Chapitre 41 : Obsession

Suite au départ de Liz, Marshall décida d'expliquer son plan à Daisy. Cette dernière y adhéra.

Quelques jours plus tard, Marshall réprimanda la jeune femme :

« Je n'en peux plus de ta timidité. Ça fait plus de six mois qu'on se connait, et tu as toujours autant de mal à t'exprimer.

- Mais... rétorqua Daisy, hésitante. Tu... je... j-je croyais que tu n'aimais pas p-parler... ?

- En effet. Mais que tu le veuilles ou non, tu souffres d'un mal. Je ne sais pas de quoi, ni pourquoi, mais il est temps que tu ailles de l'avant. C'est pour ton bien.

- M-Mais...

- Il n'y a pas de mais, coupa-t-il calmement. Tu iras chez quelqu'un qui pourra t'aider à surmonter cela.

- Ok, papa... ».

Une seconde après son ironie, elle recula en vacillant, effrayée par la réaction probable du jeune homme, qui l'aurait mal pris. Mais il ne se mit pas en colère.

« Tu ne peux pas aller chez un humain, continua-t-il, imperturbable. C'est trop risqué, alors, tu iras chez Agiel.

- Q-qu-q-qui ?

- Une nigh psychologue. J'ai entendu dire qu'elle s'y connaissait ».

Daisy le regarda avec de gros yeux, mais elle avait peur de placer un mot de travers. Ayant compris la raison de son étonnement, il continua :

« Je sais, je ne suis pas loquace. Mais inévitablement, certains clients parlent un peu trop. Prépare-toi psychologiquement et contacte-la ».

Il lui donna ses coordonnées et la laissa se débrouiller seule, par la suite.

***

Le premier jour de la semaine suivante, la jeune femme se retrouva par la force des choses, dans la chambre d'invité d'Agiel. Daisy ne pouvait s'empêcher de trembler, allongée sur le lit. La psychologue se gratta la tempe.

Ce ne serait pas une affaire facile.

La blonde, qui avait vingt ans, sourit, avant de lui demander directement :

« Pourquoi es-tu venue me voir ? ».

La pièce resta silencieuse pendant sept minutes. Agiel poursuivit :

« Prends ton temps. Tu parleras quand tu seras à l'aise, d'accord ? ».

Agiel se leva, et revint avec un verre d'eau qu'elle lui tendit. Daisy l'empoigna nerveusement.

« M-mmmmm-e-e-eee-errrrr-cccccccccc-ci.

- Mais je t'en prie, répondit-elle en souriant. Quelqu'un t'a forcée à venir ici ?

- O-o-ou-i. C-cc'est... ».

Une petite réflexion traversa son esprit. Daisy savait que Marshall avait horreur qu'on apprenne son vrai prénom. Elle ne savait que répondre. Prise par la panique, elle lâcha hasardeusement :

« P-p-pa...p-apa...

- Oh, c'est ton père ? ».

Daisy hocha positivement de la tête, n'ayant le courage de la reprendre.

La première séance fut un échec. Elle n'était pas prête à surmonter son traumatisme. Agiel comprit alors, que pour qu'elle se confie, il fallait d'abord qu'elle se sente bien à ses côtés. Elle lui fit donc oublier le fait qu'elle était sa cliente, et tenta de se rapprocher d'elle.

La blonde essaya de découvrir tout d'abord ses passions. Séries, films, musique, dessins animés, bandes dessinées, jeux vidéo, sport. Après de nombreux échecs, elle apprit qu'en réalité, ce qu'elle aimait était la littérature, lorsqu'elle surprit Daisy en train feuilleter son ouvrage parlant de psychologie.

Bien qu'elle ne fût pas fan de livres, Agiel décida de se mettre elle aussi à la lecture, après l'avoir questionnée, pas très subtilement, sur ses œuvres préférées. Le but était simplement de pouvoir discuter entre amatrices de littérature.

Cette démarche portait ses fruits. Petit à petit, un lien se créait.

Trois mois après leur première rencontre, elles s'étaient de nouveau retrouvées chez Agiel, dans le salon. Daisy s'était faite laver le cerveau, et oublia qu'il s'agissait de sa psychologue. La blonde lui offrit un livre, s'exclamant de joie :

« Tada !! Le tome cent quarante-sept de a short story, de Mary Claret !

- Oh, tu... il ne fallait p-p-pas...

- Mais non, ce n'est rien ! D'ailleurs, d'où vient ta passion pour les bouquins ?

- La... la femme de mon p-p-père passait plus de temps à... à lire... qu'avec... m-m-moi. J'étais curieuse, a-alors, je... j'ai voulu savoir ce qu'il y avait d'intéressant dans ce... ces livres qu'elle aimait tant...

- Ah, ça vient donc de ta mère ?

- Elle n'est pas ma mère. Bizarre... j'aime... l-lire... mais à chaque fois que je t-touche un bouquin, je... ses... je me remémore ses paroles... Malgré t-t-toutes les années qui ont passé... je... elle... pas possible d'oublier ce qu'elle m'a dit... .... Ce jour-là... ».

Daisy afficha un air profondément triste. Agiel comprit que le noyau du problème se trouvait là. Elle l'invita à poursuivre.

C'était dur. Extrêmement difficile de se confier. Mais Daisy réussit enfin l'exploit de vider son sac. La cliente avait le visage inondé de larmes. Agiel, compatissante, la prit alors dans ses bras et lui susurra :

« C'est terminé, maintenant. Ne te laisse plus jamais atteindre par ces insultes gratuites.

- Tu... impossible. Je ne comprends p-pas... pourquoi perds-tu autant de temps avec moi... ? Je suis... u-u-uuune bâtarde... Je ne vaux rien...

- Non, Daisy. Tu n'es ni un être impur, ni une créature inférieure. Tu... tu es toi. Une nigh, comme tous les autres. Personne ne vaut mieux que toi. Nous sommes tous égaux. Les actes de ton père, et la haine de cette femme ne te concernent en rien.

- Agiel... tu...

- Tu as une valeur inestimable à mes yeux. Parce que tu es mon amie ».

Les larmes ne cessèrent de couler. Elle pleurait toutes les larmes de son corps. Mais ce n'était plus des larmes de tristesse. Les paroles d'Agiel firent un bien fou à Daisy.

***

Cela prit par la suite près d'un an, pour que Daisy vainque sa timidité, quand elle en avait dix-neuf. Elle ne se sentait plus inférieure à qui que ce soit, et pouvait discuter normalement avec n'importe qui. Cependant, alors que sa vie prenait enfin une autoroute positive, elle plongea d'elle-même dans un gouffre sans fond.

Marshall comprit que la personne ayant suffisamment d'influence pour attirer le maximum de nigh dans son piège était Agiel. Il lui demanda son aide, mais celle-ci refusa catégoriquement. Alors, il n'insista pas.

Cependant, l'histoire était loin d'être terminée.

Daisy se trouvait assise sur le sol de leur chambre, par terre. Il se faisait tard, mais elle n'arrivait pas à trouver le sommeil. Elle fermait son visage et enroulait les genoux dans ses bras. Une ombre, qui la suivait depuis sa plus tendre enfance, se dessina devant elle. La silhouette d'une femme immense, portant une robe de reine et une couronne.

« On dirait bien que le plan de Marshall n'avance pas », murmura la femme élégante.

Daisy ne répondit pas, fixant le sol.

« J'ai un plan, continua l'ombre.

- Non... laisse-moi tranquille, supplia la nigh.

- Ne veux-tu pas que...

- Va-t-en ! hurla Daisy, fermant ses yeux et bouchant ses oreilles. Je ne veux plus te voir ! Disparaîs !! ».

Cependant, la silhouette demeurait. Elle la voyait et l'entendait toujours.

« Nous devons le faire, harcela l'ombre.

- Non... je t'en supplie... balbutia Daisy, qui commençait à fondre en larmes.

- Marshall est notre ami ! Nous devons TOUT faire pour lui ! Absolument rien ne pourra lui rendre tout ce qu'il a fait pour nous !!

- Oui, mais... comment... ?

- C'est simple. On va forcer Agiel à suivre le plan ».

La reine afficha un sourire sinistre. Daisy était terrifiée par sa proposition :

« De... quoi ?! Mais non !! Jamais je ne lui ferai une chose pareille !

- Si. Je sais comment nous allons faire, sans que personne ne te pointe du doigt.

- Que... comment... ?

- Mentir ! s'esclaffa l'ombre.

- Pardon ?! s'indigna Daisy.

- Tu veux tout faire pour que Marshall soit heureux. Mais si Agiel apprenait que nous sommes de son côté, elle nous en voudra, n'est-ce pas ? Elle est la personne qui t'a libérée de cette prison horrible qu'était ton traumatisme d'enfance. C'est notre seule et précieuse amie, que nous ne pourrions supporter de perdre. Alors, si nous lui faisons croire qu'on nous a obligées à suivre le plan, elle ne pourra pas nous détester.

- Mais... c'est... c'est ignoble...

- As-tu une autre solution, pour qu'il atteigne son but, sans perdre Agiel ? ».

Daisy resta interdite. Cette idée la faisait frissonner.

« Mens ! Mens ! Mens ! MEEENNNNNNNSSSSSS ! ».

Ses larmes coulant à flots, les démangeaisons insupportables l'assaillant, elle poussa un hurlement lugubre. Les propositions se turent. Elle n'entendait plus que ces mots en boucle... jusqu'à ce qu'elle succombe, et accepte d'obéir à la voix.

Elle fit la proposition à Marshall, qui refusa. Cependant, elle insista, encore et encore. Elle lui fit comprendre qu'ils n'avaient pas d'autre choix, s'ils voulaient atteindre son objectif. Il finit par céder. À contrecœur, il alla menacer Agiel de s'en prendre à Daisy, si elle n'acceptait pas de se joindre au projet.

Daisy put préserver son amitié avec elle, cependant... un sentiment qu'elle ne pourrait décrire la dévorait de jour en jour, l'empêchant de trouver le sommeil.

***

L'année de ses vingt ans, elle entra un soir chez son père, après avoir frappé à la porte.

« Tu as l'intention de t'en prendre à Cammy, maintenant ?! s'offusqua-t-elle, sans même le saluer.

- Tu... ? Comment es-tu au courant ? s'étonna Mr. Brown.

- Je... bredouilla-t-elle, je le sais, c'est tout ».

Il lui lança un regard très suspicieux, empli également d'incompréhension. Il poursuivit sèchement :

« Cela fait plus de deux ans que je me mange moi-même. Je n'en peux plus. Si ça continue, je finirai par m'attaquer à des inconnus. Je sais que Cammy, contrairement à toi, n'osera pas se rebeller.

- Je t'en supplie, ressaisis-to...

- Tais-toi ! gronda-t-il. Ne te mets pas en travers de mon chemin... ».

Il lui lança un regard menaçant, avant de quitter son domicile. Ce fut leur dernier contact visuel. Daisy tremblait de peur. Elle savait qu'il était capable de prendre le risque de s'attaquer à elle, en ignorant les conséquences. Elle eut l'idée de prévenir Marshall pour sauver Cammy, mais se rappela des menaces qu'il avait adressées à son père.

Si Marshall était informé, son géniteur se ferait assassiner, sans qu'elle ne puisse changer quoi que ce soit. Les démangeaisons reprirent. Les larmes noyaient ses yeux. Elle se recroquevilla sur elle-même durant toute la soirée, n'osant agir.

Le lendemain matin, elle retourna près de la dépouille de son père. La douleur était un supplice. Cependant, une pensée horrifiante lui traversa soudain l'esprit.

[Le cadavre de Cammy sous ses yeux.

« Pourquoi as-tu fais ça ?! sanglotait-elle. Cammy est... Cammy est une bonne personne...

- Ce qu'elle a fait est impardonnable, se justifiait Marshall.

- Ce n'était pas de sa faute. Sa malédiction fait qu'elle devient l'opposé de sa réelle personnalité...

- Alors, raison de plus pour l'éliminer. Cette malédiction est trop dangereuse. Je ne pouvais pas laisser cela se reproduire ! »].

Elle devait absolument tout faire pour que la malédiction de Cammy ne s'active jamais, sinon, la vision se réaliserait. Marshall, ou plutôt Skill, se débarrasserait d'elle. Elle devait éteindre les émotions du disciple de son père pour la protéger.

Sa respiration devenant haletante. Les sanglots. Les démangeaisons. Se grattant jusqu'à saigner. Son cœur ne cessant de tambouriner...

Le visage de Daisy se déforma. Elle afficha un sourire lugubre, matérialisant la nouvelle prison dans laquelle elle s'était enfermée. Plus le temps passait, plus le gouffre s'élargissait.

Elle prit alors la décision de mentir à Cammy.

***

« Je prétendais être ton amie, Agiel, mais c'est faux, avoue Daisy, la voix brisée. Mon obsession pour être utile à Skill m'a détruite. Ce que je t'ai fait est impardonnable. Ce n'est pas Alice qui devait périr entre tes mains, mais moi. Tout ce que je sais faire, c'est mentir. Dès que je me trouve dans une situation inconfortable, ou que j'ai peur de la réaction d'une personne, je mens. C'est devenu une seconde nature, chez moi. Je suis une personne ignoble, n'est-ce pas ? ».

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