Chapitre 48 : De l'autre côté

Al et les autres durent battre en retraite suite à leur affrontement avec Skill. Ce dernier, gravement blessé également, fut rapidement soigné par Daisy. Elle l'endormit grâce à des virus soporifiques et tenta d'arrêter leurs ennemis seule.

***

Quelques heures plus tôt...

En fin d'après-midi, Skill est dans son salon, sur le canapé, la tête entre les mains. N'ayant toujours aucune nouvelle de Daisy, il broie du noir.

Soudain, quelqu'un frappe à la porte. Il va très rapidement ouvrir. Son visage, qui était très crispé, devient moins tendu. Aucune odeur de sang n'émane de Daisy. Il est aussitôt soulagé. Elle entre dans la pièce en fermant la porte.

Comme dans son ancien appartement, la maison de Skill est parfaitement blanche. Les murs n'ont aucune décoration, aucun cadre, photo. Les meubles sont tous recouverts de draps et il n'y a même pas de télévision. Le tapis est juste un tissu de même couleur que les autres éléments.

« Que s'est-il passé ? » demande-t-il calmement.

Daisy fait bien attention à ne pas répondre précipitamment. Elle régule sa respiration et s'efforce de ne pas paniquer. Tentant de se maîtriser, elle répond le plus naturellement possible :

« Je n'ai pas pu les arrêter.

— Et ils t'ont laissé revenir aussi facilement ? réplique-t-il, dubitatif.

— En fait, j'ai tenté de convaincre Agiel de se rendre, mais elle a refusé et essayé de m'attaquer. Al s'est interposé pour la neutraliser. J'ai profité de leur querelle pour prendre la fuite. »

Skill hausse un sourcil, cependant, ce récit lui rappelle une de ses interactions avec Al plus tôt :

« Ne te méprends pas, avait dit Skill, face à la dépouille d'Alice. Elle n'était pas votre alliée.

Qu'est-ce que ça change ? avait rétorqué Al. Tu crois que ça me fait plaisir de voir un cadavre ? »

Sorti de ses pensées, il continue :

« Ça lui ressemble bien...

— Je suis désolée, Skill... regrette Daisy, qui ne simule pas son amertume.

— Ce n'est pas grave. Le plus important est que tu sois revenue saine et sauve. »

Daisy sourit, touchée par l'attention qu'il lui porte. Cependant, elle baisse les yeux de honte. Encore une fois, elle n'a pas osé dire la vérité. C'est pour cette raison qu'elle vit séparément de lui désormais. Les affaires de Skill sont devenues florissantes. Il a déménagé et même investi dans une petite librairie qu'elle gère. Cependant, elle a préféré rester dans le minuscule appartement, se noyant de jour en jour dans sa culpabilité.

Soudain, la porte du salon vole en éclats. Un individu pénètre dans la pièce dans un bruit assourdissant. Daisy le regarde attentivement.

Elle reconnaît cet homme au crâne rasé, longue face et nez crochu. De minces yeux marron, des lèvres charnues et une courte barbe se dessinent sur son visage. Sa très grande taille et corpulence musclée lui donnent une allure menaçante. Il s'agit de John, le petit frère d'Alice, âgé de vingt-et-un ans.

John, furieux, ne perd pas de temps et se dirige rapidement vers Skill. Il se rapproche de lui, leurs visages sont à quelques centimètres. Le petit frère d'Alice le fusille d'un regard meurtrier.

« Enfoiré... tu te rends compte de ce que tu as fait ? » attaque la montagne de muscles.

Skill ne répond pas. Les propos de John font brutalement ressurgir toute la tristesse qu'il avait ressentie en voyant le corps d'Alice. S'apercevant qu'il ne réagit pas, le frère continue :

« Je savais qu'elle n'aurait jamais dû se mettre en couple avec toi... mais je respectais son choix et la voir heureuse me suffisait. Pourtant, regarde ce que tu as fait. Tu l'as embarquée dans tes histoires sordides et elle est morte à cause de toi... »

Au fur et à mesure qu'il parle, la colère de John s'intensifie. Sa respiration devient lourde et il expire, tel un buffle, sous l'effet de son irritation extrême. Skill ne réplique toujours pas. Le frère enchaîne alors :

« Tout ça, c'est de ta faute. Tu l'as tuée. »

Skill est effondré par l'évocation de ces souvenirs. Son visage laisse transparaître une amertume dévastatrice. Voyant qu'il ne dit toujours rien, John finit par lui saisir le col et aboie :

« Réponds quand je te parle !!

— Que veux-tu que je te dise ? finit-il par prononcer. Nous savons que tu as parfaitement raison.

— C'est bien... Au moins, tu assumes. Mais devine quoi ? C'est trop tard, mec. Dis, Alice était quoi pour toi, au fait ? Une future épouse ou un simple pion dans tes plans ? »

Daisy ne reste pas muette, indignée par les accusations de John :

« Arrête de t'en prendre à lui ! Tu ne sais pas à quel point Skill aimait ta sœur ! »

Le frère lâche le col de Skill, puis se tourne vers Daisy. Il lui lance un regard noir avant de se diriger dangereusement vers elle. La jeune femme recule, apeurée. Il tend sa main massive dans le but de lui empoigner la gorge.

« Ferme-la, salo... »

Sans même comprendre comment, John se retrouve avec le bras littéralement plié en deux... dans le mauvais sens. Il ne peut que constater sa fracture ouverte, le sang qui coule et l'os de son coude à l'air libre, avant de hurler de toutes ses forces de douleur.

« Enflure, tu vas le pay...

Ne touche pas à Daisy. »

John se fait interrompre, et lorsqu'il croise le regard pétrifiant de Skill, se calme immédiatement. Des gouttes de sueur commençant à couler de son front, une terreur inexplicable s'ancre dans ses entrailles. Son instinct lui dicte de ne pas en rajouter.

« Tu es venu pour creuser ta propre tombe, ou quoi ? surgit une voix qui est familière à tous.

— Alex... » constate John, la voix tremblante de peur et de douleur.

Alex est membre du groupe de Skill et le cadet d'Alice. Son apparence est tout le contraire de celle de son grand-frère. La différence est marquante surtout au niveau de sa corpulence élancée. De courts cheveux noirs en forme de piques, des sourcils fins et une petite bouche se tracent sur son visage. Les lunettes de soleil qu'il porte constamment masquent la couleur de ses yeux. Pas de barbe.

Ils ont cependant en commun leur nez crochu et long visage.

John se tourne vers le blond et l'interpelle :

« Skill ! »

Ce dernier lui lance un regard mécontent. John baisse aussitôt d'un ton avant de continuer :

« S'il te plaît... ne mêle plus Alex à tes histoires... laisse-le quitter ta team.

— Ce n'est pas à moi d'en décider. Le choix revient à lui et lui seul », explique calmement Skill.

Les yeux de John se tournent vers Alex, qui prend la parole sans hésiter, les bras croisés :

« Je reste avec lui. Pourquoi tu veux que je quitte son groupe ? »

John baisse le regard. Son visage se transforme. La colère qu'il manifestait n'était qu'un voile de sa profonde tristesse. Il lui explique d'un ton affectueux :

« Il ne me reste plus que toi. Je ne veux pas te perdre, toi aussi. Je ne veux pas que tu meures bêtement !

— T'inquiète, rétorque Alex, imperturbable. C'est pas à ses côtés que je risque de crever.

— Pourquoi... ? Pourquoi est-ce que tu lui fais autant confiance ?! » s'emporte John, dans sa détresse.

Alex sourit. Il pointe Skill de ses deux index et argumente :

« Parce que c'est le meilleur. C'est le pied de combattre pour lui. »

John serre son poing. L'attitude décontractée de son jeune frère le dégoûte. L'affection et le chagrin laissent place à l'énervement :

« Pourquoi est-ce que tu prends toujours tout à la légère ?! La mort de notre sœur ne te fait donc rien ?!

Nope. Absolument rien, confirme-t-il, impassible.

— Arrête de jouer aux durs ! hurle John.

— Écoute, un mec badass ne se laisse jamais abattre, ok ? »

John est tellement écœuré qu'il laisse échapper un rire étouffé. Il regarde Alex dans les yeux, puis s'adresse à lui, le regard baigné d'affliction :

« Alice était comme une seconde mère pour nous. Nos parents ont été assassinés, il y a quelques mois, par une bande de criminels. C'était dur, mais toi, t'en avais rien à foutre. Heureusement, elle était là pour me remonter le moral. Mais il a fallu qu'elle aussi s'en aille. Pourquoi... ? Pourquoi faut-il qu'on m'enlève tous les êtres qui me sont chers ? Qu'a fait ma grande sœur pour mériter un sort pareil ? N'était-elle pas une bonne personne ? »

John prend une pause. Sa face se décompose à nouveau. Une rage incommensurable déforme littéralement son visage. Ses bras gigantesques et son front font ressortir ses grosses artères. Son crâne est parcouru par ses veines immenses, tels des vers de terre qui parcourent sa tête. Sa voix, métamorphosée par la haine, donne l'impression qu'il suffoque sous le poids de la fureur :

« Jamais je ne leur pardonnerai. »

Aussitôt dit, John se lève. Sa fracture se referme et son os se remet en place, comme s'il n'avait jamais été blessé. Sa guérison est bien trop rapide pour être commune à celle des nigh. La porte, qui était en morceaux, se reconstitue et se replace à l'entrée du salon. Il se dirige vers la sortie.

« Wow, où est-ce que tu vas ? intervient avec désinvolture Alex, qui a néanmoins, rarement vu son frère dans un tel état.

— C'est évident, non ? Je vais détruire ces assassins », affirme John, plus déterminé que jamais.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chapitre 80 : Le retour

Chapitre 113 : Nouvelles promesses (Épilogue 2)

Chapitre 81 : Le réveil