Chapitre 124 : Félicitations

Après une lutte acharnée, Oggy parvint à vaincre Sheldon. Il ne reste plus que lui et Juliette dans l'arène.

***


Toutes les cases piégées et sécurisées disparaissent, ainsi que les armes que Sheldon avait produites.

« Il ne reste plus que deux concurrents ! annonce Steve avec enthousiasme. Oggy aura-t-il la force d'éliminer le dernier adversaire ?! »

La foule encourage le ventru afin qu'il fasse un dernier effort. Pourtant, il ne parvient pas à bouger d'un pouce.

Alors, c'est son ennemie qui vient à lui. Juliette marche lentement en direction du joufflu et se positionne face à lui.

Pendant un court instant, Oggy est en proie à l'effroi. Ses jambes sont complètement broyées et il est à court d'énergie. La douleur intense l'empêche d'effectuer le moindre mouvement. Il ne pourrait même pas faire de mal à un moustique.

« N'aie pas peur, le rassure doucement Juliette. Je ne vais pas t'attaquer.

- Pourquoi... ? Je n'ai jamais été aussi vulnérable... gémit le ventru.

- Même si je t'élimine, n'oublie pas que je n'ai aucun point. Je mourrai quoi qu'il arrive. Ça ne me servirait à rien de m'en prendre à toi. Et c'est hors de question que je laisse ces pourritures m'ôter la vie... »

Oggy écarquille ses yeux, réalisant avec horreur ce qu'elle a l'intention de faire.

« Je ne te comprends pas... murmure-t-il amèrement. Pourquoi tu es aussi gentille avec les autres dans un endroit où il ne faut pas... ? »

La jeune femme lui sourit.

« Au début, je me disais que je devais être froide avec les autres pour me protéger moi-même. Mais ce n'est pas dans ma nature, je n'y suis pas arrivée... Et puis, j'avais l'espoir qu'en restant soudés, un jour, on trouverait une occasion de s'échapper d'ici tous ensemble... Je suis trop naïve, n'est-ce pas ? »

Oggy contracte sa mâchoire, de plus en plus affligé.

« Non... pour être honnête, j'espérais aussi pouvoir sortir d'ici sans avoir à participer aux batailles. Malheureusement, ces ordures en ont décidé autrement... Mais dis-moi... Pourquoi tu ne t'es pas défendue dans l'arène ? Ne me fais pas croire que tu n'en avais pas la force...

- Je n'ai pas pu, avoue Juliette. Je n'ai pas pu me résoudre à tuer des gens. Je me suis entrainée, aussi bien physiquement que mentalement, mais une fois l'heure venue, je me suis rendue compte que c'était impossible.

- Tu es vraiment trop gentille... »

La jeune femme lui adresse un dernier sourire teinté de mélancolie.

« Je t'en supplie, ne fais pas ç... »

Sans laisser à son interlocuteur le temps de terminer sa phrase, la jeune femme plante deux doigts dans son cœur. Elle crache du sang, avant de lui susurrer :

« J'espère que tu trouveras un moyen de t'échapper sans avoir à revivre cet enfer... »

Juliette s'effondre, se vidant de son sang.

Les secondes passent, insoutenables.

Jusqu'à ce qu'elle cesse de respirer.

C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Oggy ne retient plus ses larmes noyant son visage torturé. Il renifle en frémissant.

« Pourquoi... prononce-t-il, la voix brisée. Une si bonne personne... pourquoi doit-elle finir comme ça... ?

- ... Elle est désormais libre... dit Jack, songeur.

- Fin du combat !! annonce Steve, euphorique. Oggy est le grand vainqueur ! Félicitations à l'outsider, qui a réussi à tenir tête à tous ces monstres de puissance !!!! »

Les spectateurs acclament le gagnant et scandent son nom.

« Certes, Juliette a été passive durant toute la bataille, mais quel acte admirable ! Choisir de se sacrifier pour rester fidèle à ses principes ! C'est magnifique !! continue le commentateur, béat.

- Tu idéalises trop son acte, intervient froidement Jack. Tu trouves que c'était altruiste ? Ouvre les yeux et rends-toi compte que l'altruisme n'existe pas. À ton avis, quelle est la finalité de chacune de nos actions ? La volonté de se sentir bien, tout simplement. Prenons un exemple. Lorsqu'une personne vient en aide à quelqu'un, inconsciemment, elle est motivée par son besoin personnel de ressentir de la joie, grâce au fait que son prochain ait apprécié le geste. Autrement dit, son réel objectif est de se faire plaisir à elle-même. On acclamera celle qui fera de bonnes actions, et blâmera celle qui aura un mauvais comportement. Pourtant, les deux personnes ne sont pas intrinsèquement différentes. Un généreux donateur et un tueur en série sont pareils. Ils ont chacun agi pour satisfaire leurs envies. Derrière son sacrifice noble, Juliette avait avant tout le désir individualiste de choisir sa propre mort. »

Steve laisse tomber le micro et s'adresse à Jack avec un rictus amusé :

« Décidément, tu ne peux pas t'empêcher de voir de la laideur partout... ta vision cynique des choses est intéress... »

C'en est trop. Tout en pleurant à chaudes larmes, Oggy explose. Sa voix est si brisée qu'il a du mal à s'exprimer fluidement.

« Allez tous en enfer... ! Vous... les spectateurs, bande de déchets... comment vous pouvez vous amuser à regarder les gens s'entretuer... ?! Allez crever !!! Et toi, Jack... sale pourriture... va au diable ! Tu crois que tu vas t'en sortir... aussi facilement ?! Un jour, tu vas payer... pour tout ce que tu as fait !! »

Les spectateurs rigolent devant la détresse du joufflu. Luck baille longuement.

« Wow, détends-toi, mec. T'as gagné, c'est cool, non ? intervient le mollusque.

- J'étais comme lui avant, affirme fièrement Randy. C'est justement cette souffrance qui m'a permis de devenir une meilleure personne. La douleur est une étape nécessaire pour croquer la vie à pleines dents. On ne peut pas savourer la joie si on n'a pas connu la tristesse. »

Le coach de vie parle dans le vent. L'attention de ses collègues est portée vers Jack, qui rejoint Oggy dans l'arène.

« Belle prestation, commence le chef, un rictus narquois au visage. Je te donne quatorze sur vingt. Considère ça comme un honneur. Rares sont ceux ayant eu une aussi bonne note.

- Tu te prends pour qui... pour jouer avec la vie des gens comme ça... ? marmonne le joufflu, la gorge nouée.

- Tu ne devrais pas être aussi malheureux, réplique le bourreau. Tu as mis un terme aux souffrances de toutes ces personnes. Si elles le pouvaient, elles te remercieraient à l'heure qu'il est. Tu leur as offert la liberté absolue.

- Quoi... ? Qu'est-ce que tu racontes... ? Tu délires ?! Tu es en train de dire que je... je les ai libérées... ? Je serais donc un bienfaiteur ?!

- Exactement, poursuit impassiblement Jack. Après la mort, il n'y a plus rien. Ils sont libérés à jamais des tourments de ce monde. C'est le plus beau des cadeaux. »

Oggy serre ses poings, ivre de rage. Son sang est plus chaud que de la lave en fusion.

« Tu es complètement malade... !! Et leur famille... ? Et leurs amis... ?! Tu y as pensé... ?!

- Certes, ils seront tristes, toutefois, ça ne sera que temporaire. Eux aussi finiront par mourir et être libérés. Leur souffrance n'est due qu'à l'ignorance et leur désir égoïste de garder leurs proches auprès d'eux afin de se gaver de bonheur. De plus, 19% des participants sont des parias que personne n'aimait et ne regrettera. »

D'énormes veines se tracent sur le cou et le front du joufflu, consumé par une fureur incontrôlable. Il se redresse et tente de frapper son bourreau. Néanmoins, son poing s'immobilise encore une fois, sans même que la cible n'ait besoin de se défendre.

« Ah oui ? Si c'est si génial de mourir... pourquoi tu ne tuerais pas tes amis... avant de te suicider... ?! » tempête le ventru.

Jack soupire, ennuyé par la conversation.

« Ne sois pas ridicule. Ça serait stupide de les éliminer, vu qu'ils me sont utiles. Me suicider serait encore plus absurde, car il y a encore tant de personnes que je dois libérer. En revanche, quand notre heure viendra, je l'accepterai avec plaisir. Au vu de la dangerosité de notre activité, je sais que notre espérance de vie est deux fois plus basse que celle du reste de la population. Et je suis prêt à embrasser la mort n'importe quand.

- ... tu me dégoûtes... » crache Oggy.

La conversation devenue stérile, le chef prend congé du combattant.

Le ventru a la vue floue à cause de l'anémie. Steve arrive et le porte sur son dos.

« Félicitations pour ta belle victoire, Oggy, dit-il d'un ton sympathique. Allons te soigner. Ça serait dommage que tu meures maintenant. N'oublie pas que tu as rendez-vous ici la semaine prochaine. »

Oggy ne répond pas. Il ne pensait pas ressentir un jour une haine aussi profonde que les abysses.

« Profitez bien... tôt ou tard, quelqu'un vous fera payer pour tout ce que vous avez fait... »

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