Chapitre 60 : Trash et Annie

À la suite d'un combat acharné, Cammy ne réussit pas à vaincre Berthold et Annie. Après avoir assisté, impuissante, au massacre de cinq membres de la brigade, elle perdit connaissance.

***


Trash, qui signifie littéralement ordure, fut le prénom qui avait été donné au garçon surnommé Berthold. Sa mère était humaine et son père un nigh.

La mère de Trash mourut en lui donnant naissance. Le père de l'enfant était dévasté. Dès ce jour, il avait vu en ce bébé un être de mauvais augure et décida de le prénommer ainsi. Il voulut même se débarrasser du nouveau-né.

La sœur du jeune père comprenait sa peine, mais le supplia de ne pas faire du mal à son fils. Grâce à sa douceur, elle parvint à le convaincre.

La tante de Trash s'occupait de son allaitement durant les douze premiers mois de son existence. Elle passait beaucoup de temps avec lui et était à la fois comme une mère et un père, car le parent biologique de l'enfant ne daignait même pas s'approcher de son fils.

Lorsque Trash avait trois ans, sa tante décida de partir en voyage d'affaires. Elle demanda à son frère de se comporter enfin en bon père et s'occuper correctement de lui. D'abord réticent, le géniteur lui promit de faire des efforts.

Cependant, le même jour, il apprit aux informations que l'avion pris par sa sœur avait subi un crash. Tous les passagers étaient décédés.

L'adulte était complètement effondré. Il avait perdu deux femmes ayant une place inestimable dans son cœur. Il passa des heures à pleurer.

Finalement, il sécha ses larmes. Il alla trouver Trash dans sa chambre. Le petit était entouré de jouets, mais ne montrait aucune joie et était étrangement calme. L'enfant prit peur rien qu'en le voyant. Il savait qu'il était en danger. Effrayé, il essaya de s'enfuir, mais son père ne lui laissa pas cette chance. Il saisit fermement le bras de son fils, avant de le gifler sans retenue.

Trash ne comprenait pas ce qui se passait. Il posa une main sur sa joue rougie. C'était la première fois qu'il ressentait une douleur physique pareille. Les larmes commencèrent à déborder avant de ruisseler sur son visage.

Pour son père, Trash était l'unique responsable de la disparition de sa sœur et de sa femme. L'enfant n'était que porteur de malchance.

Pour la mémoire de sa sœur, l'adulte décida de garder son fils et de s'occuper de lui. Mais c'est à partir de ce jour que Trash était battu à chaque fois que son père était de mauvaise humeur.

Le garçon attendait le retour de sa tante sans savoir qu'il ne la reverrait plus jamais. Lorsqu'il comprit la réalité, il se noya dans le chagrin, n'ayant personne pour le consoler.

***


À l'école, les camarades de Trash ne se retenaient pas pour se moquer de son prénom. Il était un élève très moyen. Et pour cause, sa maltraitance quotidienne. À chaque fois qu'il s'approchait du portail de son domicile, il tremblait. L'être qui lui avait donné la vie était son bourreau. Sa maison n'était pas un foyer chaleureux, mais plutôt une prison infernale où il était châtié sans en savoir la raison.

Les nigh grandissant dans un environnement où personne n'utilise de pouvoirs sont influencés et ont beaucoup de mal à éveiller les leurs.  Sachant cela, le père de Trash n'avait rien à craindre.

Lorsqu'il ramenait de mauvaises notes, son père était furieux et n'hésitait pas à le lui faire regretter. C'était devenu un cercle vicieux et il n'avait le courage de se confier à personne.

Il réussissait chaque année à passer de justesse. C'est lorsqu'il avait onze ans que sa vie prit un tournant.

Un jour, lorsqu'il était en sixième au collège, il fut chargé de travailler sur un exposé. Dans son groupe, il y avait une élève très discrète et sans amis. Le lendemain, ils se réunirent à la bibliothèque de l'établissement. Alors qu'ils étaient censés être quatre, seulement lui et la jeune fille étaient venus. La pièce était vide. Seuls les nombreux livres leur tenaient compagnie.

Dépité, il lui fit part des informations qu'il avait récoltées.

« Tu... tu as fait des recherches ? s'étonna-t-elle.

— Bah ouais, c'est un taf de groupe, non ? maugréa-t-il.

— D'habitude, à chaque fois que je suis dans un groupe, je suis la seule à faire tout le travail, soupira-t-elle.

— Quelle bande de nuls... grommela-t-il. C'est pas parce que t'es miss première de la classe que tu es une machine à tout faire ! Et toi, réagis, pourquoi tu ne les pousses pas à bosser ? »

Elle gloussa. Trash se renfrogna encore plus :

« Pourquoi tu te marres ?!

— Tu penses que c'est aussi facile ? Un paresseux restera toujours un paresseux, se résigna-t-elle en haussant les épaules.

— Annie, c'est ça ? T'inquiète, laisse-moi gérer. Je vais ramener leurs culs tout de suite, tu veux parier ? rouspéta-t-il en se levant.

— Non, non, ce n'est pas la peine ! sursauta Annie, redoutant une bagarre. Tant pis pour eux. »

Trash grogna, très contrarié, mais se mit au travail. Le courant passait bien entre eux. Une fois terminé, ils continuèrent à discuter de sujets banals, avant de rentrer chacun chez soi.

Trash avait adoré ce moment passé en sa compagnie. Le lendemain, ils se retrouvèrent à l'école et se remirent à converser de tout et de rien. Ils se connaissaient à peine, mais s'entendaient très bien. Il suffisait au garçon de voir Annie pour être de bonne humeur, malgré ce qu'il vivait.

Quelques semaines après leur rencontre, Trash et son amie étaient assis sur un banc, dans la cour du collège. Il lui proposa, enthousiaste :

« Et si on se voyait ce week-end ? Ça serait bien qu'on se rencontre en dehors de l'école, non ? »

Annie baissa les yeux. Elle aurait beaucoup aimé. Une expression de tristesse qu'elle ne parvenait pas à dissimuler s'afficha sur son visage. Elle répondit d'une petite voix pour cacher son affliction :

« Désolée, je ne peux pas. Ma mère me met beaucoup la pression pour que je sois la meilleure à l'école. Pour elle, je dois travailler sans relâche. Pas de divertissement. Mes seuls amis, à part toi, sont les livres, les cahiers et mes dessins. Je n'ai le droit de sortir que pour aller au collège. En plus, je suis orpheline depuis toute petite. Récemment, elle a commencé à sortir avec un homme qui est aussi sévère qu'elle...

— Ils te mettent la pression à deux, maintenant ?! s'offusqua-t-il.

— Oui... » avoua-t-elle.

Trash serra les poings. Une réflexion traversa son esprit. Il s'adressa à elle, fortement indigné :

« Est-ce qu'ils te frappent ? »

D'abord surprise par sa question, Annie détourna le regard. Elle sembla apeurée et bredouilla :

« Ne... Non, non... ils me grondent seu-seulement, quand j'ai de mauvais résultats... »

Trash fronça les sourcils, incrédule. La sonnerie annonçant la fin de la récréation sonna. Annie retourna vite en classe, comme pour fuir la conversation. Il choisit de ne pas insister.

***


Deux ans
plus tard, leur lien d'amitié demeurait extrêmement solide. Il leur arrivait de se disputer, mais lorsqu'ils se réconciliaient, leur relation se renforçait. Annie était la seule personne pour qui Trash ressentait de l'affection. Sans elle, il n'aurait pu supporter les tourments de son quotidien.

Néanmoins, plus le temps passait, plus Trash se faisait briser. Son père avait cessé de le battre avec ses poings. Il le fouettait jusqu'au sang. Afin que sa maltraitance ne soit pas visible, il ne s'attaquait qu'à son dos. D'horribles cicatrices étaient alors visibles lorsqu'il enlevait ses vêtements.

Il faisait fréquemment des cauchemars dans lesquels son père s'invitait pour perpétuer les supplices qu'il subissait pendant la journée. Trash le savait, il ne résisterait pas longtemps avant de céder à la démence.

Trash et Annie avaient treize ans. L'impact de la torture du garçon était de plus en plus visible, ce qui inquiétait son amie. Ils étaient assis sur leur banc habituel pendant la récréation. Il ne disait rien et était recroquevillé sur lui-même.

Elle passa sa main sur le dos encore endolori du garçon, à cause des nombreuses plaies qu'il s'était faites, ce matin-là. Cela apaisa légèrement Trash. Elle lui sourit mélancoliquement.

« Ça va aller. Je suis sûre que tous nos tourments finiront un jour.

— Mouais... quand ? » bougonna-t-il, peu convaincu.

Un blanc gênant s'installa. Annie changea de sujet, s'efforçant de lui sourire :

« Hier, je suis tombée sur un livre fantastique. Tu veux...

— Tu penses me remonter le moral avec ça... ? » soupira-t-il.

— Je t'assure, jette juste un coup d'œil. Tu ne vas pas le regretter » insista-t-elle.

Elle lui tendit son écran, déterminée. Il fronça les sourcils et lut :

« Mésaventures d'une aventurière, de CammyBl, hein ? »

Il saisit l'appareil et parcourut rapidement le prologue. Il écarquilla ses yeux, impressionné. Annie lui fit un rictus victorieux.

Trash se racla la gorge et fit mine de prendre un air désintéressé :

« Hmph, ce n'est que le prologue, tu penses que ça vaut la peine de s'emballer ?

— Lis la suite, tu verras. Tu vas m'acheter du chocolat, si j'ai raison, taquina-t-elle.

— Rien que l'odeur me fait gerber, tu n'as pas pitié de moi ? » cracha-t-il.

Ils rigolèrent et oublièrent un moment leurs soucis.

Le soir, lorsqu'il rentra chez lui, Trash profita des quelques heures durant lesquelles son père était au travail. Son absence était toujours un soulagement.

Curieux de découvrir cette histoire qui fascinait tant son amie, Trash continua la lecture du roman. Il ne se doutait pas, à ce moment-là, que sa vie allait de nouveau basculer.

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