Chapitre 123 : Distance

Yun trouva un moyen de se protéger contre les cases piégées, en plaçant sur elles des cadavres qui lui servaient de tremplins. Sheldon sortit malgré tout victorieux de leur duel.
De son côté, Oggy affronta James. Grâce à son concept du lit, le ventru comprit lors de leur combat qu'il pouvait manipuler les poupées, ce qui lui permit de triompher.
Il ne reste plus que Juliette, le maître des jeux et le joufflu.
Score : Sheldon, Oggy et Yun : 4 points. James : 1 point.

***


Oggy et Sheldon se fixent de loin, sous les hurlements de la foule excitée.

« Ce type, il est comme moi, se dit ce dernier. Je peux le sentir dans son regard. Lui aussi n'a aucune envie de tuer qui que ce soit. Lui aussi se bat sans doute pour retrouver les êtres qui lui sont chers... pourtant, je dois le... »

Le regard de Sheldon, embrumé par la tristesse, redevient rapidement neutre. Il doit se concentrer sur son objectif. Retrouver sa nièce.

De son côté, Oggy n'a plus aucun moyen de cacher son mal-être. Il s'avance malgré lui vers sa nouvelle cible.

Sheldon tire un ballon de football géant dans la direction du joufflu. Celui-ci esquive sans mal. Il plonge sur une case piégée et atterrit sur un cadavre. Le maitre des jeux cesse d'attaquer.

Oggy saute de corps en corps et arrive finalement dans la zone de sécurité de son adversaire. Sheldon halète, visiblement fatigué.

« Aïe, ça s'annonce mal pour Sheldon ! hurle Steve, alarmé. Non seulement il est épuisé, mais les attaques à distance sont en plus inutiles face à son ennemi, vu qu'il peut se déplacer plus aisément grâce aux cadavres ! Que va faire notre concepteur de jeux maintenant ?! »

Le ventru se jette sur cette occasion inespérée. Son affliction n'entrave en rien sa détermination.

Oggy crée deux lapins en peluche de taille humaine qui l'aident à bombarder la cible de coups. Les bras des poupées prennent la forme de lames entaillant la peau de Sheldon. Leur manieur, quant à lui, est si féroce qu'il donne l'impression de créer des tornades avec ses poings.

Le maître des jeux esquive du mieux qu'il peut. Il n'a pas la moindre seconde pour respirer, de plus en plus acculé. Soudain, l'une des peluches lui tranche les jambes. Sheldon s'écroule de tout son long, le visage déformé par la douleur. Il n'a pas le temps de crier que le joufflu s'apprête à enchaîner avec un coup de poing comparable à une massue titanesque.

« Maudit Yun... jure intérieurement Sheldon. À cause de lui, j'ai perdu l'avantage que j'avais à distance... et je n'ai aucune chance au corps à corps... Mes propres règles se retournent contre moi... si seulement il n'avait pas créé autant d'ouvertures pour faciliter les déplacements de... »

Alors que l'attaque d'Oggy est à quelques millimètres du maitre des jeux, celui-ci écarquille les yeux, comme illuminé :

« Déplacements.... ?! Mais bien sûr ! »

Soudain, Oggy est propulsé loin de Sheldon, comme repoussé par une barrière impénétrable. Il atterrit à l'autre bout du terrain, dans une zone de sécurité.

Le ventru remarque alors une ligne rouge séparant l'arène en deux. Et sur le sol, un compte à rebours de trente secondes s'enclenche.

« Ohhh ! On dirait que Sheldon vient de trouver un moyen de s'en sortir ! constate Steve, toujours aussi passionné. Un nouveau jeu ! Quelles peuvent bien être les règles ?! Tout ce qu'on sait, c'est que personne n'a intérêt à dépasser cette ligne rouge, au risque de subir un gage ! Quelle formidable manière de tenir son adversaire à distance ! »

Sheldon est affalé par terre. Visiblement, cette dernière technique l'a épuisé. Son souffle est de plus en plus saccadé.

Oggy, n'est pas plus en forme. Il peine à tenir debout à cause de ses nombreuses blessures.

« Je ne peux peut-être pas traverser moi-même la barrière, mais et ça... ? » pense le joufflu.

Une ombre gigantesque obscurcit l'arène. Un énorme matelas chute en direction de Sheldon. Ce dernier n'a aucun moyen d'esquiver. En même temps, les poupées, transformées en piques, le prennent pour cible.

Toujours rampant au sol, le maitre des jeux, stoïque, crée une raquette de tennis géante. Il donne toute sa force dans un coup qui balaie les peluches loin de lui. Il se redresse en position assise et fait un service herculéen repoussant le lit jusqu'en dehors de l'arène.

Le matelas fonce sur les spectateurs dans les gradins. Néanmoins, l'objet, immédiatement stoppé par une force invisible, chute au sol.

Plus que vingt-cinq secondes avant la fin du compte à rebours.

« Quelle magnifique vivacité ! s'exclame Steve, impressionné. Même s'il est privé de ses deux jambes, ne pensez pas pouvoir vous débarrasser de Sheldon aussi facilement ! C'est un pro du combat à distance !! »

Le maître des jeux crée un très grand boomerang dans son autre main et le balance sur son opposant.

Le souffle court, les poumons en feu, le ventru est lui aussi en proie à un harassement terrible. Ses muscles souffrent à chaque mouvement. Il plonge dans une autre case sécurisée afin d'esquiver.

Le projectile retourne entre les mains de son créateur.

« Je vois... il est à court d'énergie, alors, il a produit une arme qui retournera vers lui, peu importe le nombre de fois qu'il la balancera, déduit Oggy. Je pourrais essayer de la chopper, mais je ne connais pas les règles de ce jeu. Qui sait ce qui se passera si quoi que ce soit me touche... ? »

Plus que vingt secondes.

Un véritable festival d'attaques à distance se produit. Les matelas du joufflu pleuvent sur l'arène, telles des grenades. Les oreillers envahissent le terrain, plus redoutables que les tirs d'un char de combat.

Grâce à sa raquette géante, Sheldon repousse tout sans avoir à bouger. Son boomerang effectue des va et vient en continu. Oggy fait appel à toute sa souplesse pour éviter chaque lancé.

Les deux adversaires sont si exténués que seule leur volonté leur permet de ne pas s'effondrer. Sang et sueur dégoulinent en abondance dans l'arène.

Dix secondes restantes.

« Mais quel est ce combat ? s'écrie Steve, absorbé par l'affrontement. On dirait une partie de balle aux prisonniers, mais sans balle ! Qui va donc se faire toucher en premier ? Qui va subir le gage ?! »

La foule est en délire au point où chacun scande le nom de son concurrent favori :

« O-G-G-Y ! O-G-G-Y ! O-G-G-Y !

— S-H-E-L-D-O-N ! S-H-E-L-D-O-N ! S-H-E-L-D-O-N ! »

Plus que cinq secondes.

Oggy lance un nouvel oreiller. Celui-ci semble avoir été mal formé. Il est déchiré et son coton déborde. Sheldon le repousse avec aisance grâce à sa raquette, déduisant que le ventru est trop harassé pour concevoir sa technique correctement.

Après avoir évité une dernière fois le boomerang, Oggy s'apprête à contre-attaquer.

Fin du compte à rebours.

Subitement, les jambes du ventru se font totalement broyer, comme si elles étaient passées sous une pelleteuse. Muscles et os sont réduits en purée. Il s'étale de tout son long, souffrant le martyre.

Tout le monde est abasourdi.

« In... Incroyable !!! s'écrie Steve, fou de joie. On s'est tous fait berner en beauté ! On pensait que les règles du jeu étaient de ne pas franchir la ligne rouge et d'éviter les attaques à distance. Sauf que non ! Avez-vous remarqué ce compte à rebours ?! Je pense que la véritable règle était que celui qui effectuerait le plus de mouvements avant la fin du temps imparti subirait un gage ! C'est une règle si bien pensée, car Sheldon ne pouvait pratiquement pas bouger ! Il avait déjà la victoire assurée ! Quel... quel combattant vicieux ! Quel talent monstrueux !!! »

Les exclamations de la foule sont assourdissantes.

Oggy est plus vulnérable que du gibier coincé entre les crocs d'un prédateur.

Sheldon puise dans ses dernières réserves d'énergie. Une batte de baseball de la taille d'un camion tombe en direction de la cible immobile.

« Même en utilisant toute l'énergie qu'il me reste pour me protéger, je ne pourrai pas l'arrêter... Je vais me faire complètement écrabouiller... » se dit Oggy, tremblant d'effroi.

Du sang coule du nez et des oreilles du maitre des jeux. Il a atteint ses limites. Cependant, sa détermination à revoir sa nièce le pousse à lutter jusqu'à son dernier souffle.

[...]

Une aiguille fulgurante pourfend subitement Sheldon en plus cœur.

Médusé, celui-ci crache de l'hémoglobine et s'écroule. Sa batte de baseball se volatilise.

Un silence de mort règne dans l'arène. Le commentateur comme les spectateurs sont tous sous le choc.

Après s'être remis de ses émotions, Steve explose d'une voix vibrante d'émotions :

« Quel retournement de situation inattendu !!! Quelle tactique de fou !! On pensait qu'Oggy avait raté la création de son coussin déchiré, alors qu'il avait fait exprès !! Quand l'oreiller a été repoussé par la raquette de Sheldon, un peu de coton est tombé près de ce dernier sans que personne ne s'en rende compte ! Et c'est ce même coton qui s'est transformé en pique pour ôter la vie de notre joueur préféré !! »

Un tonnerre d'exclamations retentit dans l'arène.

Bien que son plan ait marché, Oggy est troublé :

« Pourquoi... a-t-il fait disparaitre la batte de baseball ? Il avait assez de temps pour m'emmener avec lui dans la tombe... »

Pendant que Steve explique la stratégie du joufflu, Sheldon est plongé dans ses réflexions :

« J'ai déjà perdu. J'aurais pu l'éliminer, mais je vais mourir également, de toute façon. Je n'en vois pas l'intérêt... Lui aussi se bat pour revoir ses proches... alors, même si c'est fini pour moi, autant lui donner une chance de s'en sortir... »

L'oncle ferme lentement ses yeux. Il pense une dernière fois à celle pour qui il se battait :

« ... Je Vous en supplie... Faites qu'Agnès puisse surmonter cette épreuve et celles à l'avenir... Faites qu'elle rencontre des gens qu'elle aimera et qui l'aimeront... de véritables compagnons sur qui elle pourra compter... Faites qu'elle retrouve sa bonne humeur, vive et finisse ses jours dans le bonheur... »

Sheldon cesse de respirer. Son âme quitte le monde des vivants.

Tandis que l'extase de la foule est à son paroxysme, un homme est anéanti. Le cœur d'Oggy se serre. Une boule se forme dans sa gorge. Il renifle. Ses yeux se mouillent, brouillant sa vue.

« On était ennemis, mais tu as choisi de m'épargner. Toi aussi, tu méritais de retourner auprès de tes proches. Je me souviendrai de toi, Sheldon... »

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