être environ trois heures du matin. Mais John n'a pas sommeil.

Après s'être nourri et soigné, il est posé sur le lit de sa chambre, furieux.

Une ombre se dessine devant ses yeux. Bodybuildée, tellement grande qu'elle atteint le plafond, elle s'adresse à John :

« Tu t'es assez reposé. Il est temps d'aller faire payer à ces mioches qui ont osé te défier. En plus, ils se sont rangés du côté d'une des meurtrières de ta sœur... c'est impardonnable. »

Le courroux de John s'exacerbe. Il défait ses bandages et les jette sauvagement dans la poubelle en plastique. Puis, il se dirige d'un pas décidé vers la porte.

« Oui... ils vont tous le payer » rumine-t-il.

***


Au même moment, Trash reprend conscience. Annie et lui sont enchaînés près de Cammy, contre le mur crasseux de la cave. Il se sent extrêmement fatigué et comprend que John leur a injecté la drogue.

Il tourne son regard vers Annie, qui a une mine déconfite, puis en direction de Cammy, ayant un air las, voire vide. Il est aussitôt submergé par le remord.

« Je suis désolé... balbutie-t-il. On a merdé... pas vrai ? »

Annie hoche de la tête.

« C'est vrai que... vous auriez pu deviner qu'il aurait l'avantage dans sa cave... et qu'il aurait installé une tonne de mégas pièges... » murmure faiblement Cammy.

Les deux adolescents se sentent encore plus dégoûtés d'eux-mêmes.

« Mais, hey, vous en faites pas... poursuit-elle. Il faut commettre des erreurs pour apprendre... »

Trash et Annie haussent leurs sourcils. Cammy ajoute :

« La dernière fois qu'on s'est vu, ça s'est mal passé... Vous auriez pu me laisser crever... Malgré notre dispute... vous êtes quand-même venus et avez essayé de me sauver... Votre adversaire était cheaté, mais vous avez tout donné... Alors, merci, les gars. »

Elle leur adresse un sourire franc qui réchauffe leur cœur. Fortement surpris, ils laissent ensuite échapper un léger sourire.

« Pourquoi ça m'étonne de ta part... ? dit le garçon. Cammy... tu as avancé que tuer les gens ne nous rendrait pas heureux, tu t'en souviens ? Alors, à ton avis, qu'est-ce qui rend heureux ? »

Elle se donne un instant de réflexion.

« Je ne sais pas... avoue-t-elle. Le bonheur, ça ne vient pas sur commande... mais je suis sûre d'une chose... Un bonheur gagné en faisant du mal aux gens... c'est comme remporter une partie en trichant... c'est se voiler la face... »

Trash et Annie sont captivés par le monologue. Mais ils ne donnent pas d'avis.

« Je savais que tu dirais un truc comme ça... Vas-tu nous pardonner... ? répète le garçon.

- Ne vous excusez pas... »

Les deux adolescents s'échangent un regard, puis leur visage s'assombrit. Cammy est déroutée.

« C'est pas pour ça que je m'excuse... précise Trash. Annie a... »

Il se fait soudain interrompre par la porte qui grince. John entre en les dévisageant d'un sourire narquois, derrière son masque.

« Ça fait longtemps que je n'avais pas eu autant d'invités dans ma cave... mais plus on est de fous, plus on rit » se moque John.

Il marche en direction de Trash. Le voir aussi vulnérable le fait exulter.

« Je te félicite, provoque John. Pour la bonne nouvelle, c'est la première fois qu'un adversaire me pose autant de difficultés, alors, réjouis-toi. Mais pour la mauvaise nouvelle, tu vas prendre très cher pour avoir abimé ma tronche. »

Cammy reprend son air neutre. Mais Trash et Annie lancent un regard empli de véhémence au colosse.

« Ouais amuse-toi bien... rétorque le garçon. Mais sache une chose. Un jour, tu vas payer pour tout ce que tu as fait à Cammy, et pour chaque insulte que tu leur as balancées, à elle et Annie. Un jour, tu vas crever dans d'atroces souffrances, et à ce moment-là, tu regretteras d'être né... Tu saisis ?! »

John ne se laisse pas intimider par le discours débordant de haine. Il approche dangereusement sa main massive en direction du garçon.

« Arrête... ! tente d'intervenir Cammy. Tu n'as pas honte... ? Ce sont encore des enfants... !

- Ouais, des gosses assez forts pour éclater ma mâchoire... Ferme ta gueule et reste en dehors de ça. C'est ton jour de chance, je vais te donner un peu de répit. Ces enculés vont regretter de s'être mis sur ma route » crache John, ne cachant pas sa rancune.

Cammy cherche rapidement une solution.

« Non... laisse-les... c'est pour moi qu'ils sont venus... alors, je veux bien payer à leur place... » propose-t-elle.

John se tourne vers son interlocutrice, intéressé.

« Vraiment ? Tu es sûre de ce que tu dis ? questionne le tortionnaire.

- Ouais... ! Fais-moi ce que tu veux... ! » confirme-t-elle.

John émet un ricanement inquiétant.

« Très bien, accepte-t-il. Mais à une condition. Tu vas prendre une drogue qui a l'effet contraire d'un anesthésiant. Ça triple immédiatement la douleur. Si tu es prête à encaisser ça pour eux, je les épargne avec plaisir. »

Les adolescents ont les yeux ronds. Trash réagit, offusqué :

« Idiote ! T'as pas à faire ça... Arrê...

- Ok... ça marche », conclut Cammy.

Trash et Annie sont catastrophés.

« Cammy, fais pas la têtue ! On n'est pas des gamins ! Pourquoi tu ne me laisses pas au moins assumer ?! »

Cammy ne répond pas, impassible. John récupère une seringue sur la table. Il injecte le liquide dans l'organisme de la jeune femme.

« Je ne voulais pas utiliser ce truc sur toi, parce que je préfère prendre mon temps. Ça aurait été dommage de te faire perdre la raison trop vite... Mais vu que j'ai maintenant d'autres jouets à ma disposition, ce n'est pas grave d'en perdre un. Ah, j'ai oublié de préciser. Je ne veux pas entendre de cris. Au moindre gémissement, les gamins vont déguster » complète John.

Un moyen de la faire céder à la démence plus vite.

« Enfoiré, t'aurais pas pu le dire plus tôt ?! s'énerve Trash.

- Ça va... c'est pas bien grave... » se résigne calmement Cammy.

John approche dangereusement sa main massive en direction de Cammy.

Les adolescents sont consternés.

John ne perd pas de temps. Il brise l'orteil frêle de la jeune femme dans un craquement glaçant. Elle se contente de grimacer et contracter sa mâchoire.

Il s'attaque ensuite aux neuf autres. Cammy ferme ses yeux et avale difficilement sa salive. Le carnage se termine sans qu'elle ne laisse échapper le moindre son.

John en reste bouche bée. Il se saisit ensuite d'un objet tranchant sur la table.

Il commence à mutiler la jambe de Cammy. Son visage se tord de douleur. Elle serre ses dents. Contracte son poing aussi fort qu'elle le peut.

Les seuls bruits qui résonnent dans la pièce sont ceux de sa chair se faisant déchirer, ses os qui se font fragmenter.

John jubile, tandis que Cammy vit un supplice, ou plutôt un cauchemar.

Non...

Il n'existe pas de mot pour décrire ce qu'elle subit.

Trash et Annie assistent à la scène, effondrés. L'adolescente fond en larmes.

S'il ne peut même pas à peine imaginer la douleur que Cammy endure, toute l'âme de Trash ressent la violence du spectacle abominable qui se produit sous ses yeux. Incapable de le supporter, il se débat de toutes ses forces en vain et hurle :

« Arrête ça, enflure ! Arrête ! Je vais te tuer ! T'entends ?! Je vais te détruire !!! T'entends ?!!

- Ça suffit... Berthold... Tu crois... que j'ai envie de t'entendre... dire ça... ? » demande Cammy, la voix tremblante.

Trash arrête de se tortiller. Il regarde Cammy, dans l'incompréhension la plus totale. Il frémit.

« Pourquoi... pourquoi tu t'obliges à supporter tout ça... ? questionne le garçon.

- Parce que... je sais que vous ne tuez pas... juste pour tuer... Vous avez dû beaucoup en baver pour... en arriver là... Et je ne veux pas vous voir souffrir davantage... Je... je refuse que quiconque... subisse... ce que j'ai vécu... dans cette salle... »

Elle lui adresse un regard mélancolique, mélangeant souffrance et compassion.

Le garçon ne peut plus se retenir. Sa gorge se noue. Ses yeux se noient. Sa vue se brouille. Il pleure à chaudes larmes.

« Cammy... tu es vraiment.... une personne formidable... » pense-t-il.

Loin de se laisser attendrir, John continue de s'acharner sur elle. La jambe mutilée de Cammy finit par se détacher de son corps, jusqu'au genou.

John plonge ses yeux dans ceux de Cammy. Alors qu'il s'attendait à y voir ne serait-ce qu'une infime expression de désespoir, c'est tout le contraire.

Il discerne toujours en elle ce désir ardent de lutter.

John rigole à gorge déployée. Son extase atteint son paroxysme. Il attrape Cammy par la joue.

« J'aime les gens comme toi... Ceux qui ne se laissent pas briser facilement. Plus tu montreras de la combativité, plus je prendrai plaisir à te détruire à petit feu et... »

John s'arrête soudain, abasourdi. Un lourd crissement se fait entendre.

La porte s'ouvre.

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