Chapitre 58 : Protection

Rappel : dans le chapitre 6, Cammy était bouleversée en apprenant la vérité sur la brigade. Perdue dans ses pensées, elle fixait un garçon depuis un moment sans le savoir. Lorsqu'elle s'en est rendue compte, très gênée, elle s'est empressée de partir. Mais le jeune homme ne l'a pas quittée des yeux.

***


Cammy fit la rencontre de Berthold et Annie, des fans ayant tenté de la convaincre à rejoindre Skill. Après son refus, ils dévoilèrent leurs réelles intentions et assassinèrent tous les humains présents dans le restaurant pour illustrer leurs propos.

***


« Depuis, je ne fais plus aucun cauchemar, je suis serein. Alors, Cammy, veux-tu te joindre à nous ? » interroge le garçon, impatient de sa réponse.

L'humaine et Berthold fixent Cammy, assise, d'un regard pervers.

« UN NIGH !!! » hurle une voix à l'extérieur.

Aussitôt, toutes les personnes présentes dans la rue s'exclament d'effroi. C'est le chaos. Le regard terrifié, tous s'enfuient, courant aussi vite qu'ils le peuvent dans un son assourdissant.

Cammy regarde autour d'elle, horrifiée. Le sang qui coule partout dans l'établissement, ces organes internes et externes se répandant sur chaque carreau du sol. Elle en a la nausée.

Elle jette ensuite un coup d'œil aux auteurs de tout ce désordre. Bien décidée à se montrer ferme, elle leur hurle dessus dans l'espoir de les conscientiser :

« Me joindre à vous ? C'est quoi votre plan, démolir tous les gens que vous croisez pour avoir la paix ? C'est n'importe quoi ! Au contraire, vous faites qu'alimenter la haine des autres personnes qui vont chercher à se venger. Comptez pas sur moi !! »

Les deux adolescents sont étonnés. Ils ne s'attendaient pas à un refus aussi courroucé. Berthold cligne des yeux plusieurs fois. Refusant de l'admettre, il réitère :

« Tu... tu en es sûre... ? Et si tu réfléchissais... ? »

Il tend son bras vers Cammy, mais celle-ci, dans un mouvement de colère, le repousse du revers de sa main.

« Vous perdez votre temps, affirme-t-elle catégoriquement. Si vous me connaissiez vraiment, vous auriez su qu'il y a aucune chance que je vous rejoigne. Ouvrez les yeux, ce que vous faites est débilement absurde, arrêtez ça !! »

Une pensée traverse l'esprit de Cammy. Les deux adolescents savent ce qu'ils risquent si Skill découvre les massacres qu'ils commettent. Pourtant, ils le font sans se cacher. Ils doivent avoir au moins pris des précautions.

Elle comprend tout de suite, ils portent peut-être des masques. Elle utilise son pouvoir de l'opposé.

Berthold et Annie passent de masqués à démasqués.

Le garçon dévoile son visage fin, petit nez, ses minces yeux marron et ses courts cheveux d'un bleu sombre. Il porte un pull chaud à capuche et aux manches longues.

La fille, quant à elle, présente des joues rondes, un long nez, de gros yeux bleus et des cheveux blonds bouclés qui s'étendent jusqu'à l'épaule.

Les deux adolescents sont éberlués, autant par le rejet de Cammy, que leur apparence dévoilée.

« T... toi... ! constate Cammy, surprise. On s'est rencontrés l'autre jour, pourquoi tu ne m'as pas adressé la parole, à ce moment-là ?

— Il fallait qu'on prépare notre argumentaire. Tu t'attendais à quoi, que je vienne, en parfait inconnu, te balancer : Eh salut, on va commettre des meurtres de masse ensemble ? ironise-t-il, dépité.

— Vous avez aussi utilisé des faux noms, je parie, devine-t-elle.

— Pas totalement. Annie est son vrai prénom... Quant au mien, je comptais te le dévoiler une fois sûr que tu serais de notre côté. Mais puisque c'est comme ça... pourquoi je devrais te le dire... ? »

L'humaine et Berthold baissent les yeux, désillusionnés. Ils ne voulaient pas envisager la possibilité du refus, mais ils ne peuvent manifestement rien faire de plus.

La salle reste silencieuse. Seuls les cris affolés, à l'extérieur, perturbent le calme. Les adolescents sont plus que déçus, ils ressentent du chagrin.

Au bout de quelques secondes, Annie dépose sa main sur l'épaule de Berthold. Celui-ci regarde en sa direction. Le signe qu'elle effectue est d'une brutalité telle que Cammy en reste pantoise.

Elle imite avec son index, un geste de gorge tranchée.

Berthold, lui aussi, est surpris par la décision radicale de son ami. Mais il répond, le ton amer :

« ... Tu as raison. Si elle ne veut pas être de notre côté, elle n'est pas différente des autres menaces. On doit l'éliminer... n'est-ce pas... ? »

Il lève le poing, hésitant, tremblant. Un poing vide de toute combativité. Grinçant des dents, seule sa tristesse se manifeste. Annie le pousse dans le dos. Il se retourne.

Il écarquille ses yeux de stupeur. Le regard de son amie est tout aussi affligé, néanmoins, on peut également y voir une cruelle détermination.

Personne ne leur empêchera de tracer leur route.

Berthold, galvanisé, hoche la tête, bien décidé à éradiquer toute menace. L'humaine s'écarte alors au coin d'un mur, sachant qu'elle peut lui faire confiance.

Cammy reste interdite. Berthold, sans dire un mot, se jette sur sa nouvelle ennemie.

Sa cible se tape les joues pour reprendre ses esprits. Elle s'éjecte de la chaise qui finit en lambeaux sous le poing de son adversaire. Berthold continue sa charge plus vite qu'elle ne le pensait. La surprenant, il lui donne plusieurs gauches légères au visage, qu'elle encaisse toutes.

Il se baisse ensuite et lui administre plusieurs droites beaucoup plus puissantes au foie. Elle se plie en deux sous l'effet de la douleur. Il enchaîne avec une droite herculéenne dans la mâchoire.

Cammy l'encaisse de plein fouet et est propulsée à l'autre bout du restaurant. Alors que son corps s'apprêtait à détruire le mur pour sortir du bâtiment, elle utilise sa capacité. Changeant sa trajectoire pour suivre la direction opposée, elle revient s'écraser au milieu de la pièce.

Elle regarde par la fenêtre, voyant qu'il y a encore de nombreux passants qui prennent la fuite.

Cammy se relève, la joue enflée et la bouche en sang. Alors que Berthold, malgré son regard mélancolique, montre dans ses yeux une féroce détermination, son adversaire semble perdue, l'esprit ailleurs.

Elle tente une offensive à son tour. Cammy donne un coup de poing assez rapide, mais se fait stopper net dans son attaque par une droite à la vélocité vertigineuse en plein visage.

« Un counter ?! » pense-t-elle, prise de court.

En boxe, un counter est une technique qui consiste à contrer un adversaire en pleine offensive en le frappant avant d'être touché par son poing, ce qui a pour effet de retourner sa force contre lui.

Elle se fait à nouveau projeter, mais avant d'être éjectée hors du restaurant, utilise à nouveau son pouvoir pour revenir au centre. Ayant sans doute les os du nez brisés, elle saigne abondamment des narines.

Comprenant qu'elle n'est pas en état pour l'affronter au corps à corps, elle s'éloigne rapidement de lui. Elle saisit trois assiettes sales dans lesquelles elle concentre son Drive, puis les balance sur Berthold.

Les ustensiles, propulsés à une très grande vitesse, sont extrêmement tranchants. Cependant, le garçon esquive sans difficulté. Avec son pouce et son index, il attrape minutieusement le bout des objets sans se blesser.

C'est avec une dextérité remarquable qu'il renvoie les assiettes une à une sur son ennemie d'une vitesse moyenne. En espérant le surprendre, Cammy fait changer la trajectoire des objets, qui sont de nouveau retournés contre Berthold, dans la direction opposée.

Mais ce dernier s'y attendait. D'une habileté déconcertante, il répète les mêmes mouvements. Cependant, cette fois, il manie les projectiles avec une célérité telle, que Cammy est surprise par la vitesse à laquelle ils lui sont renvoyés.

Elle les évite de justesse, mais se fait frôler. Sa joue et le bas de son ventre se font entailler. Berthold ne s'arrête pas là. Extrêmement concentré, il récupère de nouvelles assiettes sur le sol.

Avant qu'il ne les lance sur elle, Cammy plonge urgemment au sol, glisse sur l'épaule et se réfugie derrière une table renversée. Berthold propulse ses projectiles.

Elle s'adosse contre la table pour y concentrer son Drive, formant un bouclier. Malgré la vitesse impressionnante à laquelle les ustensiles sont lancés, ils se plantent dans la barrière en bois et n'atteignent pas Cammy.

Dos tourné à son adversaire, elle se laisse distraire quelques secondes.

« Ce qu'ils font... est horrible... mais... mais peut-être qu'ils ont raison, quelque part... ? »

Songeuse, elle ne remarque pas Berthold qui apparaît sur le côté. Celui-ci fait bien attention à n'émettre aucun bruit. Il lève son pied droit dans le but de lui broyer le crâne.

Néanmoins, le geste du garçon attire son attention. Revenant à la réalité, elle sort une assiette qu'elle avait dissimulée dans son t-shirt, au moment où elle s'était jetée derrière la table.

Très vite, elle balance l'objet sur la jambe gauche de Berthold, avant qu'il n'abaisse l'autre. Le projectile blesse son membre, sans pour autant que son os, le tibia, soit touché. Cependant, une forte douleur s'ancre en lui et il baisse sa garde un instant.

Cammy profite de l'ouverture, se lève rapidement et lui donne un coup de tête brutal, grinçant des dents. Berthold vomit le liquide rouge et se fait propulser.

« Ressaisis-toi... Ressaisis-toi ! Tu dois les arrêter ! » pense-t-elle.

Elle s'efforce de se concentrer, car ce n'est pas sa vie seule qui est en jeu.

La jeune femme le poursuit et le rejoint assez rapidement. Elle enchaîne avec un autre coup de poing, mais Berthold, en pleine projection, dos parallèle au sol, pare l'attaque avec sa main droite. En même temps, la manche gauche de son pull s'étend en longueur.

Cammy, ahurie de voir l'habit de son adversaire bouger tout seul, ne réagit que trop tard. Le tissu se plante dans sa mâchoire, broyant ses molaires. Elle se dégage très vite, mais le sang coule à flots dans sa bouche.

Berthold s'écrase ensuite dans un coin du restaurant, fissurant le sol et fracassant plusieurs tables au passage. Il se relève immédiatement, avant de foncer sur Cammy, armé d'une volonté implacable.

Ils sont face à face. Dès qu'il s'approche d'elle, elle disparaît pour réapparaître dans son dos. Elle tente un coup de pied dans la nuque, mais loin d'être surpris, son adversaire fait grossir sa capuche. Le vêtement, aussi dur que du diamant, le protège et il ne reçoit aucun dégât.

Berthold se retourne ensuite. Cammy ferme ses deux poings et lui administre un double coup de poings dans l'estomac. Contre toute attente, le bas du pull prend la forme de deux mains qui saisissent les membres de la jeune femme.

Puis, le tissu change à nouveau de forme pour s'enrouler autour des bras de Cammy, l'empêchant de les bouger et de s'enfuir. Éberluée, elle comprend enfin :

« Son concept serait donc celui des vêtements... ? Il peut contrôler les fringues qu'il porte comme il veut... ? Mais... alors, comment il a pu me capturer avec un pouvoir pareil ? »

Dès qu'elle termine sa réflexion, Berthold libère sur elle un coup de poing surpuissant dans le visage. Un son de détonation se produit. Les carreaux se craquèlent. Les murs, chaises et tables vibrent sous l'impact du choc. Les yeux dans le vague, quelques dents arrachées, Cammy se fait sauvagement projeter.

Mais elle saisit fermement la manche de son adversaire, l'entrainant avec elle dans un vent violent. Il tente de se stabiliser. Ils glissent de quelques mètres sur le sol, le rasant au passage. Il réussit finalement à s'immobiliser.

Cammy jette un coup d'œil par la fenêtre, à moitié consciente. Berthold en fait de même, se demandant ce qui attire son attention. Bien que les rues se vident petit à petit, il voit encore quelques personnes s'agiter, crier, s'enfuir.

« C'est donc ça qui te préoccupe autant... déduit-il intérieurement. Tu veux qu'on reste à l'intérieur du resto pour pas que je m'en prenne à eux, hein... ? Je ne te comprends pas. Pourquoi vouloir les sauver, alors que ce sont ces mêmes personnes qui vont te faire du mal après... ? »

Inattentif pendant quelques secondes, il ne remarque pas Cammy qui crache sa prémolaire chargée de Drive avec précision sur lui, se logeant directement dans son œil droit.

Elle manque de perdre connaissance, chancelante. Les hurlements de terreur autour d'elle deviennent flous.

Si une partie d'elle lui dit de laisser toutes ces personnes mourir, l'autre lui ordonne de les défendre. Elle puise dans sa détermination pour continuer son combat.

Berthold hurle de douleur, l'œil crevé. Elle se dégage. En colère, il s'écrie :

« Tu veux les protéger, cette bande de nuisibles ?! Pourquoi tu nous obliges à faire ça ? Tu cherches à mourir avec eux ?! »

S'emportant, il répète la même technique qui a transformé le restaurant en lieu de désolation. Il écarte vigoureusement ses bras au ciel. Son pull s'épaissit, s'étale sur toute la surface de l'établissement, puis les tissus se transforment en piques géants qui envahissent l'entièreté de la salle, excepté l'emplacement d'Annie. Une attaque impossible à esquiver si Cammy reste à l'intérieur.

Soudain, contre sa volonté, son pull se rétrécit très vite pour retrouver ses dimensions normales. Il est stupéfait de voir que sa technique n'a fait aucun dommage à Cammy et que celle-ci est en face de lui, à quelques centimètres. Elle est accrochée à sa manche.

Ce qu'il ignore, c'est qu'elle a brisé le mur pour sortir du restaurant pendant un instant. Lorsque les piques ont envahi la salle, un bout de tissu est passé par l'ouverture par laquelle elle a quitté la pièce.

Elle l'a fermement saisi, avant d'utiliser sa compétence pour faire passer la salle de remplie de piques à vide, ce qui a fait disparaître la technique, rétrécissant le vêtement. Étant agrippée à une partie du pull, elle a pu se rapprocher de son adversaire en même temps que l'habit est revenu à sa taille normale.

Cammy, suspendue au-dessus du sol, profite de l'effet de surprise pour joindre ses jambes et lui faire encaisser un redoutable double coup de pieds dans le visage.

Alors qu'il se fait propulser, elle s'agrippe à son bras, le ramenant de force à lui. Ce mouvement brutal déboîte l'épaule de Berthold, qui a le visage tordu de douleur.

Elle le fait virevolter d'un tour de bras pour le jeter férocement au sol. Cependant, le pull de Berthold se gonfle, tel un ballon. Sa chute est amortie et son dos ne touche même pas le sol.

Pendant qu'il se relève, Cammy se déplace sur sa gauche. Il reste immobile pendant quelques secondes, ne comprenant pas ce qu'elle a en tête. Soudain, elle disparait de son champ de vision. Estomaqué, il se demande son emplacement.

Cammy est passée de sa gauche à sa droite. Elle est dans le champ de vision de son œil crevé, il lui est donc logiquement impossible de la voir.

Sans perdre la moindre seconde, elle lui balance un coup de poing véloce. Cependant, la manche du pull de Berthold gagne à nouveau en volume, prenant la forme d'un bouclier. L'assaut ne lui fait aucun dégât.

Cammy a les yeux exorbités, médusée. Elle ne saisit pas comment il a pu deviner sa position aussi rapidement.

Le tissu change à nouveau de forme pour se transformer en de multiples petits piques qui tournent sur eux-mêmes. Cammy s'éloigne, mais se fait trancher deux doigts. Si elle y était restée plus longtemps, c'est toute sa main qu'elle aurait perdu.

Elle se pince la lèvre, tant la douleur est aigüe. De son côté, Berthold grimace de douleur pour son épaule luxée et l'œil crevé. Il s'éloigne à son tour.

« C'est mort... se dit-il. Dans cet état, je n'ai aucune chance au combat rapproché... Je vais donc devoir miser sur la distance... ? »

Il jette un coup d'œil en direction d'Annie et imite une vague avec son bras encore en bon état. Les manches de son pull s'allongent sur trois mètres et tournoient dans les airs, formant des sortes de fouets. Cammy fixe ses nouvelles armes, craintive de sa prochaine tactique.

S'ensuivent des rafales de coups dans toutes les directions imaginables. Non seulement les assauts sont d'une vélocité ahurissante, mais ils sont aussi quasiment impossibles à anticiper. Elle ne peut donc ni les esquiver, ni changer leur direction.

Les avant-bras croisés en guise de protection légère, Cammy encaisse les nombreux et cruels coups de fouet.

Son sang coule, de plus en plus abondant. Toute sa peau est parcourue par des traces de déchirures. Elle gémit sous l'effet de la torture.

Tout à coup, elle sent ses propres vêtements se resserrer contre elle. Une forte pression commence à écraser toutes les parties de son corps couvertes de vêtements. Elle étouffe. Cammy se rend enfin compte, extrêmement surprise :

« Ne me dis pas que... c'est vrai, si son concept est celui des vêtements, il peut tous les contrôler, y compris les miens. Il aurait donc fait exprès de ne m'attaquer qu'avec son pull pour me faire oublier qu'il peut me réduire en bouillie avec mes propres habits... ?! »

Berthold lui adresse un regard désolé et profondément peiné. Mais il se montre inflexible :

« Cammy... tu pourras nous pardonner... ? »

Il ferme son poing. Un son strident de chair broyée se fait entendre.

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