Chapitre 37 : Question

Alors qu'Al et les autres apprirent que Miranda était toujours en vie, Daisy fit son apparition. Lorsque Cammy serra sa main, celle-ci n'affichait plus la moindre émotion sur son visage.

***

Près d'une heure plus tôt...

Skill est tout seul dans le salon d'Agiel. Ses jambes amputées lui font perdre des quantités colossales de liquide vital. Son téléphone, en très mauvais état, sonne. Il rampe à l'aide de ses coudes pour arriver jusqu'à l'appareil, puis décroche.

« J'appelle avec deux minutes quarante-et-une de retard, vraiment désolée, Skill ! s'excuse Daisy, à l'autre bout du fil.

— Ne te fais pas de souci pour ça.

— Merci ! En revanche, je trouve ce système de devoir t'appeler toutes les heures vraiment saugrenu ! Pourquoi ne me contactes-tu pas toi-même, tout simplement, lorsque tu as besoin de moi ?

— Ne pose pas de questions et retrouve-moi chez Agiel. Immédiatement.

— Pourquoi ? ».

Sans répondre à l'interrogation, Skill raccroche.

Daisy se hâte de se rendre au lieu indiqué. Une fois arrivée, cinq minutes plus tard, elle ne sonne même pas, et entre d'urgence. Dès qu'elle accède au salon, ce dont elle se doutait se confirme. Médusée par ce qu'elle voit, son premier réflexe est de chercher de quoi soigner le jeune homme.

Elle enroule méticuleusement les jambes de Skill afin d'arrêter l'hémorragie, puis s'adresse à lui, affolée, et chagrinée :

« Skill... je... je suis désolée pour Alice... dit-elle en toussant.

— C'est entièrement de ma faute... balbutie le blond, qui était au bord de la perte de connaissance. Je n'aurais jamais dû... la mêler à tout ça... J'aurais dû... me douter qu'Agiel tenterait de se débarrasser d'elle, un jour ou l'autre... répond-il, totalement abattu.

— Avait-elle des complices ?

— Il y avait... cette fille, et ce garçon, qui parlent trop... Je ne me reposerai pas tant que je n'aurai pas leurs têtes.

— Je vois. Repose-toi, je vais m'en charger.

— Daisy... qu'est-ce que je viens de dire... ?

— Que tu ne te reposerais pas tant que... oh...

— Quoi qu'il en soit... soupire-t-il. Toute seule, tu ne peux rien contre eux. Laisse-moi... au moins t'accompagner...

— Ne t'inquiète pas pour moi. Je sais qu'ils ne m'attaqueront pas, affirme-t-elle d'une voix rassurante.

— Daisy... tu... ».

Les paupières de Skill se referment et il se laisse emporter par le sommeil.

***

La tenant dans ses bras, Al comprend que Cammy est infectée. Il déborde de rage. Lorsqu'il s'apprête à intervenir, Agiel l'interrompt :

« Daisy, qu'est-ce qui te prend ?! ».

La créatrice du virus ne répond pas. Soudain, du sang coule de son nez. Elle tousse à plusieurs reprises, avant de s'adosser contre le mur, haletante.

« Elle est déjà à bout de force... ? », réfléchit Al, étonné.

Daisy se redresse légèrement et essuie le liquide rouge. Dans sa posture courbée et son regard creux, on peut ressentir beaucoup de souffrance. Elle s'adresse à son amie d'un ton froid, la voix épuisée :

« C'est plutôt à moi de te le demander. Agiel, te rends-tu compte de ce que tu as fait ? Assassiner Alice était le pire choix pour lequel tu pouvais opter !

— Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ?! rétorque la blonde, en colère. Pourquoi vous vous en prenez systématiquement tous à Cammy ?!

— Elle en sait trop, justifie Daisy qui tousse à nouveau. Elle doit être liquidée. Et toi, Agiel, ce que tu as fait est impardonnable. Accepte les conséquences.

— Qu'est-ce que tu essaies de dire... ? demande Agiel, qui baisse d'un ton.

— Tu devrais savoir que Skill ne sera satisfait que lorsque tu auras rendu l'âme, explique la subordonnée. Tu sais ce que tu dois faire, pour l'intérêt commun ».

Agiel écarquille ses yeux. Son visage se décompose d'affliction. Ce n'est pas la peur de mourir, mais plutôt la position catégorique de son amie qui l'attriste.

« Tu me demandes de me sacrifier... ?

— Oui, confirme Daisy qui ne laisse transparaître aucune émotion. J'ai dû le contaminer avec une dose de virus soporifiques pour qu'il se calme un instant. Mais tu sais bien que lorsqu'il sera revenu à état normal, rien ne pourra l'apaiser. Tout ce qui vous attend, toi, Al et Cammy, c'est le décès. En revanche, si tu te livres, il pourrait les épargner... Qu'en penses-tu ?

— À quoi ça servirait d'épargner Cammy, dans son état ?

— Je la ferai revenir à son état normal, à condition qu'elle ne se mette pas en travers de notre route, et qu'elle et Al promettent de garder ce qu'ils savent pour eux ».

Le silence s'installe dans la pièce. Al ne dit rien, et reste simple spectateur. Il s'assied sur le sofa, seul meuble présent, en compagnie de Cammy. Seuls les toussotements de Daisy se font entendre.

Agiel semble troublée, en conflit avec elle-même. Plusieurs minutes passent. Elle fixe sans but le carreau gris de la salle. Mesurant le pour et le contre, elle songe à la meilleure décision à prendre.

Finissant par relever la tête, elle donne enfin sa réponse, d'un air bouleversé :

« ... Je te suis.

— Très bien, allons-y », valide Daisy, totalement impassible.

Face à cette scène, Al reste interdit. Il regarde les deux jeunes femmes lui tourner le dos, s'apprêtant à quitter l'appartement.

« Non, Agiel ».

Cette voix dénuée de vie...

La concernée et Daisy se retournent. Tous fixent Cammy, estomaqués.

« ... Peu importe, allons-y, poursuit Daisy.

— Wow, wow, une petite seconde, intervient enfin Al, indigné. Qui m'avait demandé de l'aide ? Qui me disait qu'elle voulait sauver ses amis infectés ?! Agiel, me dis pas que t'as sorti ces grands discours pour nous faire un coup pareil ? Où est passée ta détermination ?

— J'ai choisi le moindre mal. Je préfère mourir seule, que de vous voir tous mourir avec moi, murmure-t-elle, avant de s'apprêter à partir.

— Ressaisis-toi ! insiste le jeune homme. Tu ne vas pas quand-même pas...

— Tu ne comprends rien ! ».

Agiel l'interrompt en hurlant. Elle reprend, tentant d'étouffer sa voix submergée par les larmes qui coulent intérieurement :

« Tu n'as aucune idée de ce que j'ai ressenti... la seconde après qu'Alice soit morte... Je ne veux plus jamais revivre ça... Je préfère offrir ma vie, que de devoir à nouveau affronter une amie... Al, tu l'as pourtant combattu, non ? Tu sais que nous n'avons aucune chance contre lui. Alors, si je peux vous sauver en me sacrifiant, je le ferai avec plaisir. Ce monde n'a pas besoin de fripouilles comme moi. Mais les gens comme toi et Cammy êtes indispensables... alors, ne mourez surtout pas, finit-elle en se retournant pour lui faire un sourire mélancolique.

— Tu as déjà mon avis là-dessus. Je te laisserai pas crever.

— Essaie un peu de te mettre à sa place, Al ! s'emporte Daisy. Si tu la respectes réellement, fais de même pour son choix !

— Toi, je te déconseille de la ramener, grommèle Al. Tu sais à quel point ça me démange de t'éclater la tronche, après ce que t'as fait à Cammy. En plus, tu ne t'es pas gênée pour bien te foutre de ma gueule. Tu m'as fait croire que tu voulais réunir les nigh pour qu'Agiel les aide à surmonter leur psychose, alors qu'en réalité, tu cherchais juste à les transformer en zombie. T'étais tellement à fond dans ta mise en scène, que tu m'as même fait croire que t'étais pas au courant du fait qu'ils se faisaient exécuter par la brigade. T'as fait croire à Agiel que Skill t'obligeait à suivre son plan, alors que t'étais de son côté depuis le début. Maintenant, répond. Agiel était quoi, pour toi ? Une amie, ou juste une personne à surveiller ?

— Agiel est mon amie, tranche-t-elle sèchement, tout en se retournant pour tousser.

— Ah ouais... ? Permet-nous d'en douter, vocifère Al.

— Agiel est... mon amie... ».

Le voile se lève finalement. Voyant les petites gouttes mouiller le sol, et l'entendant sangloter, Al comprend les sentiments que Daisy tentait de dissimuler depuis le début.

Celui-ci marche en direction de la sortie, et se positionne face aux demoiselles pour leur barrer la route. Néanmoins, les larmes de la créatrice de virus lui font ressentir une empathie qu'il ne se voyait pas éprouver quelques minutes de cela.

« Si tu le dis... dit-il en baissant d'un ton. Je ne suis pas ton pote : tu n'étais que ma correctrice. Cependant, il y a une personne ici à qui tu dois des explications. Comme je le dis à certains antagonistes que je croise, je doute que tu fasses tout ça par plaisir. Alors, dis... pourquoi t'as décidé de te ranger du côté de Skill ? Si après avoir entendu ta réponse, elle décide quand-même de se suicider la gueule, je ne m'y opposerai pas. Mais pas avant. Je ne te garantis pas que je ne vais pas aller le défoncer, lui et ses sbires, après, en revanche.

— Tu as raison... soupire Daisy. Je me dois d'élucider cette question. Skill et moi, nous sommes rencontrés avant que je ne connaisse Agiel. Par contre, cette rencontre n'était pas dans les meilleures des circonstances... ». 

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