Chapitre 84 : Le passé ressurgit

Kerry parvint à sauver Annie de justesse. Cette dernière, après une nouvelle provocation de Miranda, décida de s'entraîner au corps-à-corps. Le soir, la brigadière trouva un moyen de se retrouver seule avec Miranda et décida de l'assassiner.

***


Le poing meurtrier de Kerry se rapproche à quelques millimètres du cœur de Miranda. Cette dernière, complètement paralysée, n'arrive même pas à bouger.

Cependant, contre toute attente, l'humaine se stoppe net. Malgré tout, le souffle de l'attaque propulse la nigh. Elle se fait balayer jusqu'à l'intérieur de la maison, heurte le mur du couloir et tombe lourdement.

Toujours assise, Miranda relève sa tête et aperçoit Agiel devant la porte. Malgré le fait qu'elle ait été prise la main dans le sac, Kerry ne montre aucun remords. Au contraire, sa rage est toujours aussi intense. L'adolescente en perd sa voix. Elle se recroqueville contre elle-même et tremble frénétiquement.

Agiel est tellement abasourdie qu'elle n'émet aucun commentaire.

« Je ne pensais pas te trouver ici... marmonne Kerry.

— Je suis complètement guérie. Daisy m'a expliqué ce qui s'est passé au sous-sol entre Miranda et toi. J'avais le pressentiment qu'il ne fallait pas la laisser sans protection, et je ne me suis pas trompée. »

Malgré tout ce qu'on lui raconte sur Miranda, Agiel ne peut s'empêcher de se voir en elle. Elle ne comprend pas comment on peut lui en vouloir au point de chercher à lui ôter la vie.

La blonde rejoint Kerry dans le jardin, bien décidée à la calmer.

« Tu veux la tuer à cause de son comportement capricieux ? Réveille-toi, ça ne te ressemble pas !

— Tu te goures complètement, rétorque Kerry. C'est vrai qu'elle est une victime, mais pas que. Tu ignores les saloperies qu'elle a commises. »

Agiel plisse ses yeux, confuse. Miranda ne cherche même pas à nier. L'adolescente ne cesse de frémir. Seuls ses halètements sont audibles dans les environs.

Après un silence troublant, Agiel continue, encore plus décontenancée :

« De quoi tu parles ?

— Je suppose qu'Al ne t'a rien dit. Tu te rappelles qu'à cause de sa malédiction, il a perdu petit à petit les êtres qui lui sont chers ? »

Agiel écarquille ses yeux. Elle fait rapidement le lien.

« Tu veux dire que Miranda a tué... ?!

— Exact ! Elle a assassiné sans scrupules le meilleur ami d'Al. C'était également mon compagnon. Je le connaissais bien. Il n'avait rien contre les nigh. Jamais il n'aurait fait de mal à une mouche... »

Kerry se mord la lèvre jusqu'à en saigner. L'humaine a la respiration saccadée. Son poing vibre, tant elle a du mal à se retenir. Elle vocifère, extériorisant sa colère abyssale :

« Cette moins que rien s'en est prise à une personne sans défense, et sous quel prétexte ?! Agiel, tu peux justifier ça ?! »

Miranda a la voix scellée. Ses battements de cœur n'ont jamais atteint un tel rythme. Son t-shirt trempé par la sueur, elle est totalement pétrifiée.

Bien qu'Agiel soit éberluée par la révélation, elle tente d'arranger la situation d'une voix affolée :

« C'était il y a longtemps ! Je suis sûre qu'elle regrette ! Ne te laisse pas aveugler par... !

— Je ne suis pas comme Al ! Lui, il lui a déjà pardonnée et a passé l'affaire sous silence. Mais moi, je ne peux pas laisser cette saleté s'en sortir comme ça !!

— Regarde-la, ça se voit qu'elle regrette ! supplie Agiel.

— Tu te méprends. Elle ne regrette rien. Il ne faut pas confondre peur et remords. Là, elle s'inquiète plutôt pour sa peau ! Si elle regrettait vraiment, tu penses qu'elle aurait essayé de dégommer Annie ?! C'est le genre de personnes qui jurent qu'elles ne recommenceront plus jamais quelque chose, et s'y remettent dès qu'on a le dos tourné ! »

Kerry fixe Agiel d'un regard déterminé. Une détermination funèbre. Miranda comprend que rien ne pourra la faire changer d'avis. Elle se relève et court aussi vite qu'elle peut pour sa vie.

« Mon travail en tant que membre de la brigade est d'éliminer tous les nigh qui représentent un danger. »

Dès qu'elle termine sa phrase, Kerry disparaît du champ de vision d'Agiel, totalement impuissante. Elle se met à la poursuite de Miranda. L'adolescente crie jusqu'à s'époumoner.

Les deux ennemies traversent le couloir à une vitesse folle. Les photos sur le mur, le vase, le meuble en bois sont bousculés et s'écrasent sur le plancher, sans même qu'elles ne les touchent.

Néanmoins, la course ne dure pas plus de deux secondes. Kerry rattrape Miranda et lève son poing pour détruire son cœur.

Brusquement, un petit livre balancé tout aussi vélocement prend pour cible la jambe de l'humaine afin de la ralentir. Elle esquive et exécute un croche-pied pour empêcher Miranda de s'échapper. L'adolescente chute la tête la première.

Kerry s'apprête de nouveau à libérer sa puissance dans une attaque meurtrière. Toutefois, Al intervient dans son dos et attrape son poing à temps.

« Qu'est-ce que tu fous ?! Tu crois que tu vas te sentir mieux si tu fais ça ?! Je t'ai déjà dit d'oublier cette histoire !! »

Kerry ignore sa remarque et tente de forcer. Al a du mal à la retenir. Il ressent une pression incroyable, même avec ses deux mains.

« Elle a autant de puissance, alors que son autre bras est fracturé ?! » se dit-il.

Le jeune homme ne cède cependant pas. Il serre ses dents, rassemble toute son énergie et lutte du mieux qu'il peut pour arrêter cet ouragan déchaîné.

Grâce à un effort herculéen, il parvient à l'immobiliser. Aussitôt, Daisy, Trash et Annie sortent de leurs chambres et se placent entre Miranda et Kerry pour servir de bouclier. Agiel les rejoint à son tour.

Kerry est déstabilisée. Voyant que tout le monde s'est mobilisé pour l'arrêter, elle reprend ses esprits et réalise qu'elle a trahi la confiance de ses compagnons.

La brigadière baisse sa tête, honteuse.

« J'ai déconné... finalement, vous aviez raison d'avoir peur de moi... de me détes...

— Qu'est-ce que tu racontes ? l'interrompt Agiel. Kerry, tu n'es pas un monstre. Personne ne t'en veut. »

Kerry regarde un à un ses compagnons. Tous se montrent bien plus compréhensifs qu'elle ne l'aurait imaginé.

« Qui d'entre nous n'a jamais pété les plombs ? On serait des sous-merdes si on te tournait le dos aussi facilement » confirme calmement Al.

Annie lève son pouce en souriant pour la rassurer. Kerry se sent plus apaisée. Ses envies de meurtre s'estompent. Elle a quelque chose de bien plus important à protéger.

« Merci, les gars... »

Kerry leur offre un magnifique sourire, témoignant de sa gratitude. Puis, elle s'adresse à Miranda d'un ton beaucoup plus froid :

« Je ne te ferai aucun mal... si tu te tiens tranquille désormais. »

La brigadière retourne ensuite dans sa chambre.

Miranda dévisage tout le monde, éberluée. Elle n'en croit tout simplement pas ses yeux.

« Vous... pourquoi vous m'avez sauvée ? s'exclame-t-elle. Je vous ai traité comme des merdes depuis le début. Surtout toi, Annie. J'ai essayé de te tuer ! »

L'humaine cligne des yeux plusieurs fois, surprise. Elle n'avait pas connaissance de cet évènement.

« C'est vrai que si on était dans un jardin, tu serais la mauvaise herbe, admet simplement Al. Mais tu fais partie des nôtres, personne n'irait jusqu'à vouloir ta mort. On est là pour se serrer les coudes, que tu le veuilles ou non. »

Annie hoche la tête d'un air empli de véhémence. Bien qu'elle ne supporte pas Miranda, elle a épousé l'esprit du groupe. Tous sont animés de la même volonté.

Toujours sous le choc, Miranda en reste muette. Chacun retourne tranquillement à ses occupations, la laissant seule dans le couloir.

***


Miranda s'isole, assise sur le toit triangulaire de la maison. Bien que la tôle soit peu confortable, l'air frais est agréable pour sa peau pâle. C'est la première fois depuis cinq ans qu'elle peut contempler les innombrables étoiles sans se soucier de l'endroit où elle va dormir.

« Mais alors... pourquoi est-ce que je me sens si mal ? »

Elle blottit sa tête entre ses genoux et songe à ce qu'elle a fait pendant tout ce temps.

Lorsqu'elle avait dix ans, sa famille a été arrêtée par la brigade anti-nigh. Ses parents se sont vaillamment battus afin qu'elle puisse s'échapper.

Son dernier souvenir d'eux est celui d'une bataille sanglante. Sa maison, sa vie tranquille, son enfance... Tout ce qu'elle possédait est parti en fumée et elle s'est retrouvée seule au monde.

Elle a donc décidé de se venger sur tout être humain qui croiserait sa route.

Pendant qu'elle est plongée dans ses souvenirs, une ombre apparaît. Une silhouette féminine dont les cheveux sont si longs qu'ils trainent sur la tôle.

L'ombre lui murmure dans l'oreille :

« Ne me dis pas que tu regrettes... ?

— Je... je sais pas ? répond Miranda. J'ai tué le meilleur ami d'Al, et il s'est comporté comme si de rien n'était pendant tout ce temps. Et les autres... après tout ce que j'ai fait, ils m'ont protégée... Je suis vraiment la pire des merdes...

— Non, tu n'as rien fait de mal ! s'offusque l'ombre. Cinq ans. Cinq ans que tu es seule, que tu es obligée de vivre au jour le jour. Cinq ans que tu es traitée comme un déchet que la société essaie de nettoyer. Il est temps qu'ils reconnaissent ta valeur. Il est temps qu'on te respecte. Il est temps que ces cafards rampent devant toi... !

— Est-ce que j'ai besoin de rabaisser les gens pour qu'on me respecte... ? »

Miranda a la gorge nouée. Ses lèvres tremblent. Elle sent les larmes monter peu à peu. Indignée, l'ombre s'exclame :

« Arrête de dire des conn...

— Non... je... tout ce que j'ai fait jusque-là n'a aucun sens... Ces types, ils n'ont pas besoin de se comporter comme des enfoirés afin que les autres aient de l'estime pour eux. Des gens qui me considèrent, j'en avais sous mes yeux, mais mon orgueil m'empêchait de m'en rendre compte. Je suis trop nulle... »

Ne contenant plus ses émotions, elle pleure à chaudes larmes.

***


Miranda se rend dans la cuisine, où Agiel, Daisy, Trash, Annie et Al prennent leur dîner. Ils discutent dans une bonne ambiance, jusqu'à ce qu'elle fasse son apparition. L'atmosphère devient aussitôt un peu tendue.

Tous la regardent, méfiants, se demandant ce qu'elle va encore faire.

Miranda prend une longue inspiration. Les mots qu'elle s'apprête à prononcer sont extrêmement difficiles à formuler pour elle. La boule au ventre, aucun son ne sort de sa bouche. C'est une épreuve beaucoup trop rude.

Elle ferme les yeux, fronce ses sourcils, expire bruyamment.

Rassemblant son courage à deux mains, elle finit par le dire :

« Je vous demande pardon. »

Ils ont tous les yeux exorbités et la fixent, incrédules.

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