Chapitre 31 : Alice.

Alice Lock a vingt-trois ans. Elle avait deux frères et vivait une vie plus ou moins normale. Sa famille se dissimulait parfaitement dans la société humaine. Cependant, le dernier-né, Alex, avait un quotidien mouvementé au lycée. Lui et ses amis formaient un gang non malveillant. Ils passaient leurs journées à se battre contre des délinquants juvéniles.

Ils étaient forts, néanmoins, son frère avait commis une erreur : il obtint une réputation auprès de nombreux ennemis, et n'avait pas encore de pouvoirs.

Un soir, lorsqu'elle avait dix-neuf ans, Alice se promenait en compagnie d'Alex. Un groupe de voyous d'une cinquantaine de membres leur tendit une embuscade. Ils profitèrent du fait que le cadet était séparé de son gang pour l'attaquer et le blesser grièvement.

Leur vengeance ne s'arrêta pas là, ils décidèrent de s'en prendre également à la grande sœur. Ils la battirent sauvagement sous les yeux de son frère pour le briser mentalement. Elle s'en était sortie avec de nombreux os fracturés, une commotion, et d'autres blessures mortelles. Elle ne put constater toute l'ampleur des dégâts car elle tomba dans un coma avant même qu'ils ne terminent leur ignoble massacre.

Elle aurait dû en mourir, mais ce qui la sauva ce jour-là, c'est que le danger de mort provoqué par l'attaque transforma ses cellules, et elle éveilla ses pouvoirs. Sa régénération lente put soigner automatiquement ses blessures. Mais là n'était pas le problème.

Quelques semaines plus tard, elle avait vu au journal télévisé qu'une bande d'adolescents avait été décimée lors d'un règlement de comptes. Elle réalisa sur le coup : les pouvoirs d'Alex s'étaient éveillés et il avait vengé sa sœur.

Ce n'était pas non plus la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Ce dernier disparut par la suite. Elle comprit qu'il décida de s'enfuir pour ne pas que sa famille ait des ennuis s'il était arrêté. Si leur nature avait été découverte, le pire était à craindre.

Alice était effondrée. Alex était turbulent, agaçant, une vraie tête brûlée, mais elle ne pouvait supporter de le perdre.

Cet incident devint pour elle un traumatisme psychologique. Plus le temps passait, plus elle ressentait le besoin de faire subir ce que l'on lui avait fait subir ce jour-là : torturer. Elle ne parvint pas à se contenir et finit par s'en prendre à des gens qu'elle ne connaissait même pas, qui ne lui avaient rien fait de mal.

Détruire à petit feu ces gens avait l'effet inverse : ce qu'elle obtenait n'était autre que se détruire elle-même.

Elle ressentait le besoin d'en parler, de se confier. C'est alors qu'un jour, il y a deux ans, elle entendit parler d'Agiel. Elle n'hésita pas à aller la voir. S'exprimer lui fit ressentir un bien fou.

Par la suite, celle-ci n'était plus qu'une psychologue à ses yeux. Elle était devenue une amie pour Alice. Elle réussit finalement à se débarrasser de ce désir autodestructeur et pouvait enfin passer à autre chose.

Cependant, six mois après leur rencontre, l'ancienne tortionnaire croisa la route de Skill. Celui-ci lui demanda de l'aider à atteindre son but en raison de sa capacité. Elle refusa, mais ce dernier lui proposa un marché : elle le rejoindrait s'il parvenait à ramener son frère.

Ce fut mission accomplie. Lorsqu'Alice retrouva Alex, elle était tellement heureuse qu'elle accepta sans hésiter de suivre Skill. Le courant passa très facilement entre eux.

Ils se rapprochèrent petit à petit jusqu'à ce qu'il lui mette la bague au doigt.

Elle est la seule à tout savoir de lui. Elle s'est juré qu'elle ne dira jamais rien sur lui à qui que ce soit, et personne ne sera capable de rompre cette promesse.

Alice se doutait bien qu'Agiel suivait leur plan à contrecœur. Elle devait alors faire un choix : être l'amie de celle-ci, ou la fiancée de Skill ? Elle décida bien évidemment de se ranger dans le camp de son bien-aimé.

C'est ainsi que leur amitié se dégrada, ou plutôt devint inexistante.

***

Cammy dort paisiblement dans le lit. Elle ouvre lentement ses yeux quand soudain, J. fait son entrée dans la chambre. Elle sursaute tout d'abord, avant de s'exclamer de joie :

« J. !! Tu t'es déjà remis ? Je suis si contente de te voir !!

- Vraiment... ? Le plaisir n'est pas vraiment partagé.

- Qu'est-ce que tu essaies de dire... ? ».

Elle fronce ses sourcils, tandis que le brigadier dégaine son sabre... Ensanglanté. Elle n'a pas le temps de réaliser, que Kerry apparaît à son tour, un sourire sadique aux lèvres, tenant entre ses mains, les têtes flottantes d'Agiel et Alice.

« Qu'est-ce que... Qu'est-ce que ça veut dire ?!!!! hurle Cammy sans retenir ses larmes qui coulent à flots.

- Tu pensais réellement que nous te laisserions nous échapper aussi facilement ? réplique J. sans émotion. Nous avons fait semblant de t'avoir épargnée dans le but de te suivre discrètement, et dénicher tes alliés de la même sous-espèce que toi.

- Bien-sûr, avant de défoncer ces deux-là, nous les avons forcées à nous dire où sont tous leurs amis, renchérit Kerry avec extase. La fête ne fait que commencer. Nous allons tous vous massacrer, bande de vermines, jusqu'au dernier !! ».

Sur les murs de la chambre, commencent à se dessiner des motifs de partout. Des crânes de morts, ainsi que des ombres de jumelles aux humeurs opposées. Cammy hurle de toutes ses forces. Les fillettes, J. et Kerry ricanent, envahissent la jeune nigh de désespoir, de peur, d'affliction. Les deux assassins, au pic de leur sadisme se jettent sur elle...

***

... Un hurlement de terreur se fait entendre dans toute la maison. Cammy se réveille en sueur, pétrifiée par ce cauchemar indescriptible.

Agiel se précipite pour la retrouver, armée d'un grand sac en plastique. Elle est inquiète de voir sa patiente aussi haletante. Elle n'a fermé l'œil que pendant quelques minutes.

Lorsque la blonde s'approche, Cammy la saisit fermement par la taille, en pleurs, et s'exprime, la voix frénétique.

« Tu es toujours vivante... Je suis si contente...

- Ce n'était qu'un mauvais rêve, ne t'en fais pas pour ça... », rassure-t-elle.

Cammy regarde à sa droite et aperçoit une bouteille d'eau déposée près d'elle. Elle essaie d'étancher sa soif, mais Agiel réagit instantanément.

Elle repousse l'objet qui se heurte contre le mur d'un geste nerveux et le liquide asperge la paroi.

« Ne bois pas ça !! s'écrie-t-elle.

- Mais qu'est-ce qui te prend... ? interroge Cammy, confuse par cette réaction.

- Qu'est-ce que je raconte... De toute façon c'est trop tard... », constate-t-elle avec regret.

La bouteille d'eau n'était pas totalement remplie, ce qui signifie qu'Alice lui en a fait boire un peu pendant son sommeil.

Agiel, dépitée, raconte crûment toute la vérité à Cammy.

***

« ... T'essaies de me dire que tu clignes jamais des yeux mais elle a profité d'un moment d'inattention de ta part pour me faire boire ce truc ?!! s'emporte la victime.

- Ça va, tout le monde a bien le droit d'aller aux toilettes !! se justifie Agiel.

- En fait, t'es pas différente des autres... larmoye Cammy, déçue, dégoûtée même. T'as dit que tu serais toujours là pour moi, tu m'as gavée de beaux discours... Je pensais même qu'on serait amies... Pourtant avant même que j'arrive ici, tu m'avais déjà trahie... Si même toi tu me fais des coups pareils, en qui je suis censée faire confiance maintenant...?!?! ».

Suite à ce hurlement sinistre, Agiel baisse d'un ton, non sans détermination.

« C'est vrai, tu as parfaitement raison. Je t'ai menti depuis le début, tout comme tous mes précédents patients. Tu sais, j'ai commis beaucoup d'erreurs... Mais j'en ai plus qu'assez. Je ne veux plus commettre des actes que je regretterai. C'est pour ça que j'ai décidé de mettre un terme à tous ces mensonges, ici et maintenant. Je veux que tous mes compagnons redeviennent comme avant. Mais je ne peux y arriver seule. Cammy, s'il te plaît, j'ai également besoin de ton aide.

- Je ne peux pas te faire confiance aussi facilement... ! Mais... commence-t-elle à se calmer... Le fait que tu m'aies dit la vérité signifie que t'es pas de leur côté. Alors je veux bien te prêter un coup de pouce, juste pour cette fois ».

Agiel sourit. Mais cette expression s'efface lorsqu'elle remarque que sur le drap, sont présentes des taches de sang plus fraîches. Mais surtout, le liquide vital coule en abondance.

« Cammy... Ton bras.... ?

- Depuis mon réveil c'est douloureux, mais je ne sais pas comment ça a pu m'arriver. Je me sens de plus en plus faible... », explique-t-elle en passant un doigt sur la partie concernée.

Agiel examine la blessure sur son avant-bras avec plus d'attention. Elle affiche aussitôt une expression d'horreur.

« ... Tu t'es fait trancher une veine... !

- Hein... ? ».

Le temps de réaliser ce qui se passe, le visage de Cammy se décompose, de plus en plus vers l'inquiétude.

« Cammy ! Peux-tu utiliser ton pouvoir ?! » questionne urgemment Agiel.

La concernée tente d'user de sa compétence mais rien ne se passe.

« C'est bien ce que je pensais... constate la blonde. Elle a scellé ton pouvoir pendant ton sommeil.

- Quoi... ? Mais comment... ?

- Le concept d'Alice est celui du verrouillage.

- Elle peut donc bloquer tout ce qu'elle veut... ?

- C'est ça », confirme Agiel.

Lorsqu'un individu est dans l'incapacité d'user de son pouvoir, son énergie vitale redescend au même niveau que celle d'une personne sans Drive. Nigh ou pas, il ne peut donc bénéficier de la régénération lente, et est aussi vulnérable aux blessures que les gens ordinaires.

Cammy se laisse abandonner à l'effroi.

« Tu veux dire que je vais mourir d'un instant à l'autre... ?

- Non. Vu la quantité de sang que tu as perdue, on va dire dix minutes, environ. Je vais chercher un pansement pour te faire gagner du temps.

- Mais pourquoi Alice Au Pays Des Merveilles me fait tout ça ?!

- Elle savait sans doute que je ne te ferais pas boire l'eau, et a décidé d'en finir elle-même avec toi, car tu en saurais trop ».

Pendant que Cammy perd de plus en plus ses forces, Agiel enlève ses chaussures et les met dans le sac en plastique. Elle demande à sa patiente de lui prêter les siennes, et même de lui donner l'élastique qui forme la couette unique dans ses cheveux.

La blessée s'exécute, même si elle est dans l'incompréhension totale. Téléphones, oreillers, drap, couverture, ordinateur portable, vieux vêtements, tableau accroché au mur, pointes, tout entre dans le contenant.

« C'est pour quoi faire tout ça... ?

- Pas le temps d'expliquer ! se hâte Agiel. Alice va débarquer d'un moment à l'autre !

- Mais comment elle est au courant de tout ce qui se passe, en fait...... ? ».

Agiel ne répond pas, et se précipite, bien chargée, vers la sortie pour accomplir sa mission.

Dès qu'elle franchit la porte de quelques millimètres, une main vigoureuse frappe le mur externe de la chambre.

Cammy, qui commence à voir flou, aperçoit une lumière jaunâtre à la sortie de la chambre, avec au milieu, un symbole de cadenas. Elle comprend que ni elle, ni Agiel, ne pourront à nouveau franchir le seuil de la porte sans l'autorisation de celle qui en est à l'origine.

« Vous pensiez que je vous laisserais vous en sortir aussi facilement ? s'irrite Alice.

- Évidemment que non... », rétorque son ancienne amie.

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