Chapitre 56 : Répétitions

Ne trouvant pas de stratégie qui pourrait s'avérer efficace contre Skill, Al proposa à Cammy de s'entraîner sur sa capacité à esquiver. Au bout d'une longue journée, il parvint à maîtriser les attaques de la jeune femme et tout éviter, uniquement.

Plus tard, Cammy reçut sur son livre un commentaire haineux, la menaçant de mort et l'incitant au suicide.

***

Cammy reste figée devant l'ordinateur. Ces messages la démotivent et la chagrinent énormément. Au début, elle pouvait passer des nuits blanches à les ressasser dans son esprit, voire des jours. Mais aujourd'hui, bien qu'elle n'y soit toujours pas indifférente, elle ne s'y attarde pas longtemps. Du moins, en principe.

Al passe dans le salon. Étonné de voir sa mine écœurée, il se glisse derrière elle et lit le contenu de l'écran.

Quand Cammy jette un coup d'œil sur le côté, elle remarque qu'il est fortement agacé.

« N'y prête pas attention, c'est le genre de gars qui n'a rien à faire, lâche-t-il.

- Ça va bientôt faire un an, quand-même. Le pire, c'est qu'au début, il trouvait mon histoire pas mal. J'écris de la bouse à ce point ? » constate-t-elle, frustrée.

Elle a beau avoir l'habitude, elle n'en reste pas moins vexée, d'autant plus que ce sont les seuls commentaires qu'elle reçoit depuis des mois. Al n'aime pas la voir comme ça. Il soupire :

« Il y a certains défauts, oui, mais c'est loin d'être de la merde. C'est même tout le contraire, il y a de nombreux points positifs que j'ai soulignés.

- Tu ne dis pas ça juste pour me faire plaisir ? », doute-t-elle, morne.

Ces attaques à répétition l'affectent bien plus qu'elle ne le voudrait. Au point d'être incrédule à la critique d'Al. Ce dernier colle ses mains sur les joues de la jeune femme, l'obligeant à le fixer dans les yeux. Il s'exprime avec une sincérité transparente :

« Tu as lu ma review, oui ou non ? C'est vrai que j'ai tendance à froisser les gens, mais tu m'as déjà vu mentir ? Arrête de croire ces conneries. Et ne t'étonne pas si un jour, tu rencontres des fans. »

Elle hoche de la tête, convaincue. Les propos du jeune homme la réconfortent et il réussit à lui décrocher un sourire.

« Ouais, je sais pas ce qui m'a pris de me laisser abattre par ces débilités... » se ressaisit-elle.

Al acquiesce et relit le contenu du commentaire.

- Je te jure que je te retrouverai et je te ferai la peau, hein ? répète-t-il. C'est plutôt lui qui n'a pas intérêt à croiser ma route... »

Cammy écarquille ses yeux. Al accompagne ses paroles d'un regard noir... non.

Un regard aussi sombre que les abysses des ténèbres.

Elle reste pétrifiée pendant quelques secondes, ce qui surprend son interlocuteur.

« Qu'est-ce qu'il y a ? interroge-t-il.

- Que... qu'est-ce que tu voulais dire par là... ? » se crispe-t-elle.

Al soupire à nouveau. Il a toujours les sourcils froncés, mais dégage une aura plus calme. Il l'éclaire :

« Que je vais lui faire manger mon poing, tout simplement. Tu pensais à quoi ?

- Euh... je sais pas... Je crois que je vais aller dormir. À demain. »

Il hausse un sourcil, légèrement troublé.

« Bonne nuit, finit-il par dire.

- Merci... espérons »

Elle marmonne le dernier mot, inaudible.

La boule au ventre, Cammy va se coucher.

***

Aux environs de minuit, Kerry est de retour, harassée. Elle tombe sur Al et Agiel au salon. Elle souffle un « Salut », témoignant de sa fatigue. Al répond, cependant, la blonde reste bouche bée.

L'humaine a les mains, la chemise et le visage peints en rouge. Bien qu'elle soit habituée à la vue de cette couleur, Agiel est déconcertée. Ce sang, c'est celui de ses semblables, qu'ils aient été bons ou mauvais.

L'air ébahi, Agiel est perdue dans ses pensées les plus pessimistes pendant une dizaine de secondes. Mais elle finit quand-même par répondre, non sans bégayer :

« Euh... Bonsoir... Tu... c-comment... s'est passé ta journée... ? »

Malgré la fatigue, Kerry lui fait un sourire sympathique. Al lève subtilement son pouce pour féliciter la nigh.

« Tranquille, comme d'habitude, assure Kerry. Au fait, où est ma petite Camille ? »

Agiel ne comprend que quelques secondes plus tard qu'elle parle de Cammy. Al, habitué à ses surnoms, répond spontanément :

« Elle est partie se coucher. Elle a très mal dormi, la nuit passée. Il faut qu'elle soit en forme pour l'entrainement.

- Oh je vois, bonne chance ! »

Sur ce dernier échange, l'humaine prend une douche et son dîner très tardif, puis, peu après, va au lit.

Lorsqu'elle entre dans la chambre, ce qu'elle voit la stupéfait.

Cammy, le visage déformé par des supplices que seule elle peut imaginer. Elle se tourne et retourne, blottie dans la couette. Elle gémit et murmure :

« Arrête... Tu n'es pas comme ça... »

Kerry reste interdite, se demandant ce qui peut la torturer à ce point.

Soudain, Cammy se réveille, en panique, des gouttes de sueur sur son front. Lorsque ses yeux se portent sur l'humaine, elle recule et se recroqueville contre la couverture, terrorisée.

« Cammy... c'est moi ! l'aborde-t-elle d'un ton qui se veut rassurant.

- Kerry ? balbutie la nigh.

- Oui. »

Cammy se calme. Bien que Kerry ne sache pas quel est le problème, elle comprend ce que ses yeux demandent. Elle monte sur le lit. Lentement, elle se raproche de la nigh et la prend dans ses bras pour la consoler.

***

Le matin, Al et Cammy se retrouvent au sous-sol afin de poursuivre l'entraînement. Le jeune homme est nonchalant, comme à son habitude, bien que concentré. Sa partenaire, quant à elle, semble avoir l'esprit ailleurs. Elle ne le provoque pas avec une pique, cette fois.

« Tu es prête ? demande Al, l'ayant remarqué.

- Oui, affirme-t-elle avec peu d'entrain.

- Sûre ?

- Oui ! Viens que je te défonce la tronche comme hier !! »

Elle semble avoir repris ses esprits. C'est avec une fougue soudaine qu'elle se jette sur lui. Aujourd'hui, l'objectif d'Al est de contre-attaquer sans encaisser de coup.

Il se défend très bien. En dix minutes, elle ne parvient pas à l'atteindre et il réussit à placer plusieurs attaques étonnement précises. Un quart d'heure plus tard, le bilan est très satisfaisant. Al domine largement. Il n'a été touché aucune fois.

Cependant...

Il ne s'en réjouit point.

« Stop » balance-t-il subitement.

Cammy ne proteste pas. Essoufflée, le visage ensanglanté et gonflé de petites boursouflures, elle ne tient pas le rythme. Elle manque de s'écrouler et s'appuie sur son genou. Al est très mécontent de sa performance.

« Tu n'es pas concentrée, aujourd'hui. Ça sert à rien que je te mette la pâtée, si tu n'es pas à fond, réprimande-t-il sévèrement.

- Je... désolée... » balbutie-t-elle, pâle.

Son état inquiète Al, qui se montre moins dur. Une chose le tracasse plus particulièrement. Son regard a perdu de cet éclat qui illuminait son visage. Il est devenu plus terne.

« Qu'est-ce qui te préoccupe autant ? Tu peux m'en parler, tu ne crois pas ? » tente-t-il.

Al peut les voir dans ses yeux, ces craintes qui la tourmentent depuis si longtemps.

Elle reste silencieuse un instant, ne sachant comment s'expliquer. Néanmoins, elle a besoin de lui en parler.

Après s'être taraudé l'esprit, elle se confie finalement :

« Cette nuit, j'ai rêvé que tu as retrouvé le gars qui me harcelait et que tu m'as forcée à le tuer. Ça m'a rappelé quand mes parents m'obligeaient à manger de la viande humaine... »

Al est déboussolé, ne concevant pas comment elle a pu faire un tel cauchemar. Il essaie de la rassurer :

« Dans quelle time-line je suis censé devenir comme ça ? En tout cas, c'est pas ici. C'était juste un mauvais rêve. »

Elle aurait bien aimé que ça s'arrête là.

Voyant qu'elle n'est pas plus sereine, il décide :

« Désolé. Réconforter les gens, ça n'a jamais été mon fort. Je pense que tu devrais en parler à Agiel. Et si on arrêtait pour le moment ? Va te reposer... »

Le regard d'Al devient grave. Il ajoute :

« J'aimerais juste que... tu ne finisses pas comme nous. »

Un être au regard mort.

Elle saisit où il veut en venir et hoche de la tête. Tous les deux soucieux, ils remontent.

Après avoir pris une douche, Cammy va se rhabiller dans la chambre. Elle fixe le lit.

Le cauchemar est désormais son quotidien. Ce qui était récupérateur est maintenant destructeur. Ce matelas, qui à l'origine, devait l'apaiser, est devenu son bourreau. On a beau lui dire qu'elle doit se reposer, elle n'en peut plus. Elle le sait. Dès qu'elle s'adonnera aux filets de ce sommeil dont elle a tant besoin, elle sera à nouveau prisonnière de ce cercle vicieux.

[...]

Soudain, sans qu'elle n'ait le temps de comprendre quoi que ce soit, elle perd connaissance.

***

Lorsque que Cammy rouvre ses yeux, elle se trouve dans une ruelle sombre, sans savoir où, exactement. Elle n'a aucune idée de comment et quand elle a perdu conscience. Encore moins de la manière dont elle s'est retrouvée dans cet endroit. Mais si une question la préoccupe en particulier, c'est qui sont ce garçon et cette jeune fille.

L'adolescente lui fait un petit sourire accompagné d'un V avec ses doigts. L'adolescent a l'air ravi. Il prend la parole :

« Cammy Blue... c'est un honneur de te rencontrer enfin. Est-ce qu'on... peut discuter un moment ? »

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