Chapitre 70 : La visite

Cammy accepta de se faire torturer à la place de Trash et Annie. Ces derniers, impuissants, étaient effondrés. Mais tout à coup, la porte de la cave s'ouvrit.

***


John et Cammy jettent un regard surpris en direction de l'ouverture. L'individu entre. Lorsque le tortionnaire le voit, il en perd la voix un instant

Le jeune homme portant toujours des lunettes de soleil fait son apparition, le regard grave. Contrairement aux autres, Trash et Annie ne semblent pas spécialement surpris.

« Alex ?! » s'étrangle John.

Cammy se met à réfléchir, ayant déjà entendu ce prénom. Elle ne tarde pas à se rappeler qu'il s'agit du frère de John.

Alex s'avance vers Cammy, ignorant John. Voyant son état déplorable, il n'arrive pas à cacher un air désolé.

« Des bandages... vite ! demande Alex.

- Alex, qu'est-ce que tu fais là ?! s'exclame John.

- On en parlera plus tard ! Dépêche-toi ! » insiste son petit frère.

John quitte la pièce en grognant.

Trash et Annie sont étonnés de la réaction d'Alex. Ils s'attendaient à ce qu'il fasse une plaisanterie pour dédramatiser la situation, mais il n'en est rien. La cave est dans un silence total. Le voir aussi sérieux est déstabilisant.

John revient avec le matériel demandé, à contrecœur. Alex stoppe rapidement l'hémorragie de Cammy, qui ne se retient plus de gémir de douleur.

« Il faut qu'on parle, tous les deux, invite le petit frère.

- En effet, on a un paquet de choses à se dire », rouspète John.

Ils quittent la salle.

Cammy lance un regard interrogateur aux deux adolescents. Trash s'explique en balbutiant :

« Juste par précaution... Annie a concentré un peu de son Drive dans la chemise de Skill... Alors, dès qu'elle a repris connaissance, elle a activé sa technique pour lui envoyer un signal... Il a sûrement envoyé Alex à notre rescousse... Tu vas bientôt revoir Skill.

- C'est donc pour ça que tu voulais t'excuser ? »

Annie hoche de la tête. Les deux adolescents ont un visage sombre.

Cammy prend le temps d'analyser l'information. Après avoir envisagé toutes les issues possibles, elle en vient à la conclusion :

« Tu veux dire que je vais bientôt crever... ? »

Elle en tremble de tout son corps. Rares sont les fois où elle a connu une peur aussi viscérale.

***


John s'installe dans l'un des sofas du salon, tandis qu'Alex reste debout, les bras croisés. Ils se font face.

Contrairement à la cave sombre où régnaient odeur putride et hygiène nauséeuse, la salle, bien éclairée est d'une propreté admirable. Des portraits de leur famille sont accrochés sur les murs blancs.

Alex entame sèchement la conversation :

« Tu te rends compte à quel point ce que tu fais est grave ?!

- Et en quoi est-ce mal ? se défend vigoureusement le grand-frère. Ne te fie pas à sa petite bouille mignonne. Elle fait partie de ceux qui ont tué Alice ! »

Alex hausse le ton, révolté :

« Ah ouais ?! Et les autres cadavres ?!

- Ce sont pas tes affaires !! » s'exclame John, sur la défensive.

Alex se sent de plus en plus outré.

« Et tu crois que je vais laisser passer ça, comme ça ?! Ne cherche pas à esquiver ! s'écrie Alex.

- C'est plutôt toi qui esquives, tu crois que je n'ai pas remarqué ?! »

Le petit frère plisse ses yeux, confus. John enchaîne, fortement irrité :

« Tu as beau essayer de te cacher derrière tes lunettes, je l'ai vu. Comment est-ce que tu peux avoir de la pitié pour tes ennemis ? J'avais déjà senti ça en toi, mais je pensais pas que c'était aussi fort que ça. C'est la première fois que je vois un assassin manquant de crédibilité à un tel point... que j'en viens à me dire que t'as rien à foutre dans l'équipe de Skill.

- Oui, en effet, j'ai eu pitié, et alors ? Cette meuf est mon ennemi, mais ça reste un putain d'individu, comme toi et moi ! Tu sais très bien que je déteste faire souffrir juste pour faire souffrir ! rétorque Alex, offusqué. Quand on me confie une mission, je nettoie vite-fait, bien fait. Je ne vais jamais torturer, juste pour m'amuser !

- Donc tu ne veux pas te venger ?

- Absolument pas. Skill ne les traque pas seulement par vengeance. Ils le gênent dans ses plans, c'est tout » affirme Alex.

John se lève et se rapproche de son frère. Ils se fusillent du regard. Submergés par la colère, chacun tente de dévorer l'autre avec leurs yeux menaçants.

« Tu mens, devine John. Je sais que tu en meurs d'envie, mais tu préfères t'accrocher à tes principes de merde. Tu vas me faire croire que la mort d'Alice ne te fait rien ?

- C'est ça, confirme Alex.

- Qui est-ce que tu prends pour un con ? Tu crois que j'ai pas capté ? Devant Skill, tu faisais semblant de ne rien sentir, comme si tu t'en foutais. Mais en réalité, tu cherchais à ne pas montrer ta tristesse, pour ne pas que Skill se sente encore plus coupable. C'est un putain de dépressif et tu voulais pas en rajouter une couche. Mais ça a servi à rien, parce qu'on a tous compris ta mascarade !

- Arrête d'imiter Agiel avec tes monologues de psy à deux balles, mec... ! » s'emporte Alex.

Loin d'abandonner, John décroche un des cadres sur le mur et le montre à son interlocuteur. Une photo de lui, Alex, Alice et leurs parents, à l'intérieur de leur ancienne maison. Ils étaient tous les trois adolescents.

Alex tente de détourner le regard, mais ce serait avouer sa faiblesse. Il s'arme de son courage et fixe l'image.

« Dis-le... défie John. Dis que la mort d'Alice ne te fait rien. »

Alex écarte ses lèvres, s'apprêtant à réitérer ses propos. Mais voir le sourire resplendissant de sa sœur le paralyse. Tout un tas de souvenirs assaillent son esprit en désordre.

Leurs disputes, ses conseils avisés, quand il a appris le vélo, quand elle l'aidait avec les exercices de mathématiques, quand elle venait le chercher à l'école en primaire, leurs fous rires, leurs batailles de boules de neige, d'éclaboussures à la plage, les soirées jeux de société...

Les démons du passé l'attaquent, impitoyables. Il tente de répondre à la demande de John, mais sa gorge se noue. Il essaie maintes fois de faire réapparaître le masque, mais c'est impossible.

Il se mord la lèvre, renifle, passe sa main sur son visage. Ses muscles refusent de l'obéir. Les larmes coulent d'elles-mêmes.

John retire les lunettes, la seule protection qui lui restait. Il constate, satisfait, le visage rempli de cernes d'un homme dévasté par la disparition de sa sœur.

Alex saisit le cadre. Dans un hurlement sinistre, il jette furieusement l'objet sur le sol et l'écrase avec son talon. Il ne se retient plus et laisse le liquide salé couler, jusqu'à en avoir mal au crâne.

***


Ce défoulement lui a fait du bien. Ses larmes séchées, Alex récupère calmement ses lunettes.

« Alors, interroge John, assis confortablement dans son sofa. Tu veux toujours jouer à l'assassin avec un code ?

- Au diable, tout ça... Je ne me sentirai pas bien, tant qu'ils n'auront pas payé. »

John est ravi de voir Alex avec ce regard noir. Ils partent en direction de la cave.

Une fois arrivés à leur destination, ils tombent sur une Cammy désabusée. John constate que toute combativité dans ses yeux a disparu.

« D'une pierre deux coups » se dit le tortionnaire, fier.

Alex récupère un objet tranchant sur la table. Trash et Annie sont consternés. L'humaine secoue frénétiquement la tête.

« Attends... intervient Trash. Et si tu te calmais un peu... ?! »

Alex n'y prête pas attention et s'avance lentement vers Cammy.

Puis, brusquement, il décharge un coup de poing aussi fulgurant que puissant dans la figure de John. Les deux adolescents, d'abord ébahis, soufflent de soulagement.

Néanmoins, bien que sa joue gonflée lui fasse très mal, John est encore conscient.

« Toujours aussi résistant... constate Alex.

- À quoi tu joues, bordel ?! » s'énerve John.

Alex serre ses poings, faisant ressortir les veines, tels d'immenses fleuves sanguins parcourant ses mains. John se rend compte que la rage de son frère n'est pas contre Cammy, mais plutôt lui.

« T'as réellement cru qu'Alice serait heureuse si elle apprenait que tu la venges de cette manière ?! gronde Alex. Peu importe à quel point une créature est immonde, tu ne vaux pas mieux qu'elle si tu prends du plaisir à la faire souffrir. Alice aurait tellement honte de toi...

- Alex, calme-toi ! On est frè...

- Disparais ! »

John essaie de se relever, mais ses membres n'ont plus aucune utilité. Chaque fois qu'il veut se tenir debout, il perd l'équilibre.

« Eh merde... ! Ce foutu pouvoir ! » pense John, acculé au sol.

Alex s'apprête à passer à l'attaque, mais le sol s'ouvre. John se laisse absorber et le trou se referme. Alex fend la terre à son tour et se met à sa poursuite.

Après quelques minutes, il ressort bredouille.

« Qu'est-ce qu'il est fort pour détaler, celui-là... » maugrée Alex, couvert de poussière.

Tout s'est passé tellement vite...

L'idée que John se promène désormais dans la nature tracasse Alex et les adolescents. Ils contractent leur mâchoire de colère et de frustration.

Mais une autre réflexion préoccupe Trash :

« Je ne sais pas quelle est la nature de la capacité d'Alex, mais ce type est dangereux... Je ferais mieux de chercher un moyen de la contrer... Que faire ? »

Alex se dirige vers les trois détenus. Il essuie ses vêtements et prend un air moins grave.

« Encore une fois, vous avez pas assuré, les bleus. Comment vous avez pu vous faire avoir par ce type, sérieux ? taquine-t-il

- Peut-être parce que je n'ai pas de pouvoir spécialement cheaté... ? » ironise Trash.

Alex se contente de faire un rictus narquois. Il brise les chaînes des adolescents. Les poignets rouges et toujours endoloris, ils se sentent légèrement soulagés.

Alex se tourne ensuite vers le regard blasé de Cammy.

« Je sais que c'est pas ce que tu aimerais entendre après toutes les misères que tu as traversées ici... mais tu vas nous suivre bien gentiment, dit-il simplement.

- J'ai comme une impression de déjà-vu... C'est pas comme si je pouvais refuser... » se résigne-t-elle.

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