Chapitre 47 : Doutes

Al parvint à vaincre son adversaire en lui ôtant la vie, suite à un combat acharné. Cependant, gravement blessé et exténué, il perdit connaissance.

***


Aux environs de minuit, quelques secondes après l'explosion, Agiel se libère de l'emprise du sommeil. Le pouvoir de Simeon ne faisant plus effet sur les habitants de l'immeuble, elle a pu récupérer son énergie.

Immédiatement après avoir rouvert ses yeux, sa malédiction s'active. Son esprit est assailli par une vision cauchemardesque. Sauf que les images qui revenaient sans cesse ont changé.

La respiration d'Alice qui s'arrête. Son cœur qui cesse de battre. Le corps de son ancienne amie qui refroidit dans ses bras.

Lorsqu'elle revient à la réalité, Agiel ne peut empêcher une larme de couler. Elle grince des dents, tellement cette scène lui est insupportable.

Cependant, malgré les regrets et le chagrin qui l'envahissent, son attention est attirée par des supplications, juste à côté d'elle.

« Maman... papa... »

Elle voit Cammy en train de se tortiller, le visage torturé dans son sommeil, répétant sans cesse ces mots. Elle tente donc de la réveiller en lui tapotant le bras, mais sans succès. Agiel fronce donc les sourcils, exaspérée, et lui frappe l'épaule avec assez de force pour lui faire quitter son sommeil dans un sursaut.

Prise de panique, Cammy s'éloigne d'Agiel, le regard empli d'appréhension. La blonde, étonnée par ce comportement, tend sa main vers elle. C'est alors que sa patiente se recroqueville sur elle-même en tremblant, avant de la supplier, la voix frémissante :

« Non, maman... arrête... »

Agiel fait tout de suite le lien avec la maltraitance que lui faisaient subir ses parents, événements qui hantent toujours son sommeil. Elle réplique d'un ton rassurant :

« Cammy... c'est moi... »

La voix pleine de douceur a l'effet de calmer la patiente. Elle se frotte les yeux avant de fixer Agiel, puis redevient lucide.

« Je... euh... désolée... balbutie-t-elle.

— Ce n'est rien. On en reparlera plus tard », répond calmement Agiel.

Cammy regarde par la suite autour d'elle. Dans sa chambre règne un désordre hallucinant, entre ses meubles et affaires personnelles éparpillées partout.

« Qu'est-ce que... c'est tout ce bazar ? s'étonne-t-elle, avant d'écarquiller les yeux. AL !! »

Cammy s'empresse de quitter la chambre, la boule au ventre, suivie par Agiel, tout aussi tracassée. Son extrême inquiétude se confirme lorsqu'elle tombe sur Al, inconscient, dans le salon.

Ignorant le chaos qui règne autour d'elles, Cammy ressent un pincement au cœur en le voyant dans cet état :

« Non... pas toi... »

Elle se rapproche de lui, tentant de contenir son incommensurable peine, et l'examine avec plus d'attention. C'est avec un immense soulagement qu'elle constate qu'il respire encore :

« Idiot... ne me fais plus jamais de peur pareille... »

Alors qu'un sourire d'apaisement commence à se dessiner sur ses lèvres, une réflexion traverse son esprit. Elle se retourne vers Agiel.

« L'ennemi... où est l'ennemi ? »

L'interrogation fait surgir dans l'esprit de la blonde, des propos qu'Al lui avait adressés plus tôt dans la soirée :

« Agiel... comme je l'ai dit plus tôt, ça ne fait pas un bail qu'on se connaît. Mais, je... je ferais tout pour qu'il ne vous arrive rien. »

La blonde, ne sachant comment formuler sa réponse, baisse ses yeux. Face à l'expression consternée de son interlocutrice, Cammy continue naïvement :

« Il... il se cache quelque part dans l'appart, n'est-ce pas ? »

Le visage d'Agiel s'assombrit encore plus. Refusant d'admettre la vérité, Cammy se relève et insiste :

« Où qu'il soit, je vais le trouver et...

— Ça suffit, Cammy, interrompt Agiel, le ton amer. Il n'y a plus d'ennemi. »

Bouleversée par cette réalité, Cammy reste silencieuse pendant un instant.

Elle reprend, la voix déchirée :

« Al ne tuerait personne, pas vrai ? »

Aucune réponse. Elle s'entête :

« N'est-ce pas...

— Cammy !! » gronde Agiel, qui la fait taire instantanément.

Bien qu'Agiel comprenne que la jeune femme soit terriblement affectée par cet évènement, elle continue, le ton dur :

« Ne sois pas triste pour si peu ! Écoute. Je sais qu'Al était comme un pilier pour toi. Il est la personne la plus gentille que tu connaisses. Tu te servais de lui comme un modèle pour t'assurer que peu importent les épreuves, on peut les surmonter sans avoir à changer, à commettre des actes qu'on regrettera. Alors, maintenant qu'il l'a fait, tu as peur. Tu te dis que toi aussi, un jour ou l'autre, tu seras obligée de tuer, voire pire. »

Cammy confirme ces propos par son expression affligée. Cependant, Agiel reprend, redoublant de sévérité :

« Mais tu oublies que le contraire est également possible. Vous vous comprenez mieux que quiconque. Tu dois l'aider à se relever, parce que tu possèdes quelque chose qu'aucun de nous n'a : une positivité à toute épreuve. »

Ce discours n'a pas l'effet escompté. L'expression de désespoir persiste sur le visage de Cammy. Agiel tente autre chose :

« Je...

— Non, ça suffit, madame » interrompt-elle la psychologue, d'un geste de la main.

Cammy se tapote plusieurs fois les joues, avant d'effacer complètement toute expression négative sur son visage.

« Il faut vite le soigner ! continue-t-elle avec entrain.

— Nous n'avons pas le temps pour ça. D'autres ennemis peuvent apparaître d'une seconde à l'autre. Il doit se réveiller tout de suite.

— Mais comment ? Il a perdu beaucoup trop de sang, c'est pas possible !

— Tu dois soigner ses blessures instantanément, explique Agiel.

— Mais... je n'ai pas de capacité de guérison... doute-t-elle.

— En fait, je me rends compte que depuis le début, c'est parfaitement dans tes aptitudes » affirme la blonde, sûre d'elle.

Cammy la regarde curieusement, ne comprenant pas où elle veut en venir. Soudain, un élan de perspicacité traverse son esprit. Elle se tape le front, se demandant comment elle a pu ne pas y penser plus tôt.

L'opposé de la blessure est la guérison.

Les plaies d'Al disparaissent alors immédiatement, il est complètement rétabli.

« Trop cool, ça veut donc dire que je peux même réparer les objets cassés, ou ranger mon appart, là, tout de suite !! » s'exclame-t-elle, explosant d'enthousiasme.

Elle fait une pause, puis continue, moins enthousiaste :

« Mais ça bouffe trop d'énergie... »

Les exclamations de Cammy réveillent Al, qui rouvre lentement ses yeux.

« Arrête un peu avec ton boucan... tu veux que les voisins viennent gueuler à cette heure... ? » prononce-t-il, déjà harassé.

Étalé sur le sol, lorsqu'il se souvient de sa dernière bataille, son air devient plus maussade que d'habitude.

« Vous... vous êtes saines et sauves... constate-t-il.

— Oui, grâce à toi ! », lui sourit Cammy.

Al ne répond pas. Il se lève et se précipite dans les toilettes. Une fois seul, il se regarde dans le miroir, l'air grave. Il fixe ensuite sa main, qui ne cesse de trembler. Il ouvre le robinet, puis les lave longuement. Mais cette impression qu'elles sont tâchées de sang réside. Il finit par se nettoyer plusieurs fois le visage, avant d'aller rejoindre les filles.

C'est sans filtre que le jeune homme affiche un air profondément triste. Dès qu'il ouvre la porte, il tombe sur les demoiselles, debout, qui semblent l'attendre. Elles arborent un regard très sérieux et déterminé.

« Al... ceci est une intervention, déclare Cammy.

— De... quoi ? s'étonne-t-il.

— C'est une idée d'Agiel, et je trouve qu'elle a raison, appuie-t-elle.

— J'ai pas le temps pour ces conneries... soupire le jeune homme.

— Tu veux dire que tu vas bien ? enchaîne Agiel, inquiète.

— Franchement, tu poses la question ? rétorque Al, exaspéré. Depuis le temps, tu devrais me connaître. Je vais jamais bien.

— Bon, ça suffit, ferme ton groin et assieds-toi ! » bouscule Cammy qui se dirige vers lui, prend sa main et le force à s'asseoir sur le canapé.

Al soupire à nouveau, irrité. Mais le voile qu'est cette colère tombe pour laisser place à un air mélancolique.

« Tu peux t'exprimer, nous sommes là pour t'écouter », commence avec tendresse Agiel.

Al ferme les yeux. Dès que ses paupières sont scellées, il ne peut s'empêcher de repenser au dénouement de son combat. Comprenant rapidement qu'il n'a d'autre choix, il se confie :

« Avant de mourir... je me souviens de ce cri... Ça m'a glacé le sang. J'ai tué... Oui, j'ai tué un homme... »

Au fur et à mesure qu'il s'exprime, son visage sombre dans l'amertume.

« Je ne me suis jamais senti aussi mal... je ne veux plus jamais ressentir ça... »

Un instant de silence survient. Il semble totalement anéanti, ce qui inquiète beaucoup les filles.

Cammy intervient, s'adressant chaleureusement à lui :

« C'est vrai... tu as tué. Mais c'était pour nous défendre. Tu as donné tout ce que tu avais pour nous protéger, tout en essayant au mieux d'épargner ton ennemi, et ça, c'est vraiment admirable de ta part. »

Malgré le sourire réconfortant, Al ne répond pas. Son expression n'a pas changé. Agiel tente à son tour :

« Je sais ce que tu es en train de te dire. Si tu as supprimé cet adversaire, tu n'auras pas d'autre choix que d'en faire de même avec les autres. Au final, tu te retrouveras au-dessus d'une montagne de cadavres contre ton gré et...

— Exactement, confirme-t-il, l'interrompant. On ne peut pas sauver tout le monde. Skill est trop attaché à ses idéaux, et après avoir affronté cet adversaire, je suis sûr que c'est le cas pour tout le groupe. Surtout qu'après la mort d'Alice, c'est au tour d'un de ses gars. Il voudra jamais rien écouter, c'est fini. Le seul moyen de l'arrêter sera de le tuer, tout comme tous les membres de sa team. Y a pas d'autre issue, finit-il, manquant plus de motivation que jamais.

— Dois-je te rappeler qu'avant de te rencontrer, j'étais une pure psychopathe qui ne cherchait qu'à se venger ? Que Cammy a dû se battre contre un tueur de masse qui était impossible à raisonner ?! Pourtant, vous avez réussi à nous arrêter, grâce à vos convictions. Ne baisse pas les bras ! encourage-t-elle, armée d'une grande volonté.

— Ouais, sauf qu'à la base, on était plus ou moins potes avant que tout parte en couille. Et J., pas sûr qu'il ait changé. Si ça se trouve, il va recommencer dès qu'il sera remis sur pied... »

Agiel soupire de découragement. La situation n'avance pas, et Al semble même encore plus abattu qu'au début.

Alors que la blonde commence à perdre espoir, Cammy s'avance vers Al. Ce n'est plus un air bienveillant qu'elle exprime, mais du mécontentement. Elle plonge ses yeux dans ceux, fades, du jeune homme.

« BAM !! » s'exclame-t-elle en même temps qu'elle lui colle une gifle tellement rapide qu'il n'a pas le temps de saisir ce qui se passe.

Al place sa main sur sa joue rougie, puis se secoue la tête, avant de se plaindre :

« Mais ça va pas ?! Qu'est-ce qui te prend ?!

— C'est la même technique qu'Agiel a utilisée contre Daisy quand elle commençait à raconter du n'importe quoi. En gros, ça s'appelle la patate du : ressaisis-toi, mon vieux !! »

Elle continue très rapidement, haussant le ton pour le réprimander :

« T'as le droit d'être tristounet, ou même de pleurer, mais on n'a pas le temps, là ! Daisy, les habitants du quartier, et tous les amis d'Agiel comptent sur nous. C'est pas un Al dépressif qui va nous sortir de là ! Depuis quand c'est en s'apitoyant sur son sort et en démotivant les gens qu'un général va conduire son armée à la victoire ?!

— Général ? Armée ? rétorque Al. Tu te crois en guerre ?

— Ben ouais ! On est en guerre contre la team Skill, et on va la remporter ! Alors, au lieu de déprimer, défonçons-nous le crâne pour défoncer le camp ennemi sans les tuer. On va convaincre le boss de nous dire où se cache ton frère, en mode happy end où les gros antagonistes deviennent gentils grâce au pouvoir de l'amour et de l'amitié !

— Qu'est-ce que... depuis quand tu utilises le même jargon que moi, toi ? s'étonne Al, le ton plus léger.

— Qui s'assemble se ressemble, comme on dit, s'amuse Agiel.

— Eh ouais, t'as vu ça. Il m'a contaminé avec son langage débile », plaisante à son tour Cammy.

Al prend une profonde inspiration, puis expire longuement. Lorsqu'il ferme ses yeux, cette explosion meurtrière demeure dans son esprit. Ses mains en tremblent à nouveau.

Néanmoins, son regard a changé.

Il est toujours aussi indolent qu'à son habitude, mais avec une marque de détermination. Il prend la parole, sous l'oreille attentive des autres :

« Bon, il faut déjà qu'on bouge d'ici, et très vite.

— Oui, mais on va où, maintenant ? questionne Cammy.

— Chez mon maître. La personne qui m'a appris à me battre, et sans qui, je ne serais certainement pas face à vous, aujourd'hui. Mais détrompez-vous. Ce n'est pas le vieillard badass, légende dans son art martial.

— Qui est-ce, alors ? demande Agiel, encore plus curieuse.

— On va chez Kerry », déclare-t-il, le plus simplement possible.

Les filles restent silencieuses, tellement elles sont éberluées.

« QUOI ?! » s'exclament-elles en chœur.

Chapitre Suivant

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chapitre 80 : Le retour

Chapitre 113 : Nouvelles promesses (Épilogue 2)

Chapitre 81 : Le réveil