Chapitre 32 : Anciennes amies.

Les deux opposantes se font face dans le couloir menant à la chambre où est prisonnière Cammy.

« Pourquoi ne pas l'avoir éliminée directement au lieu de lui trancher la veine ? questionne Agiel, dubitative, armée de son sac en plastique lourdement chargé.

- Pour te donner une chance de la sauver, répond la brune.

''La sauver'' ? Donc faire d'elle une coquille vide tu appelles ça ''sauver'' ?! hausse-t-elle le ton.

- Non seulement elle resterait en vie, mais ne souffrirait également plus pour une quelconque raison. Mais en lui révélant la vérité, tu m'obliges à la supprimer. Tu ne comprends rien !

- C'est toi qui ne comprends RIEN !!! s'exclame la blonde. Tu appelles ça une ''vie'', franchement ?! Je préfère de loin la mort !

- Très bien. Alors, je la laisserai périr à petit feu, si c'est ce que tu souhaites !! », hurle à son tour Alice.

Elles s'échangent mutuellement un regard empli d'hostilité, sachant pertinemment qu'elles n'ont désormais plus rien à se dire.

Alice tend son bras vers son amie devenue ennemie. Elle fait apparaître une balise jaunâtre de forme circulaire, avec au milieu un symbole de cadenas, qu'elle propulse sur Agiel. La cible esquive facilement la technique.

Cependant, la balise change de trajectoire, puis se dirige à nouveau sur Agiel.

« C'est bien ce que je pensais, se dit-elle. Alice utilise sa technique de la ''cible verrouillée'' à chaque fois qu'elle veut me surveiller. Elle peut ainsi voir et entendre mes moindres faits et gestes. Mais surtout, lorsqu'elle est active, il m'est impossible d'esquiver ses attaques, car elles sont programmées pour constamment me cibler, jusqu'à ce que je sois atteinte. De plus, dans ce couloir, je serai limitée dans mes déplacements ».

Pour gagner plus d'espace, Agiel se rue vers la sortie du couloir, toujours poursuivie par la balise. Lorsqu'elle rejoint le salon, elle fait sortir le drap qui était plié dans son sac en plastique, et d'un geste vif, s'en sert comme arme pour frapper le cadenas.

Au contact, l'étoffe est illuminée par la couleur jaunâtre de la balise, et échappe des mains d'Agiel pour tomber sur le sol. Agiel tente de la ramasser, mais le drap est bloqué sur le carreau. Impossible de le faire bouger.

« Ma théorie était correcte, pense la blonde, satisfaite. Bien que ses balises me suivent quoi que je fasse, il suffit qu'elles touchent autre chose pour les verrouiller à ma place et disparaître ».

Alice, rejoignant à son tour le salon, est éberluée de voir que sa technique a échoué.

« Pas mal, se reprend la brune d'un ton froid. Mais combien de temps tiendras-tu ? ».

Une vingtaine de balises encerclent Agiel. D'un mouvement du revers de la main, Alice les fait tourbillonner autour de son ennemie et l'accule de tous les côtés.

La blonde ne se laisse cependant pas impressionner. Ne manquant pas d'objets dans son sac, elle fait sortir tour à tour la couette, l'oreiller, l'élastique à cheveux de Cammy, les téléphones, l'ordinateur portable, les chaussures, les vieux vêtements.

Elle tourne continuellement sur elle-même telle une toupie. Elle déballe les objets à une vitesse telle qu'elle n'en a jamais eue, et frappe les balises qui disparaissent successivement autour d'elle, au fur et à mesure que ses armes tombent et s'immobilisent sur le sol.

Alice est stupéfaite par cette vélocité et réactivité de la part de son opposante, à un tel point que son tourbillon se fige pendant une fraction de secondes.

L'instant qu'Agiel attendait est arrivé. Profitant du fait que la brune baisse sa garde, elle fonce sur elle pour lui asséner un coup fatal.

Tout d'un coup, la blonde est figée. Ses pieds refusent de lui obéir. Elle regarde le carreau et voit une grande balise d'un mètre de diamètre marquée sur le sol.

Elle comprend qu'Alice avait anticipé sa stratégie, qu'elle n'était pas surprise, mais avait plutôt fait semblant de l'être. Elle a donc placé ce piège exactement au moment où Agiel s'apprêtait à exploiter l'ouverture qu'elle avait laissée.

« Tu as perdu, avance la brune. Je te rassure, je ne vais pas te tuer. Je vais laisser Skill décider de ton cas.

- Attends, Alice... désespère Agiel. S'il te plaît, ne fais pas ça...

- Tu t'es rebellée contre nous, tu vas devoir en assumer les conséquences... !

- Nous sommes amies, n'est-ce pas... ? Tu ne vas pas...

- Silence ! Tu dis ça quand ça t'arrange ! Mais nous savons pertinemment qu'il n'y a plus aucun lien entre nous... !

- C'est réellement ce que tu penses... ? ».

Exaspérée par les supplications d'Agiel, Alice dépose son doigt sur les lèvres de celle-ci. Sa bouche se referme, scellée. La blonde ne peut plus prononcer le moindre mot.

Alors, il ne lui reste plus qu'une seule chose. Les yeux. Elle lance un regard apitoyant à Alice. Un regard tellement implorant que c'en est gênant.

« Arrête de me regarder comme ça ! s'énerve Alice. C'est fini pour toi... ! Accepte-le ».

Agiel ne cesse d'insister. Cette situation de malaise dure de longues secondes.

« Ne m'oblige pas à faire ça... ».

Malgré la menace d'Alice, la désespérée s'obstine. La brune, dans un excès de colère, touche les paupières d'Agiel qui se referment.

La malédiction s'active. La piégée éclate en sanglots et se recroqueville sur elle-même. Chose qu'Alice regrette à l'instant. Elle accourt vers son ancienne amie.

« Agiel, non... ! s'inquiète-t-elle. Je suis désolée, je ne voulais pas... ».

Un coup brutal se dirige brusquement dans la poitrine de la brune. Cependant, la main d'Agiel est bloquée par une balise qui s'est placée juste à temps devant le torse de son adversaire.

« Je te connais trop, avance Alice. Tu ne m'auras pas avec des tactiques aussi prévisibles ».

Agiel a poussé Alice à lui faire fermer ses yeux pour activer sa malédiction. Elle savait que la brune éprouverait des remords, ce qui créerait à nouveau un moment d'inattention, et la pousserait même à désactiver inconsciemment le verrouillage qui la paralysait.

C'est ce qui s'est passé, et la psychologue en profita pour attaquer. Mais son opposante se ressaisit au dernier moment.

« C'était une balise improvisée. Je ne me suis pas suffisamment concentrée pour verrouiller tout ton corps, seule ta main est paralysée, explique Alice. En revanche, tu es à court d'objets pour te défendre. Et tu ne peux plus bouger comme tu le souhaites, alors... ».

Une trentaine de nouvelles balises encercle Agiel. Un silence pesant s'installe. Alice n'a pas besoin de terminer sa phrase. Elles savent toutes les deux que la blonde a perdu.

« Est-ce que je peux quand-même dire une dernière chose... ? obtempère la piégée.

- NON ! Te connaissant, ce n'est qu'une tentative pour gagner du temps et trouver une solution ! rejette sèchement Alice.

- Tu sais que je déteste les humains, insiste quand-même Agiel tout en fermant les yeux. Et par-dessus-tout, les souvenirs qui se ravivent à chaque fois que je cligne des yeux me répugnent... ».

Le ton de la blonde est de plus en plus aversif. Alice fronce les sourcils, ne comprenant pas où elle veut en venir.

« Mais tout ceci n'est rien comparé à ce que je ressens chaque fois que je pose mon regard sur toi... continue Agiel, qui rouvre ses yeux débordant de colère. Il n'y a personne que je déteste... Plus que toi... ».

Elle lui adresse ses propos avec tellement de haine, qu'Alice en est choquée.

« Je savais depuis longtemps que notre amitié n'existait plus... Mais alors... Pourquoi ces paroles me font aussi... Mal... ? », se demande la brune au bord des larmes.

Troublée par ses sentiments, sa réaction est trop tardive. Une lance foudroyante s'abat sur Alice. Lorsqu'elle réalise, elle constate que la main d'Agiel a traversé sa cage thoracique pour ressortir par son dos. Son cœur a été pourfendu. Elle crache énormément de sang.

Mais lorsqu'elle regarde plus attentivement, la blonde n'a plus un regard haineux, mais plutôt... Triste.

« Tu as... Utilisé ton pouvoir... Sur moi... ? rassemble-t-elle ses dernières forces.

- Non, je t'ai juste menti, avoue Agiel »

La psychologue retire sa main de son abdomen, Alice s'écroule dans les bras de son amie.

« Je suis désolée... Marshall... », a-t-elle une dernière pensée pour son bien aimé.

Alice rend l'âme, avec autant de soulagement que de regrets.

Agiel sent le corps se refroidir contre elle. Elle ne bouge pas, et n'émet aucun son pendant de longues minutes, comme pour faire son deuil.

Un peu plus tard, Cammy ayant récupéré ses pouvoirs finit par rejoindre à son tour le salon. Elle est toujours un peu affaiblie.

« Non... Pourquoi... ? Il n'y avait pas d'autre solution... ? dit-elle avec chagrin en voyant Alice.

- Elle serait une ennemie redoutable... explique Agiel. Elle n'aurait jamais trahi Skill. Son pouvoir était extrêmement dangereux... Ma stratégie ne pouvait marcher deux fois contre elle... ».

Sans dire mot, Cammy ouvre ses bras. Agiel se laisse aller et la serre fort contre elle, pour évacuer toute sa peine.

[...]

« Dis, Agiel... C'est qui, lui ? ».

Suite à la question de Cammy, la blonde se décolle d'elle et se retourne.

À la vue du jeune homme, Agiel écarquille ses yeux d'ébahissement. Elle ne pouvait envisager un pire scénario.

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