Chapitre 1 : L'inconnue.

Ces créatures ne sont pas un mythe. Elles vivent et se dissimulent parmi eux.

Les nigh, une espèce voisine de l'Homme, cohabitent avec les humains. Ils ont exactement la même apparence. Ces êtres carnivores possèdent des capacités surnaturelles uniques qui les rendent terrifiants.

Toutefois, quelle est leur réelle place dans ce monde ?

***

Quelque part dans une ruelle sombre éclairée par des lampadaires, un affrontement expédié entre deux individus prend fin. Après avoir terrassé son adversaire, un adulte beaucoup plus âgé que lui, Al est prêt à commencer son interrogatoire.

De ses vingt ans, ses courts cheveux et yeux noirs, Al agresse son ennemi d'un regard terrifiant. Ses iris teintés d'une obscurité pure sont aussi absorbants qu'un gouffre sans fond.

Lorsque le vaincu, au sol, croise les pupilles ténébreuses du jeune homme, il ressent une pression pétrifiante. Malgré sa courte taille et sa corpulence très moyenne, Al prend un ton autoritaire :

« Alors... humain ou nigh ?

— ... Nigh ! agonise en tremblant le quinquagénaire, le bras droit arraché, et des blessures au visage.

— Tu es dangereux, mais je ne vais pas te tuer. Tu vas faire un tour à la brigade

— Non, pas ça... ! », supplie le criminel.

La dernière phrase d'Al intensifie la terreur de la créature. Néanmoins, las, il ne se laisse aucunement apitoyer.

« Fallait y penser avant ! s'irrite le jeune homme. Et ne me sors pas encore l'excuse du gars qui était traité injustement et qui a fini par devenir méchant à cause de ça. On me l'a racontée trop de fois. En plus, c'est pas une fatalité en soi. Un petit moment en cellule ne te fera pas de mal.

— Tu ne sais p...

— Ça suffit ! Là, j'ai pas la patience d'écouter tes histoires. Une prochaine fois, peut-être. Allons-y. Mais avant, j'ai une question. Floyd Nether, ça te dit quelque chose ?

— ... Floyd ? répète le nigh, confus.

— Est-ce que tu le connais ?! tonne-t-il.

— Non... ça ne me dit rien... je ne sais pas de qui tu parles... »

En voyant son expression troublée, le jeune homme en déduit que le nigh ne ment pas. Ça fait un moment qu'il est à la recherche d'un individu sans trouver le moindre indice. Aucune des personnes qu'il a interrogées n'a eu de réponse satisfaisante. On dirait presque qu'il s'est littéralement volatilisé. Il ne se reposera pourtant pas avant de l'avoir retrouvé.

Soudain, le téléphone d'Al vibre. Son expression devient blasée dès qu'il voit le contenu du nouveau message.

« Encore une proposition de recrutement de la brigade... N-o-n, m-e-r-c-i... », épelle-t-il.

Le criminel est indigné par une telle négligence.

Comment ce jeune homme ose-t-il l'ignorer de la sorte ?

La panique laissant place à la colère, la créature tente sa chance pendant qu'il écrit et balance un coup de poing gauche complètement futile. Al pare l'attaque sans même décrocher son nez de l'écran.

« Ça aurait été plus malin si tu avais essayé de t'enfuir. Même si tes blessures ne vont pas tarder à se refermer grâce à la régénération, ton corps a ses limites. Il faut savoir lâcher l'affaire, mec ! », gronde le jeune homme.

Sourcils froncés, Al regarde l'heure sur son smartphone : deux heures trente-sept. Il baille longuement, exténué.

« Il serait peut-être temps d'aller dormir. T'inquiète, tu auras droit à un lit bien douillet, en prison. »

Malgré son ton sarcastique, le jeune homme ne sourit pas. Il maîtrise rapidement le nigh qui se résigne finalement. Il le conduit à la brigade, un établissement bien particulier chargé de s'occuper de ces êtres.

Al rentre enfin chez lui, avec l'idée amère qu'il n'aura que très peu d'heures de sommeil.

Il ne cesse de parcourir les rues de Split, une ville d'environ trois millions d'habitants, connue pour être la capitale du pays de Staple. Les humains dominent de très loin la population et les nigh ne représentent qu'une minorité.

***

Le lendemain matin, après un réveil tardif et difficile, Al va faire ses courses essentielles.

Sur le chemin du retour, dans les rues très fréquentées de son quartier modeste, un homme l'observe et le suit discrètement.

« Toujours habillé en noir, de la casquette aux baskets, rage-t-il intérieurement. Pourquoi est-il aussi populaire ? Nous autres de la brigade, on travaille aussi dur que lui, mais aucune reconnaissance. Ce Al, parce qu'il joue au héros par-ci par-là, est adulé et a une horde de fans écervelés qui ne font que suivre un effet de mode. On raconte qu'il est balèze et balaie tous les nigh qu'il croise sans le moindre effort, sans doute des rumeurs ridicules. Qu'il ait des pouvoirs ou pas, c'est tout simplement impossible. D'ailleurs, on aurait dû s'en débarrasser. Un humain comme lui ne représente qu'une menace. »

Sortant de ses réflexions haineuses, le brigadier fait de grands pas, rattrape Al et pose vigoureusement sa main sur son épaule. Ce dernier se retourne nonchalamment sans dire un mot. Barry enchaîne énergétiquement :

« Je suis Barry, de la brigade anti-nigh. Prouve que tu es aussi fort que tu le prétends et affronte-moi ! »

Al fixe la main du guerrier un long moment, puis répond d'un air des plus ennuyés :

« C'est quoi cette réplique claquée... ? T'as pas mieux pour défier un adversaire ? De toute façon, ça sera sans moi... »

Puis, il s'en va sans attendre une quelconque réaction.

Barry grince des dents. Il camoufle sa colère d'un sourire narquois et poursuit :

« C'est donc ça, le fameux Al ? Tu te défiles devant un défi et tu prétends être un héros ?

— J'ai rien prétendu, moi... », pense Al, qui ne répond pas et continue de marcher.

Barry ne se décourage pas. Il rouspète, de plus en plus exaspéré :

« Pourquoi toujours cet air méprisant ? Pourquoi à chaque fois cet air aigri... ? Arrête un peu de te prendre au sérieux. Tu ne vaux mieux que personne ! »

Le jeune homme l'ignore toujours.

Barry décide alors de sortir son joker. De son rictus le plus provocateur, il fait exprès de s'écrier pour que tout le monde l'entende :

« Ben alors, regardez, les gens ! Al se fait la malle ! Ça se voit qu'il prend ses jambes à son cou, parce qu'il crève de frousse ! C'est donc ça, votre héros ?! Retourne donc dans les jupes de ta maman ! »

Al s'arrête un instant. Remarquant sa réaction, Barry sourit, persuadé d'avoir réussi son coup. Le jeune homme regarde autour de lui et voit les passants le zyeuter, chuchoter d'un air douteux.

« On dirait qu'ils sont déçus... commence à réfléchir Al. Si je ne fais rien, ils vont croire que l'autre gars a raison... Tant mieux, comme ça au moins, ils vont me laisser tranquille. »

Al reprend ainsi sa route. Voyant l'indifférence totale de ce dernier, la fureur de Barry explose, tel un volcan en éruption. Il se jette sur lui en hurlant de toutes ses forces :

« ARRÊTE DE M'IGNORER !!! »

Les deux mains occupées, Al lâche un sac. Il se retourne à une vitesse déconcertante et écrase son poing sur la joue de Barry. Puis, en un clin d'œil, il rattrape ses marchandises avant qu'elles ne tombent.

Le provocateur, quant à lui, se retrouve la tête enfoncée dans le goudron.

Tous les spectateurs sont abasourdis et Al en profite pour s'éclipser.

***

Une fois rentré chez lui, dans un minuscule appartement où on ne trouve que le strict nécessaire, il s'assied lourdement sur son fauteuil.

Sur sa table de salon, se trouve une pile de lettres de fans qu'il prend le temps de lire, pour écrire une réponse à chacune, tout en buvant un café. Il suit de temps à autre les informations à la télévision.

« Un braquage a eu lieu ce matin à la banque Gold, rapporte une journaliste. Les policiers intervenus n'ont pas pu arrêter l'individu et ont tous été décimés. D'après les témoins, il ne s'agissait pas d'un humain. L'affaire sera prise en main par la brigade anti-nigh. »

Il est légèrement intrigué par cette nouvelle.

« Hum... ça peut très bien être un humain », murmure-t-il tout en rédigeant son courrier.

***

Pendant ce temps, quelque part dans une chambre minuscule, une jeune femme scrolle son fil d'actualité sur un réseau social. Enroulé de bandages, son bras gauche est coupé jusqu'à l'épaule. Au moment de quitter son matelas, elle tombe sur une vidéo d'Al en train de se battre contre un individu qu'il finit par terrasser.

Dans un excès de surprise à la vue du jeune homme, elle écarquille ses yeux et laisse inconsciemment l'appareil tomber sur le sol. Elle reste figée pendant un instant. Elle se mordille la lèvre, puis ramasse le téléphone, tremblotante.

De nombreux souvenirs refont surface. Un tourbillon d'émotions destructrices se déchaîne en elle. La haine, la tristesse, la fureur, le remord, l'injustice, l'humiliation.

Ce seul visage a suffi à embrumer sa journée.

***

Plusieurs heures plus tard, Al s'installe sur un banc public, dans un espace vert. Quelques individus passent par-là de temps en temps. Il regarde le ciel, indolent, une bande dessinée à la main.

Il a retrouvé le braqueur du journal et l'a vaincu, alors qu'il essayait de prendre en otage les personnes présentes dans une bijouterie.

« Encore une fausse piste... pense-t-il. Cet enfoiré n'était rien d'autre qu'un nigh qui se croyait tout permis parce qu'il avait des pouvoirs claqués au sol... Et bien-sûr, il n'avait aucune info à me donner... »

Une sorte d'aura noire se forme derrière lui, puis prend l'apparence d'une silhouette, telle une ombre humaine. Celle-ci se met à lui susurrer malicieusement :

« Tu es fatigué ?

— À ton avis ? chuchote Al d'un ton hostile.

— De quoi ? Tes recherches ?

— Pas que ça...

— Peut-être que si tu arrêtais de répondre à tous tes fans, tu serais moins fatigué.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis. Et t'as vraiment besoin de te pointer pour me faire chier ? grommèle le jeune homme, un peu plus fort qu'il ne l'aurait voulu.

— Désolé, je voulais juste te rendre service. Tu sembles souffrir d'une atroce... solitude... », ironise l'ombre, que les passants semblent ne pas voir.

Al se renfrogne et ne rétorque pas. Il déteste vraiment les apparitions intempestives de cette créature. De plus, il ne sait absolument pas d'où elle vient et est obligé de supporter sa présence quotidienne.

Il commence à lire sa BD.

« Ne devrais-tu pas te reposer ?

— La ferme, réplique le lecteur. Je dois terminer cette BD et poster ma review hebdomadaire avant la fin de la semaine. J'ai pas le temps pour ça.

— Tu n'es pas obligé de toujours respecter ton délai, tu sais. De toute façon, les gens ont autre chose à faire que d'avoir le nez collé à leur écran tous les dimanches à vingt heures pile pour attendre ta review... Pourquoi être si consciencieux ? renchérit l'ombre, espiègle.

— Ce sont les lecteurs de ces reviews, sur mon blog, qui me font des dons. En gros, c'est mon gagne-pain. J'ai pas le droit de négliger mon taf. Comme on me l'a toujours dit : quand tu fais quelque chose, fais-le bien. »

Déconcentré, il dépose sa bande dessinée pour consulter rapidement son site. Il s'aperçoit qu'il a un nouveau message dans sa boîte de réception, venant d'une anonyme :

« Hello, Al ! Je suis une super grande fan ! Je sais que ça paraît fou, mais j'aurais un service à te demander. Est-ce qu'on pourrait se rencontrer ce soir ? »

Il pousse un long soupir de lassitude, avant de taper sa réponse :

« Bien-sûr, où et quand tu veux :). »

Al entend un ricanement.

« T'es sérieux, là ? se moque la silhouette.

— Bah quoi ? Je ne pouvais pas refuser, se justifie-t-il, tentant de se focaliser sur sa lecture.

— Donc tu vas rencontrer une inconnue, juste comme ça, parce qu'elle te le demande ? Tu as déjà oublié ce que les inconnus sont capables de faire ?

— ... Bah ouais. Si ça se trouve, c'est une gamine cancéreuse dont le dernier souhait serait de me rencontrer avant de mourir. Et puis, je sais me défendre, maintenant. Tu vas me laisser lire, oui ? »

L'ombre se volatilise tout à coup, au grand soulagement de son interlocuteur.

Al est bien conscient du paradoxe entre sa volonté d'être tranquille, et le fait d'être toujours présent pour ses fans. Néanmoins, il ne peut rejeter sa nature profonde, qui est celle d'un homme toujours au service de son prochain. Alors, il endure la fatigue pour rester fidèle à ses principes.

L'inconnue lui fournit l'adresse, ainsi que l'heure du rendez-vous.

***

En fin d'après-midi, Al marche paresseusement dans une rue peu fréquentée pour se rendre au lieu indiqué. Les maisons sont un peu espacées entre elles, créant des ruelles sombres.

Subitement, il entend un hurlement. Tout air d'épuisement disparaît immédiatement en lui. Son regard devient plus vivant et il fonce vers l'origine du bruit.

Tapis dans l'obscurité, un adulte plaque sa main contre les lèvres d'une jeune fille étalée sur le sol, afin de l'empêcher de crier. Se débattant du mieux qu'elle peut, son cœur bat la chamade. Elle se résigne, ferme ses yeux et les larmes coulent. Affamé, un sourire malsain sur le visage, l'assassin écarte grandement ses mâchoires et s'apprête à lui mordre le cou.

Brusquement, un coup de pied sorti de nulle part le propulse hors de la ruelle. Il se heurte violemment contre un mur qui se craquelle.

L'adolescente reconnaît immédiatement son sauveur.

« Tu... Tu es... ! »

La peur laisse place à l'euphorie et malgré la situation, elle ne cache pas sa surexcitation.

« ... Je viens de me faire sauver par Al... ! C'est... c'est le plus beau jour de ma vie !!!

— Oui, c'est moi, l'incroyaaaaable Al... » ironise-t-il, faisant exprès d'exagérer de manière grotesque.

Il roule des yeux, excédé, et lui demande d'aller se mettre à l'abri. Il part ensuite retrouver le criminel, toujours un peu sonné.

Les nigh peuvent manger la viande de tout animal. En revanche, certains préfèrent de loin le goût de la chair humaine et s'attaquent à eux par excès de gourmandise. Ce comportement énerve Al. Il bougonne :

« C'est pas la bouffe qui manque, y a moyen que tout le monde vive en harmonie. Vous faites chier, franchement. Allez vous faire un steak, au lieu de manger les gens.

— Je ne suis pas là pour discuter, grogne la créature. C'est la chaîne alimentaire, rien de plus ! Je te conseille de t'écarter de mon chemin, si tu ne veux pas subir le sort qui attend cette fille !!! »

Le nigh fulmine et fonce sur Al sans détour, tel un bulldozer prêt à tout broyer sur son chemin. Le jeune homme, très concentré, se met en position de garde. Le carnivore se déplace comme une fusée, le sol se fissure sous son poids.

Al n'a pas le temps d'esquiver. Alarmé, il tente d'arrêter son adversaire d'une main. D'effroyables sons de craquements se font entendre. Il succombe à la pression écrasante du nigh et se fait balayer. Le jeune homme entre en collision avec la paroi d'une habitation voisine, craquelle le béton et s'effondre. Une douleur atroce traverse son bras, il gémit.

« Ce type... Il a réduit mes phalanges en bouillie. Son pouvoir doit avoir un lien avec le durcissement... », déduit Al, la main ensanglantée.

Le nigh ne lui laisse pas le moindre répit et continue sa charge. Dans l'urgence Al, prend appui sur sa main encore fonctionnelle et se relève très vite. Déterminé, il tend sa paume. Il libère une vague d'énergie noire qui engloutit les bras du hors-la-loi.

Sur-le-champ, les avant-bras du criminel sont réduits à néant. Il ne reste plus de ses membres supérieurs que ses coudes. Aussitôt, une vive hémorragie se produit. Il stoppe sa course et hurle de douleur.

« Qu'est-ce que... ? C'est quoi ce pouvoir ?! » s'affole intérieurement le carnivore.

Al contre-attaque férocement. Son adversaire durcit son corps, mais le poing du jeune homme, chargé de l'aura ténébreuse, pourfend sans mal l'abdomen de sa cible.

Le ventre ouvert, le nigh s'écroule en crachant du sang. Malgré son pouvoir de régénération, il est hors d'état de nuire pour un moment. Al n'éprouve pas la moindre pitié et affirme :

« Je ne vais pas te tuer, je vais...

— Ça va, on connait ton slogan... ! Vous vous en prenez à tous les nigh sans distinction... Pourquoi tu ne rejoins pas tout simplement... cette maudite brigade... ?! Perdre contre un humain... Mais n'oublie pas... que ces pouvoirs... ne t'appartiennent... pas... prononce difficilement la créature, dont on ressent l'agonie à chaque syllabe.

— Commence pas à faire ta victime. Rectification : ils ne font qu'arrêter les nigh qui foutent la merde, un peu comme toi. Moi, je fais qu'aider quand j'en croise un sur mon passage. Mais j'ai pas envie de bosser pour quelqu'un. Enfin bref, maintenant, tu vas répondre à mes questions », ordonne Al d'un air qui se veut intimidant.

Son interrogatoire rapide ne mène à rien, comme il s'en doutait. Il prend le criminel, ayant perdu connaissance, sur son épaule et s'apprête à s'en aller.

« Bon... vu son état, je ferais mieux de vite le rendre, sinon, il va clamser. »

La lycéenne rencontrée plus tôt sort d'une ruelle avec son cartable.

« T'es encore là, toi ? Je pensais t'avoir demandé de partir, c'était dangereux, blâme Al.

— Je sais, mais... je ne pouvais pas m'en empêcher. Il fallait que je vous le demande, répond-t-elle, tentant de retenir son excitation.

— Quoi donc ?

— Je peux avoir votre autographe ?! »

Al hausse un sourcil. Irrité, il ne peut s'empêcher de hausser son ton :

« Tu risques ta vie pour ça ? Tu te fous de ma gueule ?!

— Je... désolée... »

Penaude, l'adolescente fait une moue déconfite. Elle tourne lentement ses talons, déçue.

Al se sent coupable. Il souffle, et l'interpelle :

« T'as une feuille ? »

Le visage de la fille s'illumine aussitôt. Elle hoche la tête, fait sortir un bout de papier et un stylo à la vitesse de l'éclair. Il signe et ajoute calmement :

« Un combat, c'est pas un spectacle comme dans les mangas. Tu aurais pu finir en victime collatérale. Fais plus attention à toi. »

Il n'attend pas sa réaction et s'éclipse.

L'admiratrice regarde la signature pendant longtemps et tremble de joie. Finalement, elle s'écrie :

« KYAAAAAAAAA !!! »

***

Après avoir rendu le nigh, Al se met en route pour son rendez-vous. L'ombre réapparaît.

« Tu vas vraiment y aller ? Tu es sûr d'être en état ? Elle serait dépitée de voir son idole blessée, non ? nargue-t-elle.

— Mes doigts ? Tu es le mieux placé pour savoir qu'ils vont guérir tous seuls, donc... En plus, ma mère me disait toujours de ne pas faire aux autres ce qu'on n'aimerait pas qu'on nous fasse. Et moi, j'aimerais pas qu'on me pose un lapin... se défend le jeune homme, harassé.

— La gentillesse est une qualité, mais ton cas est tellement excessif que c'est plus un handicap qu'autre chose... »

Sans en rajouter plus, la silhouette s'évapore subitement. Agacé, Al ignore sa dernière remarque.

Peu avant le coucher du soleil, il arrive enfin à destination. Une rue complètement déserte, où souffle un vent plus ou moins fort. Aucun individu n'habite dans ce quartier abandonné.

Ses doigts ont guéri. Accompagné d'un gobelet en plastique dans lequel il boit du café, il voit devant lui un vieux bâtiment. L'habitation, en béton, est fissurée et couverte de mousse, à l'image de celles aux alentours. La maison a en son centre un jardin délaissé, envahi par les mauvaises herbes et autres arbustes qui dépassent.

Il remarque une fille installée devant la porte du bâtiment. Le vent caresse ses courts cheveux verts attachés en une couette unique, et sa peau chocolat baigne dans les rayons de l'astre couchant. Sa courte taille, corpulence fine, et joues rondes, lui donnent une apparence très jeune.

Lorsque le regard d'Al croise les yeux azur de la demoiselle à l'allure d'adolescente, il lui adresse la parole poliment :

« Salut, c'est toi, celle qui voulait me rencontrer ?

— Tu as recouvré la vue... ? Peu importe. On se retrouve enfin. Qu'est-ce que tu mijotes, cette fois ? s'exprime la jeune femme d'un ton glacial.

— De quoi tu parles ? T'es qui d'abord, gamine ? questionne Al, confus.

— Comment ça ? Tu ne reconnais pas cette chère Cammy ? J'ai maintenant vingt-et-un ans !

— ... Cammy ? »

Al est de plus en plus troublé. La froideur de Cammy se transforme progressivement en fureur.

« Comment oses-tu... ? Après tout ce que tu as fait, tu oses jouer au héros... ? Tu me dégoûtes.

— Je ne comprends rien. Et pour répondre à ta question, je ne joue pas au héros. C'est pas de ma faute si y a des voyous partout.

— Tais-toi ! Ne crois pas que tu vas t'en sortir aussi facilement !

— Ah... ? Tu peux me rappeler ce que j'ai fait ?

— Tu te moques de moi... ? Tu m'as tout pris, absolument tout ! Jamais... jamais je ne te le pardonnerai ! hurle-t-elle, au bord des larmes.

Ne contenant plus sa haine débordante, Cammy se jette sur Al, dans l'incompréhension totale.

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