Chapitre 24 : Jonathan (part. 2).

 Cammy, au pied du mur, finit par perdre connaissance.

J. et Spie se font face. Le brigadier est au bord de l'effondrement, et fournit des efforts titanesques pour tenir encore debout.

Cependant, malgré l'état déplorable de son ennemi, Spie est sur ses gardes et extrêmement vigilant.

« Il n'y a qu'une seule possibilité, pense Spie, qui évalue la situation. Il va concentrer tous ses efforts dans une seule et unique attaque, avant de s'écrouler. S'il m'atteint, c'en est finit de moi. Si j'esquive, j'aurai gagné. Bien qu'il soit terriblement affaibli, son offensive sera puissante et extrêmement rapide. L'attaquer en premier lui offrirait une ouverture qui me conduirait tout droit dans ma tombe. Alors, il ne me reste plus qu'à canaliser quatre-vingt-dix-neuf pour cent de mon Drive dans mes bras et mes jambes pour réagir suffisamment vite. Et je l'achèverai avec l'énergie restante. »

Son analyse terminée, la terre subit une légère déformation. Dans le dos du criminel, un globe oculaire collé au sol apparaît, lui permettant de surveiller ses arrières. Il met ensuite son plan à exécution et observe son adversaire, concentré, tel qu'il ne l'a jamais été.

De son côté, J. canalise également pratiquement toute son énergie vitale dans ses membres et s'apprête à lui asséner une attaque qui décidera de l'issue de combat, comme prévu par son adversaire.

Le silence se fait long. Aucun des deux individus ne relâche son attention, car ils savent pertinemment que baisser leur garde, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, leur serait fatal.

Le sol sur lequel se tenaient les jambes de J. se craquelle brusquement. Propulsant son corps le plus rapidement possible, Jonathan fonce sur son adversaire sans détour.

Spie n'a même pas le temps de réagir, que le brigadier, d'une vélocité incomparable, lui administre un coup de poing chargé de toute la détermination dont il fait preuve. Impossible à esquiver, ni à parer, le nigh ne peut que le subir, complètement paralysé.

À quelques millimètres de sa cible, le poing de Jonathan se stoppe net.

Cependant, même s'il n'est pas atteint, le coup produit un souffle violent qui propulse le corps de Spie sur plusieurs mètres et emporte avec lui poussière, pierres et blocs de terre.

La main figée, J. ne peut plus se mouvoir. Il crache énormément de sang, avant de s'effondrer sur le sol qu'il vient de raser.

Toujours sous le choc de ce à quoi il vient d'échapper, Spie reste inerte. Le visage dégoulinant de sueur, il affiche une expression de terreur pendant quelques secondes, avant de reprendre ses esprits.

« Ouf, j'ai bien failli avoir peur... Quel idiot. Il a gaspillé toute son énergie, et il a effectué une tentative désespérée pour rien », se rassure Spie.

Un sourire de satisfaction sur le visage, il marche, triomphant, vers le vaincu.

« Belle tentative. Mais... bien que tu sois habitué à résister à la douleur, tu restes un simple humain, sans capacité de régénération. L'hémorragie interne a commencé depuis un moment. Tu ne tarderas pas à te noyer dans ton propre sang et à succomber, sans même que je n'aie besoin de t'achever... »

Son plaisir atteignant son paroxysme, il rit aux éclats.

« Tu as perdu, J. ! Ta route s'achève ici !! »

Son ricanement s'estompe lorsque son cœur se fait subitement pourfendre par une arme ennemie.

« Tu as peut-être des yeux derrière la tête, mais tu ne l'as pas vue venir, celle-là, hein ?! s'exclame une voix féminine dans son dos.

— Vous... !! », constate-t-il, en voyant Barry et la jeune adulte qui vient de lui asséner le coup fatal.

La guerrière retire son arme sanguinolente, une règle de tableau jaune d'un mètre. Spie s'écroule dans un désagréable sentiment de stupéfaction.

Il fait une réflexion et découvre finalement ce que J. avait réellement en tête :

« Je vois... la dernière attaque de J. n'avait pas pour but de m'éliminer, car il avait envisagé la possibilité qu'il atteindrait sa limite. Il cherchait tout simplement à détruire le globe oculaire que j'avais créé grâce à l'onde de choc provoquée par son poing, afin que je ne puisse plus surveiller mes arrières. Il savait que ses subordonnés étaient toujours à ma recherche, et qu'ils avaient probablement été attirés par le brouhaha provoqué par son affrontement avec la gamine. Il n'avait aucune garantie qu'ils interviendraient à temps, mais savait que l'euphorie de ma victoire me ferait baisser ma garde, et que je deviendrais une cible facile... Il a tout misé là-dessus... Qu'est-ce qui a provoqué ma défaite... ? Sa chance ahurissante ou ma présomption... ? »

­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­C'est la dernière pensée de Spie, avant qu'il ne rende l'âme.

­­­­­­­­­Voyant l'état de J., Barry fonce vers lui, en panique. Sa collègue, Kerry, paraît moins affolée. Elle s'approche également aussi vite qu'elle le peut.

« Alors ?! hurle Barry.

— Son état est critique... il est condamné. Même s'il s'en sort par miracle, il ne pourra plus jamais combattre. »

Barry affiche un air profondément dévasté, tandis que Kerry sourit. Elle sort une sorte de bonbon rose de sa poche.

« Avale ça, Jojo », dit-elle simplement.

Ayant une confiance à toute épreuve en sa subordonnée, Jonathan écarte ses lèvres. Kerry lâche la sucrerie qui se glisse au fond de sa gorge.

« Mais nan, je plaisante ! s'exclame-t-elle. C'est pas quelques côtes cassées et une petite blessure au ventre qui vont avoir raison de lui !

— Tu crois que c'est le moment de plaisanter et de manger des sucreries ?! s'énerve Barry.

— Calme-toi, Barry, intervient J. d'une voix un peu plus vive. Elle a raison, je ne vais pas si mal. »

Bien qu'extrêmement soulagé, Barry insiste énergétiquement :

« Tu as quand-même besoin de soins urgents !!

— N'empêche, ce n'est pas très courant de te voir dans cet état, continue Kerry. Ils se sont mis à deux contre toi ?

­— Non, elle m'a affronté toute seule.

— Tu veux dire que c'est la gamine qui t'a fait ça ? continue la jeune adulte. Tu as beau avoir gagné, elle ne t'a pas raté...

—Je n'ai pas gagné... c'est plutôt elle... qui m'a épargné... » avoue-t-il calmement.

Les deux subordonnés sont estomaqués par cette déclaration.

« Mais enfin, c'est complètement impossible !!! rétorque vigoureusement Barry.

— Bah... si c'est Jojo qui le dit, c'est que ça doit pas être une blague...

— Peu importe ! continue Barry. Achevons-la, avant qu'elle ne récupère ! »

Barry marche dans la direction de Cammy, bien décidé à l'éliminer. Soudain, une voix se manifeste avec autant de vigueur que la sienne. Jonathan conteste :

« Attends !! »

Barry se retourne, avant de répondre, presque choqué :

« ... Quoi... ? »

L'air froid et impassible de J. laisse place à l'expression hésitante de Jonathan. Kerry, quant à elle, ne dit rien et reste simple observatrice.

Suite au regard insistant de Barry, J. se décide finalement. Elle a beau avoir résisté à ses pulsions cette fois, rien ne garantit qu'elle y arrivera indéfiniment. Il se prononce donc, de son habituel ton indifférent :

« ... N'oublions pas de ramener sa tête. »

***

Plus tard la nuit, dans la résidence de Kerry, elle reprend enfin connaissance, ouvrant lentement ses yeux.

Couverte de bandages, la tête posée sur les cuisses de Kerry, un goût légèrement sucré dans la bouche, Cammy constate qu'elle n'est pas chez elle.

« Je suis où, là... ? »

Elle remarque qu'elle se trouve dans un petit salon. Puis, lorsqu'elle est plus lucide, elle constate qu'elle partage le sofa avec...

« KERRYYYYYYY !!! »

Elle sursaute, effarée, avant de s'éloigner très rapidement du meuble.

« Ah tiens, tu as enfin repris tes esprits. Tu me connais ? s'exprime Kerry, un sourire aux lèvres.

— Ben ouais, comment ne pas te connaître ? T'es encore pire que l'autre ninja pour dégommer des nigh ! explique-t-elle, méfiante, en prenant une position de garde.

— Ce que tu dis n'est pas faux... Donc, si je comprends bien, je t'ai trouvée inconsciente, je t'ai amenée chez moi, stoppé l'hémorragie, j'ai attendu que tu te réveilles, tout ça parce que c'est beaucoup plus marrant de te tuer, une fois que tu auras repris connaissance ? » ironise-t-elle avec exagération.

Cammy se rend compte qu'elle n'a aucune raison d'avoir peur d'elle et prend un ton plus serein :

« Ah... euh... ouais, t'as raison, c'est débile de ma part, désol...

— Et bah, c'est exactement ça, en fait ! » affirme Kerry d'un rictus diabolique.

Cammy tressaute et reprend sa posture de défense, redoublant de prudence. Kerry se met alors à pouffer de rire, faisant comprendre qu'elle blaguait.

« Bon, tu vas me tuer, ou pas ? Sois plus explicite, souffle Cammy, visiblement pas très amusée.

— Mystère.

— Pourquoi m'avoir sauvée ? Je suis une fugitive, non ?

— Non, ne t'inquiète plus pour ça.

— Pourquoi... ? Et J., il va bien ?!

— Comment veux-tu qu'il survive, avec un estomac quasi arraché ?! » vocifère la brigadière.

Kerry la fusille d'un regard accusateur. Le visage de Cammy se décompose de tristesse. Elle s'en veut atrocement de lui avoir porté un coup aussi fatal.

« Mais non, je plaisante ! Si seulement tu pouvais voir ta tête ! s'esclaffe Kerry. Il a tout simplement décidé de te laisser en paix.

— C'est absolument pas drôle !!! grogne-t-elle. Ce sarcasme, et cette manie de faire des blagues moisies, tu me rappelles un certain zombie.

— Excuse-moi, ma petite Camille.

— Mais... je ne m'appelle pas Camille...

— Je sais, mais ton prénom ressemble à une version arrondie de Camille.

—C'est... c'est qu'elle n'a pas tort, en plus... Bon bah, je crois que je vais y aller.

— D'accord, à plus tard », dit Kerry en lui souriant.

Cammy la fixe alors curieusement.

« Je sais, continue Kerry. Là, tu te dis certainement : Elle a cru qu'on était potes, ou quoi ? Et moi, je réponds : c'est toujours mieux de dire à plus tard, en souriant à une inconnue, plutôt que de lui dire adieu, avant de lui arracher la tête. Tu ne crois pas ?

— Ah... euh... pas faux... À plus tard, alors ».

Cammy lui fait un sourire sympathique, ouvre la porte et s'en va.

Les nigh doivent se concentrer pour soigner une partie spécifique de leur corps. Cependant, leurs cellules se renouvellent automatiquement, même quand ils ne sont pas conscients. En contrepartie, cette régénération est très lente, car leur organisme referme toutes les blessures simultanément, ce qui multiple le temps de guérison.

Ainsi, si un individu peut soigner un bras en quinze minutes en se concentrant, la régénération automatique prendra une trentaine de minutes s'il a les deux membres tranchés, et près d'une heure s'il a d'autres blessures graves.

***

Un peu plus tôt à la brigade, Kerry se trouve assise face à son chef, dans son bureau.

« Comment ça, ce n'est pas une nigh ?! s'écrie le patron, aussi surpris que contrarié.

— Bah, c'est ce que Jojo en a déduit, après l'avoir observée, explique-t-elle de manière très détendue. Elle est même végétarienne, au fait.

— Lors de son test des aptitudes physiques, elle a dévié la trajectoire de la bille que l'examinateur lui avait lancée pour la réceptionner ! Comment expliques-tu cela ?!

— Il a très probablement mal vu, surtout avec la vitesse à laquelle il la lance.

— Alors, pourquoi J. est-il revenu dans cet état ?! »

Tranquillement, elle fait sortir la tête de Spie d'un sac à dos et continue :

« J'allais y venir. Ils se sont affrontés, lors d'une patrouille. C'était un sacré adversaire. C'est pas un niveau trois pour rien. »

Toujours aussi mécontent, il réfléchit, les mains croisées sur la table.

« Ne vous en voulez pas, ça arrive à tout le monde de se tromper, tente-t-elle de rassurer, le sourire aux lèvres.

— Hm... je suppose que J. n'est pas invincible... Bien, tant qu'il s'en sort, tout va bien. Tu peux disposer. »

En sortant, dès qu'elle referme la porte du bureau, elle pousse un long soupir de soulagement, évacuant tout le stress qu'elle dissimulait face à son chef.

« Qui aurait cru qu'il me demanderait un jour d'inventer un mensonge pareil... pense Kerry. Enfin, je suppose que J. restera toujours Jonathan, quelque part... »

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