Chapitre 39 : Daisy et Marshall

Après les paroles cruelles de la femme qu'elle pensait être sa mère, Daisy dut supporter le cannibalisme de son père, aveuglé par ses pulsions. Elle finit par trouver un moyen de s'enfuir. Cependant, elle devait par la suite lutter contre le froid.

***


Le blond, dégoulinant de sueur, sentait sa présence. Il pouvait ressentir qu'elle ne pourrait supporter le froid encore très longtemps. Cependant, il n'agit pas immédiatement. Il réfléchissait.

Après trois minutes d'hésitation, il déchira l'enveloppe répugnante des sacs-poubelles, retira son pull léger, et le jeta sur l'adolescente. Celle-ci, tremblotante, sursauta et saisit le tissu.

La chaleur dégagée par le corps du jeune homme l'épargnait momentanément. Daisy ne se posa pas de question et enfila le vêtement le plus rapidement possible, par instinct. Elle avait toujours froid, mais subissait un peu moins. Elle fixa ensuite l'inconnu, dans l'incompréhension. Il devait être majeur - il avait exactement vingt ans.

« Suis-moi », ordonna-t-il.

Il n'attendit pas sa réponse, et commença à marcher. Cependant, la jeune fille ne bougea pas. Malgré la situation, elle se posait de multiples questions.

« Qui était-il ? », « Où l'emmenait-il ? », « Pourquoi lui venir en aide, à elle ? », « Avait-il quelque chose derrière la tête ? ».

Son sentiment d'infériorité la figeait. Ce jeune homme n'avait aucune raison de la secourir, elle, un être impur. Elle n'en était pas digne !

Le blond se retourna. Voyant que la fille refusait de se mouvoir, et tremblait comme une feuille, il poussa un soupir d'exaspération. Sans lui demander son avis, il la prit par la main, l'obligeant à le suivre.

Daisy n'avait pas le courage de protester, non plus. Ils marchèrent très rapidement. En silence.

Elle n'osait lui adresser la parole. Lui, n'avait aucune envie de bavarder. Malgré les toussotements de sa compagne, il ne posa aucune question. Ils allèrent jusqu'au centre de la ville.

Ils arrivèrent face à un immeuble. Le jeune homme ne salua personne, gardien ou locataires, et fonça dans son appartement. Une fois dans la demeure, Daisy remarqua quelque chose.

L'endroit où il vivait était vraiment minuscule. Les murs étaient gris. Il n'y avait aucun cadre, photo ou peinture. Aucune décoration, une chose avec un quelconque motif. Les meubles et tous les autres objets étaient couverts de tissus blancs, masquant les symboles qui y étaient dessinés.

Le blond pointa le sofa, invitant Daisy à s'asseoir. Elle ne réagit pas. Il se renfrogna. Apeurée, elle s'exécuta donc.

Le jeune homme se dirigea, deux mètres plus loin, vers les tiroirs où étaient rangés les ustensiles et autres accessoires de cuisine. Il vint lui tendre une tasse d'eau chaude simple.

Daisy laissa s'échapper une petite larme. Elle ne savait pas qui était cet individu, mais malgré le fait qu'elle était un déchet, il lui était venu en aide. Elle but le liquide. Elle faillit le vomir quelques secondes plus tard, mais se retint.

« M...m-m-m-m-mmmmmme-e-eeeeeerccccccc-c-c-cci », murmura-t-elle, émue.

Le jeune homme haussa un sourcil. Elle avait autant de mal à prononcer un simple mot ?

« J'hésite pour le dîner de ce soir. Soupe ou côtes frites, que préfères-tu ? » demanda-t-il, sans mettre de pression.

Daisy ne parvint pas à répondre. Elle était pétrifiée. Avait-elle le droit de décider ce qu'il allait manger ?

Le blond fit un palm-face, et alla cuisiner son plat, à deux mètres d'elle.

Sur la table de salon, Daisy remarqua qu'il y avait un livre couvert par une sorte de protège-cahier blanc, empêchant de voir la couverture réelle. C'était marqué au stylo : « Comment gérer sa petite sœur ».

Sa passion pour la littérature la tenta à lire, mais ses doigts refusèrent d'obéir.

Elle resta immobile sur le meuble, le temps que le jeune homme termine sa cuisson.

La soupe n'était autre que des bouts de viande qui baignent dans un bol de sang frais. Le cuisinier avait donc opté pour les côtes, qui sont simplement frites à l'aide d'huile graisseuse. Ce que le jeune homme avait choisi, était le repas que Daisy détestait le plus. C'était beaucoup trop lourd, et la digestion, un cauchemar.

Le concerné servit la nourriture. Rien que l'odeur dégoûtait la jeune fille. Elle se força à manger, pour ne pas vexer celui qui se régalait juste à côté. Dès qu'elle termina, elle fonça dans les toilettes justes à côté pour tout vomir : c'était une mauvaise idée de se contraindre à avaler cet aliment.

Lorsqu'elle sortit, le blond ne daigna pas lui poser de question sur son état de santé. Il lui balança un sachet de viande séchée à la figure.

« Essaie ça », lâcha-t-il.

Elle replaça ses lunettes et ramassa le mets, puis fit un sourire timide. C'était le plus facile à digérer !

Il l'obligea après à prendre une douche, et lorsqu'elle commença à s'assoupir, il la conduisit dans une petite chambre, avec un grand lit. La pièce était à l'image du salon : aucun motif.

« Profite bien de cette nuit. Je ne peux te garantir que tu en passeras une de plus ici », avoua-t-il, avant de se retirer.

***


Tard la nuit, Daisy fut interrompue dans son sommeil par des vociférations.

« Non mais t'as complètement perdu la tête, Marshall ?! hurla une voix féminine. Tu nous ramènes une bouseuse sortie d'on ne sait où, alors qu'on galère déjà à se mettre quelque chose sous la dent trois fois par jour ?!

- Qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? rétorqua le prénommé Marshall. Tu as vu le temps qu'il fait dehors ?! J'étais censé la laisser mourir ?!

- Je vois pas où est le problème !! On va tous crever, un jour ou l'autre ! Ça ne te ressemble pas. D'habitude, tu es l'asocial de service. T'as aucun ami, t'adresses jamais la parole à qui que ce soit. Aujourd'hui, tu viens jouer au charitable ?!

- Je sais que ce n'est pas dans mes habitudes, mais c'est une ni... tu sais... elle est comme nous, bredouilla Marshall.

- Et alors ?! Je m'en bats les couilles !

- Liz, tu es une fille...

- Ta gueule !! ».

Daisy entendit des bruits de pas se diriger vers la chambre. Il entra.

« Ma grande sœur ne veut pas de toi une seconde de plus ici, grommela Marshall. Dehors ».

Il ouvrit l'armoire et en sortit deux pulls très chauds, sans aucun motif, non plus. Il en jeta un sur la visiteuse.

« On s'en va ».

Il enfila le sien, n'attendit pas la réponse de la fille et la prit par la main. Ils quittèrent l'appartement.

« C'est ça, barrez-vous !!! » rugit Liz, qui claqua la porte.

Bien qu'il l'eût prévenue, Daisy n'était pas prête. Dès qu'ils sortirent de l'immeuble, elle fut de nouveau assaillie par le froid. Elle en tremblait. Mais surtout, elle était rongée par la culpabilité, le fait que le jeune homme devait quitter son habitation pour ell...

« Ne te méprends pas ! s'écria Marshall en lâchant sa main, la sortant de ses pensées. Ça fait un moment qu'elle m'est devenue insupportable. Elle a changé... il n'y a pas si longtemps, elle t'aurait accueillie à bras ouverts. Mais aujourd'hui, regarde où elle en est arrivée. Si je t'ai fait venir chez nous, c'était uniquement pour la tester. Maintenant, j'ai la confirmation qu'elle n'a plus rien à voir avec celle que je connaissais. Je t'ai utilisé. J'en suis désolé ».

Daisy s'arrêta de marcher sur le coup. Ainsi, encore une fois, elle n'était qu'un simple objet dont on se servait... Pendant un instant, elle s'est crue avoir une quelconque valeur. Cette réalité lui fit de la peine. Beaucoup trop. Elle en avait assez.

Remarquant qu'elle avait arrêtée de le suivre, Marshall revint et la prit de nouveau par la main. N'ayant pas le cran de se rebeller, elle se contenta de se laisser faire, éclatant en sanglots pour une énième fois.

Qu'allait-il faire d'elle, par la suite ?

Daisy et Marshall, après une centaine de mètres de marche, s'installèrent dans une ruelle entre deux immeubles. Les murs manquaient d'hygiène, et certaines personnes s'étaient amusées à y faire des graffitis. Le jeune homme se concentra. Il semblait vérifier que personne ne se dirigeait vers eux. Lorsqu'il en eut la certitude, il tendit sa main. Un symbole de flamme apparut. Il ne faisait plus froid. La jeune fille se sentit envahie par une chaleur réconfortante. Il ne s'agissait pas d'un feu réel. C'était un simple motif, ce qui l'émerveilla.

Elle ne put savoir exactement à quel moment elle s'était endormie. Le matin, lorsque le soleil était déjà éblouissant dans le ciel, elle se réveilla, recouverte du pull de Marshall, en plus. Ce dernier, avec sa chemise blanche, était transpirant, et donnait des coups de pied et de poing dans le vide.

Ils restèrent dans cet endroit pendant environ trois quarts d'heure. Soudain, un individu louche les rejoignit :

« J'ai un service à te demander, s'adressa-t-il au jeune homme. Ma fiancée a beaucoup d'amis masculins qui lui tournent autour. Je sais ce que ce amis veut dire. Je suis un mec, et je connais leurs réelles intentions. Débarrasse-moi d'eux.

- Ça ne m'intéresse pas, rejeta Marshall. Je ne me répèterai pas.

- Quoi ?! insista le client. Je... je te ferai un bon prix. Quelle somme veux-tu exactement ? Je ferais tout pour qu'elle reste à moi !! ».

Le blond ne répondit pas. Dépité, le prospect passa ses nerfs avec un coup de pied dans une cannette de bière vide, et s'en alla en grognant.

En l'espace de deux heures, il reçut six demandes. Toutes étaient aussi égoïstes, les unes que les autres. Marshall les refusa. Finalement, un autre jeune homme vint le consulter, l'air désespéré :

« Je suis nouveau dans un club de musique. Je suis victime de bizutages, de la part de deux membres. Au début, je pensais que c'était pour mieux me faire intégrer au groupe, mais ils sont devenus de plus en plus agressifs et humiliants... ils font de ma vie un enfer. Je vous en supplie, aidez-moi ! implora-t-il, les larmes aux yeux.

- Très bien, donne-moi plus de détails ».

Le jeune homme et la victime s'éloignèrent. Pour la première fois, il ne demanda pas à Daisy de l'accompagner.

Qu'allait-il faire ? Se salir les mains ?

***


Marshall revint quelques heures plus tard de chez le boucher, avec un sac rempli de viande crue. Il invita Daisy à se servir. Ici, ils n'avaient pas le luxe de cuisiner.

Deux semaines passèrent. C'était tous les jours la même routine. Il avait une vingtaine de prospects dans la journée, mais n'acceptait de vendre ses services qu'à deux ou trois. Son revenu n'était donc pas très élevé. Il disparaissait à des heures irrégulières de la journée pour aller on ne sait où, et revenait comme si de rien était, sans commentaire. Il était une sorte de mercenaire. Ce qu'il faisait n'était le moindre doute pas légal.

Mais payait-il ses impôts ?

Cette question brûlait les lèvres de Daisy, cependant, elle n'osait pas lui adresser la parole. Il n'y avait aucune communication entre eux. Elle se nourrissait deux fois par jour, et lui, une seule fois. Cette situation la mettait très mal à l'aise. Il avait commencé à maigrir, mais continuait à s'entraîner sans relâche, et respecter sa déontologie.

Puis finalement, Liz fit son apparition dans la fameuse ruelle. Elle affichait une mine désolée, tandis que Marshall restait totalement impassible.

« Rentre à la maison, vaurien ! » maugréa-t-elle, tentant de régler le problème par la violence.

Elle n'eut droit à aucune réponse. Elle grinça des dents, ne voulant perdre la face. Mais ce fut de courte durée.

« Allez, rentre... tu... tu me manques... Marshall...

- Ne m'appelle pas comme ça, ici. Et ce n'est pas réciproque, lança le jeune homme. Je ne suis plus un enfant. Je sais me débrouiller seul.

- Je comprends. Je... tu as raison. Je ne me reconnais plus. S'il te plaît, reviens. Je te promets que je vais redevenir comme avant...

- Si tu insistes... et elle va rester avec nous ? négocia-t-il.

- Oui ! Elle peut passer sa vie à ronfler dans notre sofa, si ça lui chante ».

Marshall afficha un léger sourire. Liz s'adressa ensuite à Daisy, non sans hausser le ton :

« Et toi, tu t'appelles comment ? ».

Comme à son habitude, la concernée ne put répondre. Liz s'énerva :

« T'es sourde ou quoi ?!

- Elle est comme ça, il faut juste être patient... soupira le jeune homme.

- D... D-D-D-D-D-D.... Daaaisy... balbutia-t-elle, tremblante.

- Ben tu vois, quand tu veux ! s'écria joyeusement Liz. Bon, on file à la maison ! Tout de suite ! Et toi, tête de nœud de petit frère, t'as désormais intérêt à accepter toutes les requêtes et nous faire gagner un max de pognon ! Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?! ».

Marshall soupira. C'est ainsi que le trio se réunit.

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