Chapitre 17 : La tasse (part. 2).

 Le jeune homme tremble comme une feuille face à Agiel. Il n'a jamais ressenti de peur aussi viscérale. Un large sourire aux lèvres, son adversaire se jette sur lui et transperce son abdomen avec sa main.

Al n'a même pas réagi. Il se contente d'écarquiller ses yeux en crachant du sang.

Elle retire sa main sanguinolente et pourfend de nouveau le ventre d'Al, enchaînant impitoyablement coups sur coups, déversant progressivement son liquide vital.

Submergé par la douleur, le jeune homme ne tient plus sur ses jambes. Il perd tous ses moyens, toute capacité à agir. Il ne peut même plus parler. Dès qu'il ouvre sa bouche, ses lèvres ne font que trembloter. Il est tout simplement pétrifié.

« Ça m'apprendra, à crier victoire trop vite... pense Al, qui regrette amèrement sa grossière erreur. C'est vrai que c'est bien d'avoir confiance en soi, mais la confiance excessive est l'un des sentiments qui conduisent le plus vite dans la tombe... »

Il écarquille soudain ses yeux.

« Sentiment, hein... », se dit-il.

Il s'écroule de tout son long sur le dos, manifestant une horrible expression de douleur. Jubilant de le voir dans cet état, incapable de bouger ou d'effectuer une quelconque riposte, Agiel prend son ennemi à califourchon. Elle enfonce ses doigts dans les muscles de son bras droit.

Elle se fait une joie de les déplacer à l'intérieur de sa chair pour y laisser des traces de griffures particulièrement profondes, sous les cris de douleur du torturé.

Les hurlements d'Al sont un délice pour ses oreilles, ce qui la pousse à continuer. Il la supplie du regard d'arrêter. Implacable, elle saisit ensuite la main droite du jeune homme. Avec son index, elle sectionne lentement, prenant tout son temps, avec un immense plaisir, chaque doigt de son adversaire, Ce dernier ne retient pas ses cris d'agonie, de plus en plus forts et perçants.

Avant de se débarrasser d'Al, Agiel est bien décidée à lui faire payer pour avoir joué avec ses sentiments. Elle n'a pas l'intention de mettre fin à son supplice de sitôt. Il perd beaucoup de sang.

Malgré tous les sons stridents qu'ils produisent dans ce règlement de comptes, personne n'est attiré. Aucun individu en vue aux alentours. À croire que cet endroit est une zone fantôme.

« Pathétique ! se moque-t-elle. Comment peux-tu crier ainsi ?! Espèce de lâche ! »

Humiliant son adversaire, elle saisit la langue du martyr et la tranche d'un mouvement sec.

... C'est ce qu'elle avait prévu de faire.

Contre toute attente, Al stoppe net le bras d'Agiel avec son autre main, encore intacte. Cette dernière commence à sentir des brûlures. Le jeune homme écarte ses doigts. D'un mouvement de balayage, il libère une vague de flammes intenses qui se déchaîne dans les airs.

Agiel s'éloigne très vite. Elle est surprise de voir Al se relever, alors qu'elle pensait que la partie était terminée.

« Comment... ? Tu n'étais pas censé pouvoir réagir !

— Ah oui... ? Je viens de comprendre un truc... articule difficilement Al, la voix toujours tremblante. Tu m'as fait croire que tu n'utilises pas ta capacité... mais en réalité... tu t'en sers depuis le début... Ton concept est celui des sentiments... autrement dit, tu peux contrôler les émotions des autres, autant que tu le souhaites...

— Qu'est-ce qui te fait croire ça ? réplique-t-elle en fronçant les sourcils.

— Tu m'as laissé... quelques indices pour le déduire... Tu m'as dit que tu brises les amitiés en faisant ressentir de la colère à tes victimes... Ta malédiction est également en rapport avec... tes émotions... Tu es douée pour manipuler les gens, certes... mais pour me déconcentrer, tu as ajouté une couche de ton pouvoir pour que ton plan soit efficace... parce que tu sais que de simples mots ne suffisent pas. Tu m'as fait ressentir une forte dépression... de l'excès de confiance... et maintenant de la peur... pour brouiller mon esprit et me faire agir à tes fins.

— Bravo, champion ! », lâche-t-elle avec désinvolture.

Une réponse ambigüe ayant pour but de faire douter l'adversaire. Le déconcentrer en préoccupant son esprit par le fait de vouloir savoir s'il a raison ou non. En plus de ça, le jeune homme ressent toujours une peur extrême.

Malgré la douleur et sa situation très délicate, Al se tient droit et défie son adversaire d'un regard déterminé.

Agiel, exaspérée par l'obstination de son adversaire, fonce sur lui. Elle enfonce de nouveau sa main dans le bras du jeune homme, alors qu'elle visait sa poitrine. Il a tenté une esquive, cependant, a réagi trop tard. Toujours engourdi par la terreur, les mouvements d'Al sont bien trop maladroits. La jeune femme continue sans relâche de lui lacérer le cou, le visage, le torse, sans pour autant toucher les parties qu'elle vise.

Néanmoins, il commence à perdre trop de sang.

Brusquement, Al intercepte la jeune femme en pleine offensive. Il saisit la nuque d'Agiel et la réceptionne avec un coup de genou dans le menton qui la surprend, aussi bien par la rapidité, que sa brutalité.

Elle se fait catapulter à une dizaine de mètres dans les airs, puis retombe dans le jardin. Le liquide rouge coulant de sa bouche arrose le sol et elle se tord de douleur. Al s'est libéré progressivement. Maintenant, la peur n'a plus aucun effet sur lui, chose que la meurtrière n'avait pas prévue. Il parle à présent correctement :

« Abandonne. Ce combat n'a aucun sens.

— Abandonner... ? répond-elle en se relevant, n'ayant rien perdu de sa résolution. Pourquoi insistes-tu autant ?! Qu'est-ce que tu gagnes à t'obstiner ainsi ?!

— Pour toutes les victimes qui n'auront pas mérité le sort que tu leur réserves.

— Pourquoi t'accrocher à venir en aide à des gens que tu ne connais même pas ?! Leurs problèmes ne te concernent en rien !!! »

Fermement décidé, Al ne vacille pas devant les propos de son adversaire :

« Ah oui ? Dans quel genre de société on vivrait, si à chaque fois que quelqu'un se trouverait dans la mouise, les autres lui tourneraient le dos pour qu'il se démerde tout seul, parce qu'ils en n'ont rien à foutre ?! Tu me demandes de rester les bras croisés, pendant que tu fous la merde dans la vie des gens ?!! Je ne les connais pas, et j'ai pas besoin de les connaître. Mais je continuerai de me battre pour eux... mais également pour toi.

— Pour moi... ?

— Oui. Te venger sur des gens qui ne t'ont rien fait, pour un soulagement éphémère ne t'apportera jamais la véritable quiétude. C'est pas ça la solution... »

Agiel grince des dents de rage suite aux conseils d'Al. Elle lui hurle dessus :

— Oh je vois. Alors, dis-moi, quelle est la solution ? Comment faire pour que cette maudite scène cesse de tourner en boucle dans mon esprit, Mr. Le Sage ?! Vas-y, propose-moi tes idées, je t'écoute !!!!!! »

Elle se jette sur lui.

Elle est dominée par une fureur et un désespoir tels, qu'elle est plongée de jours en jours dans un gouffre dont la profondeur ne cesse de croître.

Elle se laisse dominer par ses émotions, au point où on croirait qu'elle en perd la raison. Ses attaques sont d'une violence extrême. Si Al en encaisse une, il se fera sans aucun doute décapiter sur-le-champ.

Cependant, très calme, il lit clairement dans ses mouvements et elle n'arrive pas à le toucher. Il se baisse légèrement et s'apprête à contre-attaquer.

Toutefois, ce qu'il ignore, c'est qu'Agiel a remarqué que son adversaire a remarqué qu'elle avait perdu son sang-froid. Sa folie n'a pas duré plus de dix secondes et le reste de ses attaques était calculé, afin d'induire le jeune homme en erreur. Elle a également constaté qu'Al se baisse toujours légèrement, avant de contre-attaquer.

C'est ainsi que dès qu'il tente son assaut, le jeune homme se fait intercepter à son tour par un terrible coup de genou en pleine figure.

« Ton style de combat n'inclut pas de coups de pied. »

Agiel a bien mémorisé cette phrase pour la retourner contre son adversaire, n'ayant absolument pas anticipé ce coup de pied.

Une vive douleur traverse le crâne d'Al. Ses os du nez se font fracturer.

Le visage quasiment aplati, il devrait normalement se faire projeter. Contre toute attente, le jeune homme résiste à la puissance de l'attaque. Armé de toute sa volonté, il serre les dents.

Ahurie par sa ténacité exceptionnelle, Agiel baisse sa garde un court instant. Ce qui suffit pour encaisser un coup de poing fulgurant dans le visage. Elle se fait propulser contre le tronc d'un grand arbre, le déracinant sur son passage et s'étale de tout son long.

Al a dû puiser dans pratiquement tout son Drive afin d'augmenter la résistance de son corps, et profiter de l'action pour placer une technique particulière. Épuisé, le nez en sang, il perd l'équilibre et tombe sur ses genoux, puis se tient à quatre pattes. Il commence également à ressentir les effets de l'anémie, suite à ses nombreuses blessures.

Agiel se relève avec beaucoup de peine et revient à la charge.

« Tu n'étais pas censé pouvoir te battre aussi efficacement... balbutie-t-elle. Tes doutes... et ta peur... auraient dû te déconcentrer...

— Doutes... ? Je n'avais aucun doute... j'étais persuadé que mon analyse sur ton pouvoir... était la bonne...

— Et alors... ?! Comment as-tu fait pour résister à tes émotions... ?!

— Tu ferais mieux de te calmer... sinon, ton visage risque de prendre cher...

— Mon visage... ? De quoi tu parles... ? »

Agiel n'est aucunement intimidée par l'avertissement d'Al. Elle avance, toujours résolue à le détruire. Elle n'a cependant pas remarqué la bulle d'eau collée sur sa joue, à cause du sang qui y coule. Il a subtilement déposé cette technique lorsqu'il lui a administré le dernier coup de poing.

« Je t'aurai prévenue... »

Aussitôt sa phrase terminée, la bulle éclate en produisant une minuscule explosion d'énergie blanchâtre qui dévore le visage de la jeune femme. Brusquée par cette attaque insoupçonnée, elle perd l'équilibre et tombe sur son bassin. Prise d'une douleur infernale, elle tente de toucher par réflexe la partie blessée.

Elle pousse un cri d'effroi en comprenant que la moitié droite de son visage a été consumée. Elle a un trou béant entre le bas de la mâchoire et son oreille.

Cette blessure grave lui fait perdre très rapidement d'importantes quantités de sang.

Un individu peut donner l'apparence qu'il veut aux techniques qu'il crée grâce à son pouvoir. Cette compétence d'Al consiste à créer une bulle d'eau factice, pour laquelle il dépense une quantité de Drive déterminée. Lorsque la bulle éclate, elle produit une explosion blanche qui réduit à néant tout ce qui entre en contact avec. Le champ d'action de la détonation varie en fonction de l'énergie consommée.

Très affaiblie, Agiel n'arrive pas à se relever. Elle s'exprime avec une extrême difficulté :

« Comment as-tu pu me tenir tête... avec toutes les émotions négatives que je t'ai faites ressentir... ?

— Identifier la nature de ton pouvoir a tout changé... balbutie Al, également à bout de force. Il a une faiblesse assez évidente, pour que je ne me fatigue pas à te l'expliquer... »

La capacité d'Agiel à manipuler les sentiments de son adversaire n'est efficace pour contrôler les actes de ce dernier, que lorsqu'il n'en est pas conscient. Elle n'a pas un contrôle total sur son esprit. Elle doit donc utiliser son pouvoir quand l'émotion qu'elle transmet est cohérente avec la situation que vit sa cible. Autrement, elle comprendra que ce qu'elle ressent n'est pas naturel. Ses émotions pourraient donc ne pas influencer ses agissements.

Dans l'article, Agiel était présente sur toutes les images, car elle devait être proche de ses victimes pour utiliser sa capacité au moment opportun.

« ... Je te l'accorde... confirme-t-elle. Mais même en sachant la nature de mon pouvoir, je me suis assurée de te pétrifier jusqu'à la fin du combat... Je t'ai fait ressentir une peur profonde et insupportable... Une peur telle, que tu ne pourrais faire que trembler... Tu ne devrais même pas être capable de bouger... de réfléchir...

— En effet... je l'avoue... de toute mon existence, je n'ai jamais connu une peur pareille... Cependant, tu sais pourquoi je ne souris jamais ?

— Tes expériences passées... ? Quel est le rapport ?

— Non, c'est dû à ma malédiction... celle-ci est liée à la consumation... Tout ce qui m'est cher est destiné à disparaître... J'ai perdu toutes les personnes que j'aimais une à une... mais ce n'est pas tout. J'ai également perdu une notion primordiale que ma mère m'avait inculquée... la positivité. Ma capacité à ressentir des sentiments et des sensations a été partiellement détruite... Je ne peux plus rien éprouver de positif, que ce soit la joie, le bonheur, l'amour, l'affection, le plaisir... Je ne peux plus ressentir que des choses... négatives. Voilà pourquoi je suis tout le temps de mauvaise humeur... Sourire m'est impossible. »

Un court silence s'installe.

Agiel prend le temps de bien digérer ce qu'elle vient d'entendre.

«... Tu délires complètement ! reprend-t-elle, éberluée. Une telle personne ne peut qu'être mauvaise... !

— Ouais... c'est ce que j'ai cru aussi... Pour être honnête... j'ai failli perdre la raison... mais j'ai fini par comprendre que c'est pas en m'apitoyant sur mon sort que j'allais retrouver mon frère... j'ai appris à me maîtriser et à vivre avec... je ne vais pas te cacher que ça ne m'est pas arrivé qu'une seule fois d'être tenté de commettre des trucs horribles... mais je me suis retenu... parce que si je ne peux pas contrôler ce que je ressens, je peux toujours contrôler qui je suis et ce que je fais... J'ai décidé de ne pas perdre ce perpétuel combat intérieur. Tu l'as donc compris... tes pouvoirs fonctionnent sur moi, à condition que tu me fasses ressentir des émotions néfastes... mais j'ai l'habitude, alors, ça ne marche qu'un court laps de temps. Parce qu'il m'en faut peu pour me ressaisir... Tu aurais gagné, si tu n'avais pas répété cette erreur typique des méchants... en prenant trop ton temps, au lieu de m'achever... »

Al souffrait réellement quand Agiel le torturait. Cependant, il a lui aussi joué avec l'esprit de son adversaire, en exagérant expressément ses réactions. Il jouait la comédie en se tordant de douleur et en hurlant avec démesure pour lui faire plaisir et lui donner envie de continuer encore et encore de le martyriser. Cela lui a permis de gagner du temps pour qu'il reprenne peu à peu le contrôle de son esprit, avant qu'elle ne décide de l'achever pour de bon.

Cependant, Agiel ne prête pas attention à la stratégie d'Al. Elle est choquée par autre chose.

« C'est... c'est impossible... s'effraie-t-elle, commençant à trembler. Un humain ne peut pas vivre ainsi... Qui... qui es-tu... ?!! »

La situation se renverse littéralement. Suite aux déclarations d'Al, Agiel est terrorisée face à un adversaire aussi surréaliste. Un humain tel que lui, si bienveillant, pourtant constamment et uniquement confronté à des émotions négatives, ne peut exister. Elle recule, frémissante, sans même que son adversaire n'ait à bouger d'un centimètre.

« Tu as perdu », conclut Al.

Un nouveau silence s'installe.

Elle ne résiste plus. Elle ne tremble plus. Agiel semble avoir finalement accepté l'issue du combat.

« Tu as été le plus fort, aussi bien sur le plan martial que mental. Je reconnais ma défaite. »

Étalée sur l'herbe, elle fixe la verdure. Cette défaite fait bouillonner en elle un profond dépit. Les humains sont la cause de tous ses maux, Al y compris. Alors qu'elle rumine sa haine irréversible, transportée ailleurs, un mot la fait revenir à la réalité.

« Pardon », prononce simplement Al.

Elle le regarde, tout d'abord étonnée.

« ... Quoi ?

— Je sais bien que rien ne pourra effacer ce que tu as subi, et que tu continues de subir, affirme-t-il avec conviction. Je sais à quel point nous les humains, nous pouvons être ignobles. Je n'aurais jamais dû, non plus, utiliser de telles méthodes pour démasquer ton identité. Malheureusement, je ne connais aucun remède qui pourrait mettre fin à ton cycle cauchemardesque.... Alors, la seule chose que je puisse faire, c'est te demander pardon... Pardon, pour tout le tort que nous t'avons causé !

— Al... »

En plongeant son regard dans celui du jeune homme, elle comprend que ses paroles sont sincères. Cependant, la surprise laisse vite place à la colère :

« Tu te fiches de moi ?! Pardon ?! Et alors ?! Tu penses que c'est ce mot minable qui va arranger les choses ?!

— Évidemment que non. Je n'ai pas de solution à ton problème... mais je refuse de te tuer ou te livrer à la brigade... j'ai dit tout ce que j'avais à dire... Comme je le dis souvent, la stratégie, ce n'est pas mon fort...

— Ouais, c'est ça... que les choses soient claires... tu as gagné uniquement parce que j'ai été affaiblie... utiliser mon pouvoir sur tous les humains que je croise me demande beaucoup trop d'énergie. Alors, je n'ai pas pu me battre de toutes mes forces aujourd'hui... »

Elle parle d'un ton de plus en plus faible

« D'ailleurs, je pense que je vais leur ficher la paix... Comme ça... je pourrai donner mon maximum... la prochaine fois... que je devrai... régler le compte de ... quelqu'un...

— Ah... vraiment... ? Je crois que j'ai bien fait de ne pas briser la tasse, alors...

— Tu... comptes... la garder... ?

— Oui.

— Qu'est-ce que je suis... pour toi... ? »

Il la regarde droit dans les yeux.

« Tu n'es pas mon amie... parce que comme je te l'ai déjà dit, je ne peux pas... avoir de l'affection pour quelqu'un... mais je ne te déteste pas non plus... je vais dire que tu n'es pas... une mauvaise compagne », dit-il d'un ton neutre, commençant également à vaciller.

Agiel écarquille ses yeux, ayant enfin compris quelque chose. La tasse qu'elle a offerte à Al symbolise leur relation. Au moment où le jeune homme s'apprêtait à la lâcher pour qu'elle se casse, il l'avait déjà démasquée.

La briser reviendrait à couper tout lien avec elle. La garder et l'utiliser, même en absence de café — la raison pour laquelle il a bu le pop-corn, seule chose qu'il avait sous la main —, signifiait qu'il ferait tout pour préserver leur relation, qui est celle de deux compagnons.

Elle réalise enfin qu'Al n'a toujours eu que de bonnes intentions, même s'il ne peut pas trouver de solution à son problème. Cependant, s'il arrive à endurer sa malédiction sans chercher à se venger sur qui que ce soit... alors, elle peut également supporter son cycle infini.

Agiel sourit légèrement.

Elle décide d'abandonner définitivement l'idée de se déchaîner sur les autres, et de prendre exemple sur ce jeune homme.

Pendant qu'Agiel est plongée dans ses réflexions, une ombre apparaît dans le dos d'Al et commence à murmurer dans son oreille :

« Tu vas vraiment la laisser s'en tirer ? Qu'est-ce qui te garantit qu'elle ne va pas recommencer, ou se venger, maintenant qu'elle a des infos sur toi ? Ta bonté, ou plutôt naïveté, causera ta perte ! Les effets d'un pouvoir se dissipent dès que son utilisateur meurt. Tue-la, c'est la meilleure solution ! »

La vue d'Al est brouillée. Il est prêt à s'écrouler d'un instant à l'autre, à cause de la quantité colossale de sang perdue.

« Toi, je ne t'ai rien demandé... refuse-t-il sèchement. T'as rien de mieux à faire, que de me pourrir la vie... ? C'est pas en suivant tes conseils à deux balles... que je vais retrouver Floyd... »

Agiel, ébahie, a tout entendu.

« Floyd... ? prononce-t-elle. J'ai déjà entendu ce... prénom quelque part... »

Elle non plus ne voit pas l'ombre, mais elle comprend ce qui se passe. Elle sait qu'Al ne se rend pas compte qu'en réalité, cette ombre n'existe pas. Il ne fait que se parler à lui-même.

Ce dernier, abasourdi, ignore complètement l'ombre qui disparaît, puis saisit Agiel par son col.

« Je croyais que tu ne savais rien de lui ?!

— C'est lui ton frère... ? Tu aurais dû me donner son prénom... au lieu de dire qu'il a la même tête... que toi... rétorque-t-elle.

— Où as-tu entendu ce prénom ?! Qu'est-ce que tu sais de lui ?!

— Je... ne sais rien de lui... c'est un type que je connais qui m'en a vaguement parlé... il m'a dit quelque chose comme... c'est Floyd... qui lui a donné... l'idée de créer le groupe...

— Le groupe ? Quel groupe ?! »

Agiel est sur le point de perdre connaissance à cause de sa blessure sur le visage.

« Al... merci... » murmure-t-elle.

Elle s'évanouit pour de bon. L'adrénaline passée, Al, lui aussi, est à deux doigts de céder.

« Bon sang, j'espère au moins qu'elle a du matériel médical. Merde... plus crevé que ça, tu meurs... », pense-t-il.

Agiel continuera encore et encore de revivre cette scène, et sa souffrance ne prendra fin que lorsque sa vie s'éteindra. Cependant, sa haine envers les humains s'est atténuée.

Une seconde chance en valait finalement la peine.

La nuit tombée, c'est en chancelant, qu'Al puise dans ses dernières forces pour retourner à l'intérieur. Il s'occupe de ses blessures et administre des soins urgents à la jeune femme.

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