Chapitre 44 : Une soirée agitée

Al et les autres tentèrent de trouver un plan pour affronter Skill, mais ne trouvèrent aucune idée pertinente. Tard le soir, le jeune homme ressentit un épuisement qu'il jugea anormal, et grâce aux piments qu'il utilisait pour veiller lors de ses nuits de travail, parvint à échapper au sommeil. Lorsqu'il entra dans la chambre de Cammy, il tomba sur un ennemi qui était à deux doigts de lui trancher la gorge.

***


L'assassin, surpris par l'intervention d'Al, se redresse, pour lui faire face. On peut remarquer derrière lui, la fenêtre brisée en forme rectangulaire, lui ayant sans doute permis de s'infiltrer subtilement.

« Étonnant... songe l'ennemi. N'importe qui aurait succombé à la fatigue. Comment as-tu deviné que j'étais là ?

— Cammy qui va se coucher, au lieu de passer une nuit blanche à bouffer son tome... c'était louche.

— Je vois... Quelle hypothèse farfelue... Enfin... je suppose que nous n'avons plus le choix, désormais. »

Al dévisage l'inconnu. Il remarque immédiatement ses ongles étonnamment longs, qui doivent mesurer au moins deux centimètres. L'adversaire semble avoir la trentaine. Des cheveux noirs recouvrent sa tête, partant de la nuque pour s'étirer vers l'avant, avec des touffes ressemblant à des brins de balai.

Des yeux bleu sombre, sourcils larges, un long nez pointu et des joues creuses se dessinent sur son visage froid. Il porte sur son corps élancé, un large manteau sans capuche dont le col couvre entièrement ses lèvres.

Mais parmi tous ces détails, celui qui retient le plus l'attention d'Al, est celui de ses très longs bras, telles des vipères accrochées à ses épaules.

L'individu, bien qu'ayant montré au début une réaction de surprise, est parfaitement calme. Dans ses yeux, se lit un air nonchalant, lugubre et hostile. Cependant, Al n'a pas l'impression qu'il est la cible de ce regard, comme s'il était adressé à quelque chose qu'il ne peut voir...

Néanmoins, cette attitude ne montre qu'une chose : l'assassin avait prévu cette éventualité, et est déjà prêt à livrer la bataille.

« Je sais que t'as une mission et que t'es pas venu pour causer... tente Al, mais ça me fait vraiment chier de devoir me battre... encore... Et si au lieu de se foutre sur la gueule, on essayait de trouver une entente... ?

— Si c'est tout ce que tu as à dire, la discussion s'achève ici », rétorque l'adulte nommé Simeon avec indifférence.

Al soupire de lassitude, mais n'a même pas le temps de se mettre en position de garde, que Simeon se jette sauvagement sur lui.

L'adversaire lui assène un coup de griffes horizontal en étirant son membre terriblement long. Cependant, ayant déjà remarqué qu'il était droitier lorsqu'il tenta d'attaquer Cammy, et se doutant qu'il se servirait de ses ongles, Al lit facilement dans le mouvement. Il saisit fermement le bras de Simeon. Aussitôt, il concentre son aura noire dans la main, pour consumer entièrement celle de son ennemi.

Cependant, Simeon dont la peau est déjà arrachée, réagit très rapidement. Il allonge son bras gauche et tente de planter les lames qu'il a au bout des doigts dans celui d'Al.

Le jeune homme, l'ayant anticipé, lâche la main de son adversaire qui brasse l'air. Al fait un léger mouvement de recul et lui donne un terrible coup de pied qui le propulse hors de la chambre. Simeon se heurte contre le mur du couloir qui se craquelle sous l'impact du choc. Il manque de se courber de douleur, quand l'assaillant revient à la charge.

L'adulte se décale immédiatement pour esquiver le poing d'Al. Ce dernier enchaîne les coups que Simeon évite avec une agilité remarquable. Soudain, l'assassin échappe à la droite de son ennemi, dos parallèle au sol. Il allonge son bras, et d'un mouvement extrêmement rapide, lâche un coup de griffes qui frôle le menton du jeune homme.

L'attaque produit un souffle qui tranche quelques touffes de cheveux d'Al. Simeon en profite pour se dégager grâce à une acrobatie.

Les opposants marquent un temps d'arrêt. Plus personne ne bouge. Ils se toisent du regard. Aucun d'eux ne voit d'ouverture exploitable...

Mais soudain, la respiration d'Al devient haletante. Son ennemi écarquille ses yeux, pas par surprise, mais parce que l'occasion qu'il attendait se présente enfin.

Simeon fonce sur le jeune homme sans détour. Avant même de s'approcher à moins de deux mètres, il tend sa main pour perforer sa cible. Al, ayant vu venir le mouvement, s'élance diagonalement dans les airs, esquivant l'attaque. En redescendant, il met tout son poids dans le pied et lui administre un lourd coup de talon.

L'attaque n'est cependant pas assez puissante. L'adulte saisit la jambe du jeune homme d'une seule main, et le balance avec sauvagerie contre la paroi. À son tour, Al entre violemment en collision avec le mur du couloir, qui tremble en se fissurant de plus belle. Il crache du sang et s'allonge sur le sol.

Ne manquant pas l'opportunité, le tueur court vers son opposant. Le jeune homme, toujours couché, tente un balayage pour l'arrêter. Il touche la cheville de Simeon, qui, à son grand étonnement, ne perd pas l'équilibre.

Les griffes de son ennemi s'enfoncent dans le parquet. Al roule sur lui-même pour esquiver l'attaque destructrice. L'adulte retire sa main du sol et continue son assaut.

Al se relève le plus vite possible et l'accueille avec un coup de poing dans le visage, mais rien n'y fait, l'adulte ne bouge pas d'un centimètre. Sa droite collée contre la joue de Simeon, lui donne l'impression qu'elle ne valait même pas une piqûre de moustique.

Al recule, déstabilisé. Il se sent de plus en plus faible. Il est exténué.

Aurait-il perdu toute sa force ? Ne peut-il plus rien faire à son adversaire ?

Sentant que sa tentative d'intimidation marche à la perfection, Simeon attaque son adversaire, qui perd petit à petit ses moyens. Il déchaîne un coup de lame vertical qu'Al pare en croisant ses avant-bras, mais il se fait taillader. De profondes traces de griffures s'encrent dans sa chair, avant qu'une vive hémorragie ne se déclenche.

Le jeune homme se fait projeter par la puissance de l'attaque, mais glisse sur le plancher pour tenter de garder tant bien que mal l'équilibre.

Propulsé jusqu'à la porte de la pièce, il n'a d'autre choix que de battre en retraite dans le salon. Mais l'assassin le poursuit immédiatement.

Al regarde rapidement autour de lui. Un poster de Cammy White, personnage originaire de Street Fighter II, accroché sur le mur, près de l'entrée de l'appartement. Une télévision écran plat, avec en-dessous un meuble qui contient une console et ses manettes... Juste à côté, une étagère remplie de pochettes de CD de jeux vidéo, le sofa rouge, la table de salon...

Al se précipite vers le canapé. Il le soulève avec une peine extrême et le tient de ses deux mains.

« ... Je suis tout simplement crevé, pense Al. Le concept de ce type doit être celui de la fatigue, ou un truc du genre. Il a sûrement affecté tout l'immeuble... Ça expliquerait pourquoi je suis aussi exténué, et toujours personne qui vient se plaindre pour ce boucan infernal... Même s'il peut me vider de mon énergie, il ne peut certainement pas l'épuiser entièrement. Parce que ça lui coûterait tout son Drive et il en mourrait, un peu comme Skill ne peut pas tuer directement quelqu'un... Il y a des limites à tout pouvoir... mais le sien est terriblement efficace... je dois vite trouver un truc, n'importe quoi... »

Il essaie de réfléchir, mais son esprit est incapable de se concentrer. Il a une terrible migraine. Le lac que constitue son énergie est au bord de l'assèchement. Pendant un court instant, il s'assoupit, le meuble s'échappant de ses mains. Dès qu'il rouvre ses yeux, les griffes de Simeon sont à quelques centimètres de sa poitrine.

Il esquive par pur réflexe, mais les lames de son adversaire déchirent sa peau, près des côtes. L'assassin réitère, mais est gêné par le canapé placé entre eux. Il vise la gorge d'Al. Le coup est encore une fois esquivé, mais l'adulte s'agrippe à l'épaule du somnolent.

Al parvient à se dégager par la force, mais les ongles du tueur lui ont de nouveau ôté l'enveloppe qui protégeait ses muscles.

Il se retrouve donc avec une épaule littéralement décharnée, qui fait entrevoir son os. Une nouvelle giclée de liquide rouge se produit, tâchant le meuble qui avait déjà la même couleur.

Al tente de s'éloigner en faisant un long bond en arrière, cependant, Simeon déchaîne à nouveau un coup qui est trop loin pour l'atteindre. Néanmoins, l'attaque produit une bourrasque de vent en forme de griffes que le jeune homme encaisse de plein fouet dans le torse.

Le polo déchiré et la poitrine marquée par les lames dévastatrices de l'ennemi, il bouscule la télévision et la console, les fracassant au passage, et manque de perdre l'équilibre. Cependant, il parvint à s'adosser contre la paroi de la pièce.

Sa respiration est saccadée... Ses membres, engourdis. Il est exténué au point de ne plus pouvoir bouger le moindre petit doigt. Impossible d'établir une stratégie, à cause de son mal de tête épouvantable.

Malgré la douleur qui ronge sa poitrine et son vêtement imbibé de sang, il somnole à nouveau. C'est alors qu'un très court rêve, analogue à cette soirée infernale, survient.

« Je vais me coucher, à demain » prononce une voix qu'il reconnaîtrait entre mille.

Lorsqu'Al rouvre ses yeux, les griffes effroyablement puissantes de Simeon ont déjà pénétré sa chair. Il commence à traverser ses cotes, en direction du cœur.

Brusquement, Simeon se prend un coup de poing chargé de flammes qui stoppe immédiatement son mouvement.

« Oui... à demain », pense le jeune homme, dont le visage passe d'une expression meurtrie à un regard empli de détermination.

L'adulte hurle de douleur et s'éloigne d'Al. Le coup de ce dernier lui a provoqué une luxation. L'os de la main droite de Simeon est déboité. De l'extérieur, la fracture est parfaitement visible, à cause de son poignet atrocement gonflé et tordu, en plus de la trace de brûlure.

« Impossible... pense l'assassin, éberlué. Comment a-t-il pu réagir aussi vite... ? »

Bien qu'il ait quelques côtes cassées, Al passe à l'offensive. Simeon esquive avec toujours autant d'habileté les poings enflammés de son opposant, mais ne peut s'empêcher d'afficher une expression de stupeur, voire d'appréhension.

« Comment... ? se dit-il. Mon pouvoir était censé l'exténuer, le vider de toute énergie lui permettant de se mouvoir... Alors, comment peut-il effectuer de telles attaques ? Je parviens à les éviter, mais je peux parfaitement ressentir à quel point elles sont puissantes... ! Il ne me laissera jamais le temps de replacer mon os... Je n'ai donc pas le choix... »

Après avoir esquivé un coup, Simeon parvient à trouver une ouverture. Sans avoir besoin de se rapprocher, il étire son long bras gauche, toujours intact, pour perforer Al d'un mouvement horizontal.

Le jeune homme réagit plus vite que prévu, et réplique avec un coup de poing flamboyant.

Leurs bras s'entrechoquent dans un violent fracas. L'impact du contre produit un souffle tout aussi sauvage qui bouscule tous les meubles autour d'eux.

Une attaque à double tranchant...

Les ongles de Simeon pénètrent dans la chair d'Al, jusqu'à perforer ses phalanges. L'adulte, quant à lui, voit sa main se faire consumer par les flammes ravageuses.

Lorsqu'ils se séparent, Al se retrouve avec sa main droite fracturée. Simeon a le bras gauche gravement brûlé.

Le sang des deux guerriers coule.

Ils arrêtent un moment de bouger et se fixent, haletants. Ils partagent, dans ce nouvel échange visuel, cette souffrance indescriptible qui traverse leurs bras.

Cependant, animé par une volonté qui surpasse le supplice, Simeon continue la bataille.

Sa main gauche prend pour cible le visage d'Al. Celui-ci commence à se décaler pour esquiver. Contre toute attente, Simeon baisse son bras brûlé, et malgré l'impression qu'une décharge électrique insoutenable traverse son membre fracturé, attaque avec la droite.

Al, déboussolé, encaisse le coup dans sa mâchoire. Il se fait écraser les molaires inférieures.

« L'enflure, il m'a eu... ! constate intérieurement le jeune homme, médusé. Il a effectué une feinte en faisant semblant d'attaquer avec le bras gauche, sachant qu'il m'était inconcevable qu'il utilise sa main droite déboitée... !!! »

Cependant, bien qu'il y ait mis tout son poids, le coup n'est pas assez puissant pour infliger des dégâts mortels et l'assassin manque de perdre l'équilibre. Simeon enchaîne très vite avec sa main gauche, traverse l'abdomen d'Al et transperce son rein.

Le jeune homme vomit à nouveau le liquide rouge et recule, à deux doigts de s'écrouler à son tour, sous le poids de l'agonie. Le feu qui brille sur sa main baisse en intensité. D'horrifiantes brûlures sont alors visibles sur le bras d'Al. Son adversaire comprend enfin :

« C'était donc de là que venait sa puissance... la flamme qu'il utilisait ne servait pas qu'à attaquer... elle consumait également sa propre chair... J'ai entendu dire que la mort par l'immolation était la plus douloureuse de toutes... Il s'est donc infligé cette souffrance inimaginable pour s'empêcher de succomber au sommeil et continuer son combat... Cependant, cette tactique présente une faille énorme. Combattre sous l'effet de ce supplice l'empêche forcément de réfléchir, il ne peut donc plus compter que sur la force brute... »

Face à la vulnérabilité flagrante de son adversaire, Simeon se jette sur lui. Cependant, avant d'avoir le temps d'attaquer, le corps entier du jeune homme se recouvre d'une barrière noirâtre. L'assassin recule, comprenant qu'il ne peut la franchir. Toute chose entrant en contact avec se fait immédiatement consumer et disparaît.

Alors, la seule chose que le tueur a à faire, est de patienter, car Al ne peut tenir indéfiniment, sachant qu'il est au bord de l'épuisement total.

Une trentaine de secondes passe.

La barrière commence à s'ouvrir légèrement, laissant à découvert, un Al, complètement à bout, dos courbé, le regard dénué de vie. La flamme sur son poing est entièrement éteinte...

Simeon se jette littéralement sur lui. Il donne toutes ses forces dans ce coup de griffe extrêmement puissa...

Un coup de pied furtif au visage l'arrête immédiatement dans son assaut. Estomaqué, il se fait propulser et heurte brutalement l'étagère où sont rangés les CD, qui se fracasse au passage. Tous les objets sur le meuble se renversent en même temps qu'il se retrouve étalé sur le sol.

Pendant qu'il est allongé, Al disparaît de son champ de vision.

« C'était un piège... pense Simeon, pris au dépourvu. Il a ouvert sa barrière et éteint sa flamme pour faire mine d'être à bout de force. En plus, en n'ouvrant qu'un angle spécifique, il pouvait parfaitement anticiper où j'allais attaquer, et répliquer en conséquence... »

Un peu sonné, il prend quelques secondes à se relever, avec l'œil gauche enflé et fermé.

Il se précipite dans la chambre de Cammy et y trouve Al, installé sur le lit, en train de boire une gorgée de café avec sa main gauche.

« Imbécile... insulte Simeon, tu penses réellement que ça te permettra de récupérer des forces ? »

Al, harassé, ignore la remarque et prend une autre gorgée, mais le récipient lui échappe des mains, renversant tout son contenu.

Les deux adversaires s'échangent à nouveau un contact visuel, exténués. Simeon retient cependant un détail majeur :

« La tasse... il ne l'a pas lâchée à cause de la fatigue... elle ne s'est pas brisée... Skill m'a averti. Se préparerait-il à réitérer cette technique particulière ?! »

L'assassin fixe l'objet, intrigué. Il n'ose pas attaquer, craignant une technique qui pourrait le surprendre.

Cependant, son œil gauche fermé l'empêche de remarquer un morceau de pâte qu'Al a subtilement lancé, grâce à son pouce, dans l'angle mort de son champ de vision.

« C'est toi l'imbécile ! », rétorque Al.

Le reste d'aliment commence à prendre feu, telle une allumette, puis déchaîne sur Simeon un tourbillon de flammes blanches qui engloutit son corps tout entier.

Dans un hurlement de douleur glaçant, il recule et se débat en vain.

« Ce Al... ! Il se doutait que je connaissais son tour de passe-passe... ! Il a utilisé la tasse cette fois comme diversion, et a usé de ce bout de spaghetti pour activer sa technique, profitant de ma vision réduite pour me surprendre... ! »

Simeon, interdit, finit par s'écrouler dans le couloir, impuissant face au feu.

« Ces flammes ont une particularité... explique Al, à bout de souffle. Je te conseille... de ne pas bouger... Plus tu effectueras de mouvements... plus elles deviendront puissantes... Si tu continues à t'obstiner... quand elles atteindront leur paroxysme... ça produira une giga explosion qui te réduira en pièces... j'ai pas envie de te tuer... alors tu arrêtes de faire chier et tu te tiens tranquille... compris... ?»

Malgré l'avertissement d'Al, Simeon tente de se relever. Ce mouvement de quelques centimètres fait redoubler d'intensité les flammes. Agressé par un supplice invivable, il hurle de toutes ses forces, pendant que le jeune homme vient le faire taire avec un coup de pied dans la figure.

Il aurait aimé dire « Je t'avais prévenu », mais n'a même plus la force de parler. Le liquide vital coule de ses narines et de ses oreilles.

« Ce sang... c'est le signe que le corps est à bout, ressent Al. Continuer de fournir des efforts peut conduire à un épuisement total de l'énergie vitale, ce qui signifie la mort... Mais bon, au moins, c'est terminé, maintenant. »

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